30.8 C
Mamoudzou
samedi 18 janvier 2025

Un bébé pour des papiers

PasseportDans la salle d’audience, l’atmosphère solennelle de rigueur est troublée par la voix d’un petit garçon. Gazouillant, jouant, l’enfant court à droite et à gauche. Il entend les débats sans comprendre qu’il est au coeur des enjeux du procès qui se déroule.
Les faits remontent à la grossesse de sa maman, début 2014. Alors qu’il n’est pas encore né, des adultes perçoivent déjà l’intérêt que ce petit Français peut leur apporter. L’obtention d’un titre de séjour. Rien de moins.
A ce stade, on a deux femmes. L’une tombe enceinte du frère de l’autre, mais elle ne veut pas de cette grossesse. L’autre lui manifeste son souhait d’avoir un enfant. « Je ne voulais pas d’enfant, explique la première à la barre, j’avais dit qu’une fois avoir accouché, l’enfant serait donc à son nom à elle. Si elle l’a utilisé pour avoir des papiers, je ne suis pas au courant. J’ai décidé de lui donner l’enfant car elle n’en avait pas. »
L’enfant, né français, est donc reconnu par la belle-soeur, qui le récupère deux mois après sa naissance. Rapidement, le petit obtient un passeport français, au nom de sa mère adoptive. Cette dernière reconnaît lors de son audition avoir fait toutes ces démarches dans le seul but d’obtenir un titre de séjour.
Mais c’était sans compter sur l’instinct maternel de la mère biologique qui, après avoir nourri son bébé pendant deux mois, n’a pas supporté de l’abandonner. Prise de regrets, elle se rend auprès du juge des affaires familiale pour revendiquer la maternité du bébé. Ce qui déclenche un conflit avec la mère adoptive, qui ne s’est d’ailleurs pas rendue à l’audience.

« Une triste histoire »

« C’est une triste histoire, note le président Rodriguez, car on a un bébé qui n’a rien demandé et qui se retrouve au milieu de tout ça. »
Pour la procureure, l’affaire est aussi grave que triste. « Ces faits sont clairs, et reconnus. Les reconnaissances frauduleuses d’enfants sont fréquentes à Mayotte, et le but de cette pratique est d’avoir des papiers derrière. Et quand bien-même, la Loi ne permet de porter un enfant pour quelqu’un d’autre. La conséquence pour cette enfant, c’est qu’on lui a donné une fausse existence, et qu’il faut activer la machine judiciaire pour lui rendre son identité. » Elle dénonce une « démarche inadmissible » et demande quatre mois avec sursis pour les quatre prévenus.
La tribunal, notant que tous ont un casier vierge, a prononcé une peine de 3 mois de prison avec sursis.

Quant au petit, son avenir est désormais suspendu au volet civil de cette affaire familiale. Le passeport réalisé sous une fausse identité lui a été retiré, il se retrouve ainsi sans papiers, ni identité officielle. La Justice doit désormais lui restituer officiellement son nom de naissance.

Y.D.

 

Partagez l'article:

Société

NEWSLETTER

Recevez gratuitement les articles

du Journal De Mayotte

Nous ne vous enverrons jamais de spam ni ne partagerons votre adresse électronique.
Consultez notre [link]politique de confidentialité[/link].

Les plus lus

Articles similaires
Similaire

Le lycée Bamana entre centre de migrants et rentrée scolaire

Prévu comme centre d’hébergement d’urgence, le lycée Bamana a abrité pour un mois plusieurs demandeurs d’asile. A l’heure où va sonner la cloche de la rentrée, un collectif de citoyens a doublé le rectorat dans l’évacuation des lieux.

Rayons vides : les marchandises bloquées au port

Alors que les toits endommagés ne se comptent plus à Mayotte, au port de Longoni, ce sont les grues qui font l’actu. Pas seulement, puisque les tarifications inappropriées sur le stationnement des containers non manutentionnés font monter les transitaires au créneau.

Post-Chido : Les maires veulent être associés à la gestion des dons de la Fondation de France

Depuis le passage de Chido, la Fondation de France a récolté près de 40 millions d’euros de dons qu’elle compte distribuer à 18 associations présentes à Mayotte. Les élus de Mayotte ne voient pas cela forcément d’un bon œil et se sentent mis à l’écart.

Des bandes venues en force pour agresser et saccager à Passamainty

S’il y a eu une arrestation d’une dizaine de jeunes, ils sont plus d’une cinquantaine à avoir terrorisé la population et blessé des policiers ces trois derniers jours. Des agressions qui continuent ce jeudi.
WP Twitter Auto Publish Powered By : XYZScripts.com