Dominique Ledemé avait été dépêché en urgence sur notre territoire à la suite des violentes manifestations de l’année dernière, avec comme objectif l’application immédiate du code du travail de droit commun à Mayotte, et non plus d’un code du travail spécifique. En avril dernier, le travail avait véritablement commencé avec les partenaires sociaux. Il avait permis de lister les dispositions du code du travail national incompatibles avec les spécificités mahoraises, comme les dates de congés payés, les jours fériés qui intègrent ici l’Ide El Kebîr, ou les cotisations CSSM qui impactent les salaires, et qui ne seront alignées qu’en 2036.
Jusqu’à présent, seul un quart des dispositifs est identique au code du travail national. C’est le cas du droit syndical ou des congés payés. C’est dire le travail qu’il reste à accomplir. « Cela ne pourra se faire si les organisations syndicales et patronales ne se muent pas en partenaires sociaux », avait prévenu Dominique Ledemé. Car ils doivent travailler ensemble sur l’application des conventions collectives, ces textes qui adaptent les conditions de travail et les garanties sociales à un corps de métier ou à une branche particulière.
L’Intersyndicale en relation directe avec l’Outre-mer
On n’en prend pas le chemin si l’on en croit la défection de l’ensemble des partenaires à la réunion d’hier, qui devait justement entériner l’avancement des réflexions des partenaires sociaux sur ces thèmes, et préparer la 2ème séquence de la mission, du 30 juin au 8 juillet, précisément sur les relations collectives de travail.
Pas de surprise du côté de FO puisque El Hanziz Hamidou n’a jamais accepté cette méthode de travail du gouvernement : « Nous ne voulons pas d’une transposition, mais d’un code du travail de droit commun dans son intégralité. Sans spécificités qui va en vider le contenu », rappelle-t-il au JDM. Il parle par ailleurs au nom de l’Intersyndicale en indiquant que le travail et les conclusions ont été envoyés directement au ministère des Outre-mer, « nous n’échangeons qu’avec des personnes mandatées », réduisant la mission Ledemé à un caractère anecdotique.
Aucun caractère intentionnel de s’abstenir du côté de la CFE-CGC, qui évoque un oubli. Pour le Medef, Thierry Galarme est remonté. Tout d’abord contre l’organisation du gouvernement : « Nous étions invités à une réunion sur ce sujet le 3 juin dernier au ministère des Outre-mer, pour laquelle la préfecture a payé les billets de tous les partenaires sociaux, et quelques jours après, on nous demande de participer sur le même sujet à une réunion à la Dieccte, qui dépend du ministère du travail. Un zébu n’y retrouverait pas ses petits ! »
Le Medef Mayotte agacé par la ministre Pau-Langevin
Mais la vraie raison de sa colère, c’est la quasi-fin de non recevoir que vient de lui opposer la ministre Pau-Langevin : « Sans même attendre les conclusions de mon enquête sur l’implantation d’une zone franche globale qu’elle m’avait pourtant demandée, la ministre manque de respect en demandant au préalable un bilan des exonérations de charges actuelles. » Selon lui, peu de professions sont actuellement concernées par ces exonérations à Mayotte : « les experts comptables, les professionnels du tourisme et l’industrie. »
Il rappelle que « les deux principaux candidats à la primaire de droite, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, se sont déclarés favorables. Il faudra donc au pire attendre l’année prochaine pour les zones franches globales. »
Vexant quand le Medef Mayotte avait avancé la mise en place des zones franches globales comme contrepartie de son soutien à la transposition immédiate du code du travail. « Le ministère du travail réussit donc l’exploit de se mettre à dos syndicats de salariés et patronat », conclut-il en faisant référence au débat houleux sur la loi El Khomri, « que le Medef ne soutient plus. »
Espérons que le travail à entreprendre sur ce code du travail, et pour lequel les syndicats ont un gros travail de compréhension à faire sur tes textes parfois particulièrement abscons, n’en souffre pas. En tout cas, Dominique Ledemé revient le 30 juin pour ça, pour expliquer et décrypter autant que de besoins. Une expertise que Mayotte n’aura pas toujours à portée de main.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte