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Le développement de l’Afrique revu et corrigé de l’intérieur

Histoire de donner le « la » de la montée de compétence vers le rectorat au 1er janvier 2020, le DÉpartement de la Formation, de l’Innovation et de l’Expérimentation (DÉFIE) du vice-rectorat, propose un séminaire sur « l’Afrique subsaharienne*, des indépendances aux voies de développement et aux défis à relever : géohistoire et géopolitique ».

Stephan Martens, le vice-recteur, nous explique la démarche : « En basculant vers le rectorat, nous devenons une académie à part entière, qui doit s’ouvrir sur l’extérieur. Cela nous permettra de faire venir des universitaires et des experts, et surtout de parler de ce continent voisin, encore trop méconnu qu’est l’Afrique subsaharienne, et dans un contexte mahorais où le shimaoré et le shibushi pourraient devenir des langues régionales. »

« Jeter un regard au delà de notre île », comme il le préconise, c’est aussi trouver d’autres modèles et des similitudes, mais aussi des marchés potentiels qui appellent à une meilleure connaissance de ce continent, et plus particulièrement sur sa partie subsaharienne, qui regroupe 48 pays et 1,1 milliard d’habitants.

La première des conférences qui s’étalent sur 4 jours au collège de Kwalé (Tsoundzou 1), portait justement sur les investissements, et sur les migrations, avec un contenu beaucoup plus abordable que son titre, « Désenclavements, intégrations régionales et métropolisations : l’Afrique Subsaharienne est-elle vraiment un angle mort des mondialisations ? »

Elle aborde en réalité les deux angles d’intérêt pour cette Afrique au sud du Sahara que résume Stephan Martens : « Les images d’un territoire en émergence », et non plus « de désolation, de guerres civiles ou de famine », et les « flux migratoires » comme « enjeu de politique majeure pour les pays européens ».

Rien n’émergeait d’une croissance à deux chiffres

Des conférences qui permettent aussi de former professeurs et inspecteurs, indiquait Stephan Martens

Pour étayer son propos d’une croissance économique conditionnée à l’implantation de marchés opérationnels à l’intérieur même du continent et avec sa région, le conférencier Jean-Fabien Steck, Maître de conférence à l’université Paris-Nanterre et chercheur de l’UMR LAVUE, revenait sur le concept de « croissance », basée sur celle du PIB (Produit Intérieur Brut, la richesse d’un territoire), et désormais critiqué jusqu’en occident : « Les plus grosses agences comme la CNUCED critiquent cet indicateur, car la croissance africaine repose sur deux facteurs de potentielle fragilisation de l’économie : les deux tiers sont portés par la consommation finale et donc l’importation des produits, et sur un déséquilibre du commerce extérieur avec une très faible intégration régionale. » On peut glisser que toute ressemblance avec un 101ème département n’est pas fortuite…

Alors qu’on a souvent parlé de croissance à deux chiffres pour certains pays africains, sans en percevoir les résultats, on préfère donc ne plus parler de « développement », mais de « stratégie d’émergence ». Trois pays leader, le Kenya, la Côte d’Ivoire et le Nigeria, sont qualifiés de « pré-émergents », par le FMI.

Les pays qui investissent en Afrique Subsaharienne, sont par ordre décroissant d’importance, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine et l’Afrique du sud. Avec pour certains, des « fonds vautour », des retours sur investissement attendus, et rapidement encore ! Un nouveau dispositif est en réflexion, une sorte de rachat caritatif de la dette : « Après avoir racheté la dette, le bailleur qui perçoit le remboursement du pays africain, doit lui reverser la somme sous forme d’aide public en développement. » Le fait de parvenir à rembourser étant une garantie d’attractivité de nouveaux investisseurs pour le pays.

Des liaisons non dangereuses

L’objectif est de rendre le continent attractif pour des investissements « non vautours »

C’est sans doute une lapalissade de dire que pour développer ce continent, ses pays doivent échanger entre eux, impliquant « l’effacement des frontières ». L’exemple du Maroc est éloquent avec son port Tanger Med conçu pour échanger avec l’Europe, et devenu « un hub majeur pour l’Afrique occidentale, avec 15 lignes maritimes. »

Le frein au développement se matérialise aussi par l’’inaccessibilité de certaines régions que l’on commence à solutionner par des liaisons appelées « corridor de développement ». Il s’agit d’utiliser les axes de communication, ferroviaires, routes, maritimes, pour relier de zones, par exemple Johannesburg au port de Maputo, en intégrant à ce développement toutes les zones qui les séparent (implantations d’entreprises, de complexes hôteliers, etc.) « Le principal obstacles à ces liaisons de développement reste la corruption, elle représente 30% des frais de transport », glisse Fabien Steck.

Développer les marchés continentaux de ces pays reste la première des solutions aux flux migratoire, « c’est le continent où l’on migre le plus », et vers l’extérieur (Europe, Moyen-Orient, Amérique du nord). Si une « dynamique économique est portée par les migrants », on le sait trop bien, elle s’accompagne aussi de « trafic et d’économie informelle ». Des migrations qui sont facteur de développement, si les transferts d’argent, « les remises » effectuées à leurs familles par ceux qui sont partis, ne sont pas supérieures à l’aide publique au développement. Or, « c’est le cas au Mali », et idem aux Comores, « il faudrait capter ces fonds en Fonds d’investissement national », donc récupéré par l’Etat… Peu probable que cela se concrétise un jour.

De vraies solutions à « l’émergence » se profilent donc, avec non plus seulement des transferts nord-sud, de la part des pays développés, mais en partant de l’écosystème local.

Pour assister aux conférences, lire Programme Séminaire Afrique Subsaharienne

Anne Perzo-Lafond

* Pays au sud du Sahara

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