L’idée même que les participants à la dictée Bolé aient pu s’inscrire dans le but de rivaliser sur les accords du passé-composé ou sur le pluriel des mots composés, serait « superfétatoire »*, bien que tous ne « vaticinent » pas sur l’idée de rendre une copie sans fautes. Mais c’est bien parce que des mots aussi casse-pied à écrire sous la dictée que lapis-lazuli, ne les freinent pas, que nombreux sont ceux qui viennent pour l’ambiance, plutôt le bon esprit, l’Espritbtm (Bouge-Toi-Mayotte).
L’agence social média a encore frappé : en exfiltrant l’orthographe de son lieu sacré de l’Education nationale, pour l’aérer et l’embarquer à bord de la barge, Esprtibtm a réussi ce qu’on aime le plus chez ses créateurs : innover. Nassem Zidini, Kémal Moustoifa et Halime Madhoma, l’initiateur de la 1ère dictée Bolé en 2015, avaient même vaticiné à tout crin, puisque, à peine la barge Polé avait-elle quitté le quai, que des « tauds » étaient tendus par l’association les Gardiens du Littoral, pour recueillir les premières averses afin de « rasséréner » les passagers d’un jour.
Kamar en animateur infatigable et la fidèle Jane Jaquin, de toutes les dictées, pouvaient commencer leur duo, une fois que les stylos aient été distribués aux participants. Vous doutez sur « tropisme viscéral », ou sur le pluriel de « pailles en queue » ? Pas grave, l’objectif c’est de rigoler avec vos voisines Yasmine ou Anaïs sur l’injure « Bachi-bouzouks », tellement oral chez Hadock, que vous n’aviez jamais cherché à savoir qu’il s’agissait de cavaliers de l’empire ottoman.
Les Immortels bargeront-ils un jour ?
Pendant les lectures et relectures, là-haut, à la barre, la commandant Ramzati Ismaïla, 29 ans, qui après avoir passé son brevet de capitaine 500 en métropole, et avoir navigué en Méditerranée et aux Antilles, est revenue trouver son lagon, qui avait viré du lapis-lazuli au gris ce samedi d’averses.
Une dictée au milieu du lagon, il fallait oser pour bouger ainsi Mayotte. Les 160 inscrits n’étaient pas tous là, une grosse moitié environ a embarqué. On peut regretter qu’il n’y ait pas eu de personnalités, les précédentes éditions avaient pu compter sur la présence de vice-recteur ou sous-préfets. Chantal Charles-Alfred représentait le vice-rectorat, un apport encyclopédique non négligeable sur les origines des mots.
A ce petit jeu, ce sont trois femmes qui finissent dans le trio de tête : Patricia Pouthou (16 fautes), notre consoeur Nora Godaud (19 fautes) et Audrey Veyredieu (23 fautes). Des Smartphones Only, des sylos Touch’ du bois, des bons d’achats chez Mayana lingerie, Madora, Celio, la Maison des Livres et Bureau Vallée. La lauréate gagne également un saut en parachute de Vewuha.
Toutes les trois seront les ambassadrices d’un nouveau défi lancé par Halime Madhoma, celui de faire inscrire un jour sur le « frontispice » de l’Académie française, le mot franco-mahorais « barger », ou en le faisant au moins entrer dans le langage de ses Immortels.
Anne Perzo-Lafond
* Superfétatoire : superflu
Vaticiner : prophétiser