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Passe en S: le temps du laisser-faire est peut-être terminé

La Passe en S, un lieu unique
La Passe en S, un lieu unique

Le message se veut positif mais le constat est bel et bien mauvais. «Reconquérons la passe en S», scande le Parc naturel marin (PNM) au moment de décliner son plan de gestion pour proposer des actions opérationnelles «prioritaires». Car il y a effectivement urgence à sauver un site qui est pourtant classé en réserve depuis 26 ans et placé sous l’autorité du Parc depuis 6 ans.

Dans la passe en S, également appelée «Longogori» (littéralement «tortueuse» en Mahorais) pas de superlatif superflu. L’endroit est effectivement «un exceptionnel réservoir de biodiversité», lié à une histoire et une topographie particulières.

On y compte plus de 50 espèces de coraux durs et plus de 250 espèces de poissons appartenant à 44 familles. Elle abrite aussi des espèces très populaires comme près de 300 tortues vertes, imbriquées et caouannes, des mammifères marins (dauphin long bec, dauphin tacheté, grand dauphin, dugong), deux espèces de requins de récifs (pointe blanche et gris de récif) et des raies (aigle léopard et pastenagues) mais aussi d’autres poissons emblématiques tels que le napoléon, le perroquet à bosse, la loche géante et le mérou marbré… Sans parler des mérous bruns qui viennent s’y reproduire ou des balistes géantes connues pour leur agressivité à certaines périodes de l’année… Bref, un festival naturel qui contribue à l’attractivité du site. Sur les 12 passes de la barrière récifale de notre département, la passe en S sort incontestablement du lot.

Dans le quadrilatère, la zone de la réserve intégrale interdite à la pêche de la passe en S
Dans le quadrilatère, la zone de la réserve intégrale interdite à la pêche de la passe en S

Une réserve bien peu respectée

Logiquement des mesures ont été prises pour tenter de préserver l’endroit. En 1990, un arrêté préfectoral l’a classé en réserve de pêche sur 1.380 hectares. 17 mouillages ont ensuite été installés, puis 6.600 étoiles de mer «dévoreuses de corail» ramassées de 1991 à 2000. Et aujourd’hui, une réglementation stricte s’y applique. C’est même la zone marine «de plus fort statut de protection de Mayotte», rappelle le Parc.

A l’intérieur du périmètre, sont strictement interdits, tous les procédés de pêche, le ramassage des coquillages, la destruction ou la récupération de coraux vivants ou morts, les dispositifs d’ancrage à l’exception de l’amarrage sur des bouées de mouillage prévues à cet effet, et la vitesse y est limitée à 10 nœuds.

Et pourtant, la passe en S ne va pas très bien. Alors qu’un «effet réserve» devrait être visible avec des poissons nombreux et de grande taille qui partiraient de la passe pour alimenter une bonne partie de l’est du lagon… Ce n’est malheureusement pas le cas. Le braconnage, de jour comme de nuit, reste un véritable fléau depuis 1990, la fréquentation touristique et d’éventuelles mauvaises pratiques sur le site sont aussi pointées du doigt par le parc.

Agir, enfin

La passe en S une richesse de biodiversité exceptionnelle (Photo: Julie Molinier/Aires marines protégées)
La passe en S une richesse de biodiversité exceptionnelle (Photo: Julie Molinier/Aires marines protégées)

Diplomatiquement, le parc indique qu’«il existe donc un enjeu fort de conciliation des enjeux écologiques et des enjeux de développement économique de ce site.» En clair, s’il faut faire avec le tourisme, il faut commencer à agir vraiment pour protéger le site.

Le Parc naturel marin a donc décidé de décliner son plan de gestion dans la zone. Quatre grandes thématiques ont été retenues.

D’abord, l’organisation d’une «surveillance renforcée». On peut donc imaginer que s’en est fini de pêcheurs en pirogue, en barque à moteur ou des chasseurs sous-marins, le Parc veut un «retour à un respect strict de la réglementation». Pour y parvenir, il compte «mutualiser ses actions avec les autres services compétents» car il reconnaît que sa création «n’a pas conduit à une amélioration significative de la pression de contrôle jusqu’au second semestre de l’année 2015». Durant les 6 derniers mois de 2015, 28 sorties de contrôles ont en effet été organisées sur la passe en S. Le rythme redevient significatif mais pourrait encore largement être augmenté.

Aménager, communiquer et connaître

Bouée de la passe en S (Photo: Julie Molinier/Aires marines protégées)
Bouée de la passe en S (Photo: Julie Molinier/Aires marines protégées)

Le 2e axe vise «l’accompagnement des usages par une politique d’aménagements adaptée». Le PNM a déjà récupéré la gestion des bouées de mouillage depuis le mois de février dernier. Il veut maintenant agir sur les aménagements, l’accompagnement des usagers pour leur bonne utilisation, l’extension du nombre d’ouvrages afin de favoriser la diversification des sites de plongée ou encore sur l’entretien des balises de signalisation de la réserve. «A terme, l’aménagement d’un sentier pédagogique pourrait être envisagé», souligne le PNM.

Le 3e ensuite, cible l’information et la sensibilisation des usagers avec par exemple la proposition d’une charte ou d’un label plongée… Là encore, il faudra apprendre à se faire respecter. On se souvient de la charte d’approche des mammifères marins qui a volé en éclat avec l’arrivée des orques.

Enfin, le PNM veut améliorer «la connaissance et la mise en œuvre de suivis des milieux et des usages».
Le parc ne veut plus attendre et les premières actions devraient être mises en place dès cette année. C’est une bonne nouvelle et nombreux sont ceux qui souhaitent qu’il prenne enfin la dimension de son rôle, et de façon durable.

RR
www.lejournaldemayotte.com

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