Nous sommes passés à Dembéni jeudi au centre-est de l’île pour un reportage. Notre interlocutrice était malade, une forte fièvre, des diarrhées, « et pourtant, je n’utilise jamais l’eau du robinet. Même mon chat est malade, alors que je lui donne de l’eau en bouteille ! »
Les habitants subissent des coupures depuis mi-décembre, qui sont passées d’un jour, à deux jours sur trois. Une mission de la Sécurité civile est venue à Mayotte mi-janvier, sans résultat visible un mois et demi après.
Plus au sud, vers Sada, une habitante a écrit sa colère, et nous envoie un texte qui exprime ce que tous les habitants vivent au quotidien depuis 2 mois : pas d’eau pour tirer la chasse quand justement les diarrhées sont fréquentes, pas de lavage de main ensuite sans toucher des jerricans d’eau avec des mains salies, pas de garanties d’absence d’infection lorsqu’elle se coupe pour faire la vaisselle… Nous reproduisons intégralement son texte.
« Après le 6 février 2017
On ne veut pas entendre ce que nous propose la ministre
On ne veut pas !
Ce sont des solutions à long terme qui ne nous impactent pas actuellement
On veut entendre des solutions immédiates. Immédiates comme :
I) on veut de l’eau tout le temps
II) on veut pouvoir prendre une vraie douche tous les jours, une vraie
III) a la rigueur, on veut de l’eau un jour sur deux (voir plus bas, no 9)
IV) on veut entendre qu’on ne doit pas faire bouillir l’eau du robinet pendant 5 mn. on veut de la bonne eau. on est en France, pays développé, oui ou non !
V) on ne veut pas d’eau brunâtre
VI) on ne veut pas passer une heure tous les trois jours à remplir nos bidons d’eau… douteuse… parfois deux heures si on est une famille nombreuse
VII) on veut que l’eau revienne à l’heure prévue, pas une heure après
VIII) on ne veut pas devoir se faire vacciner conte l’hépatite ou la typhoïde… comme en Inde
IX) on ne veut pas que nos enfants soient malades
X) on veut savoir si cette eau est dangereuse pour les yeux
XI) on veut savoir si cette eau est dangereuse si on se coupe en faisant la cuisine
XII) on veut aussi que nos enfants aillent à l’école
XIII) on veut pouvoir recevoir nos amies le samedi et le dimanche. Peut-on le faire s’il n’y a pas d’eau?
XIV) on veut que tout le monde participe à l’effort si celui-ci doit durer jusqu’au mois d’aout 2017 ????
XV) on veut que le nord soit traité comme le sud au nom du sacro-saint principe d’égalité (de la république, une et indivisible)
XVI) on veut entendre que le nord aussi, oui aussi, aura de l’eau un jour sur deux comme le sud… au nom du principe d’égalité et de fraternité de la république (encore une et indivisible)
XVII) on ne veut pas se sacrifier pour le nord
XVIII) on ne veut pas que cela continue jusqu’au mois d’aout
XIX) on ne veut pas que cette situation s’installe et que tout le monde considère cela comme normal; la preuve, on n’en parle même plus au journal de Mayotte première (voir le mardi 21 février 2017)
XX) etc.
Comme dirait monsieur Zaman Soilihi, pour un pays développé, «c’est une honte»
Une citoyenne en colère. »