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Le « premier écrivain sénégalais » à l’honneur au CUFR

Mélanie Bourlet présente son film sur Bakary Diallo
Mélanie Bourlet présente son film sur Bakary Diallo

C’est une visite rare et enrichissante qu’on reçue les étudiants de lettres du CUFR. Toute la semaine, ils ont bénéficié de cours dispensés par Mélanie Bourlet, spécialiste de la littérature et des langues africaines.
Ce vendredi, la maître de conférence a diffusé un film qu’elle a réalisé, au sujet d’un poète sénégalais, Bakary Diallo, que le président Senghor qualifiait amicalement de « premier écrivain du Sénégal »
Paradoxalement, l’intérêt de cet auteur trouve sa source dans le fait qu’il soit tombé dans l’oubli lors des indépendances. « Son projet ne cadrait pas avec ce que proposaient les écrivains de la négritude » analyse l’enseignante. En d’autres termes, Diallo était accusé d’être pro-colonial. Des soupçons en partie dus à son passé militaire. Engagé en 1911 comme tirailleur, il est blessé dans les tranchées. C’est là qu’il apprend le français, et qu’il commence à écrire, entre ses nombreuses opérations à Paris. Le jeune berger analphabète devenu écrivain devait attirer la suspicion de ses contemporains. Il fera ensuite carrière comme traducteur dans l’armée et produira de nombreux ouvrages en langue française et peule. Sa correpondance abondante avec l’administration coloniale au sujet des livres qu’il a voulu faire éditer témoigne de son travail. Mais aucun manuscrit ne sera publié, ni restitué à leur auteur. Perdus à jamais.
Seule demeure comme trace de son travail une cassette audio sur laquelle l’écrivain prolifique avait enregistré quelques poèmes. Trace littéraire d’un auteur oublié partout sauf dans sa région natale.
Avec ce film, Mélanie Bourlet voulait « réparer l’image abîmée de l’écrivain par l’image ». C’était pour elle « un devoir de mémoire pour cet auteur qui est bien plus que ce qu’on a voulu lui faire dire ». Un homme qui en plus de ses livres, avait à coeur de partager son savoir, luttant sans relâche contre l’illétrisme. Militant de la scolarisation pour tous, filles comprises, il a aujourd’hui des écoles et même un village à son nom.

« Une formidable possibilité »

L’étude de la littérature africaine est primordiale pour l’enseignante, notamment à Mayotte où elle ne s’était encore jamais rendue.
« Un étudiant m’a dit cette semaine qu’il ne s’était jamais posé la question de ce qui se faisait en langues africaines car il étudie plutôt ce qui s’écrit en français. Il s’est dit qu’il devrait d’abord prendre conscience de l’histoire de son continent ». Les cours dispensés représentent pour la prof « une formidable possibilité dans le cadre d’un cursus de lettres, de parler de l’histoire littéraire du continent africain, en langues africaines. »
En effet, l’Afrique compte pas moins de 2000 langues, « sans compter les dialectes » précise-t-elle, et la plupart des ouvrages écrits depuis des siècles n’ont pas encore été traduits. La plus ancienne langue écrite d’Afrique est d’ailleurs encore en cours de déchiffrage.
C’est dire si la recherche en littérature offre encore d’innombrables possibilités d’études en Afrique.

Le film est en accès libre sur Internet.

Y.D.

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