De prime abord les faits pouvaient sembler simple. Un entrepreneur qui utilise la carte bancaire de sa société pour faire des achats, c’est interdit. Utiliser un mauvais numéro de Siret sur des factures, aussi. Des faits qui datent de 2013 et qui ont plongé cet artisan dans une spirale infernale, perte d’emploi, de logement.
A l’origine, une société fondée dans les années 2000 par un entrepreneur qui s’associe à un artisan : l’homme à la barre. Ce dernier se voit confier les clés de la société quand son fondateur quitte Mayotte en 2013. Au lieu de récupérer le fonds de commerce, l’artisan crée une nouvelle société, au nom similaire à l’originale, pour y transférer l’activité. « On était partis sur des éléments compliqués et douteux » résume le procureur Courroye.
La manœuvre administrative n’est pas sans conséquence. La société nouvellement créée n’a pas de compte. L’artisan prend deux associés et l’argent de l’ancienne boîte est mise sur son compte personnel. Pendant ce temps la nouvelle entreprise bénéficie de son nom, similaire à l’ancienne, pour gagner la confiance des clients. L’argent des chantiers entre sur le compte de l’artisan, mais quand l’entreprise a enfin sa propre identité bancaire, tout l’argent n’est pas restitué. Les deux associés portent plainte et c’est la descente aux enfers. « La gestion n’était pas clarifiée et les écritures comptables ont été falsifiées par chacun » des trois associés, poursuit le substitut qui émet l’hypothèse d’une responsabilité partagée.
« Tout sauf une bonne gestion »
« Tout a été fait pour semer le doute parmi les clients ». Il réclamait 5000€ d’amende avec sursis pour l’usage de faux, mais note n’avoir « pas de preuve qu’il voulait encaisser des fonds en se faisant passer pour l’ancienne société ». Même si les éléments du dossier montrent « tout sauf une bonne gestion ».
L’avocat du prévenu Me Simon demande lui la relaxe totale. Selon lui, il n’y a aucune malversation, que des usages communs. En effet, l’homme avait un mandat de gérant « sans limitations », difficile donc de lui reprocher l’usage de la carte bancaire. En outre « est-il interdit à un gérant de faire des avances sur salaire ? » interroge-t-il au sujet des achats effectués avec la carte de l’entreprise. L’avocat dénonce « une tentative d’escroquerie au jugement », les anciens associés essayent selon lui de s’approprier l’entreprise en faisant condamner l’artisan.
Des éléments qui ont semé un doute suffisant parmi les trois magistrats du siège qui ont débouté les deux anciens associés de leur demande de dommages et intérêts.
Le prévenu a donc été totalement relaxé par le tribunal. Une décision qui est cohérente avec l’annulation en appel de la condamnation prononcée par le tribunal du commerce dans cette même affaire. Reste que les « importantes négligences » soulignées lors de ce procès sont une leçon pour tout entrepreneur à Mayotte. Mieux vaut se faire accompagner dans ses démarches, que d’improviser avec tous les risques que cela comporte.
Y.D.