27.8 C
Mamoudzou
mercredi 22 janvier 2025

Un « accident de parcours » amène un collaborateur de justice à la barre

« Pourquoi êtes-vous là, monsieur N. ? », interroge le président Sabatier. C’est que c’est un membre d’une famille réputée de Mayotte qui se retrouve au banc des accusés en audience correctionnelle ce mercredi. Quelqu’un qui fut directeur de la Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale, qui avait créé sa société et qui est un chroniqueur télé de la chaîne publique locale.

« J’ai pris de l’argent qui ne m’appartient pas et j’ai signé à la place de quelqu’un », convient-il en regardant le président. Car J-C. N. a aussi falsifié un procès verbal de mesure de composition pénale.

La composition pénale est une procédure alternative aux poursuites, pouvant être mise en œuvre par le Procureur de la République contre les auteurs de certaines infractions. Son versement s’effectue soit par timbre fiscal, soit en espèce ou par chèque certifié. Sur 305 dossiers traités par celui qui avait été désigné pour sa probité, délégué du procureur, seuls 8 ont fait l’objet de détournement, « parce que seuls 8 accusés avaient proposé un versement en liquide ? », interrogeait le président Sabatier.

Un parquet terni

Magistrat, ENM, CSM, Mayotte, X, Wuambushu, Darmanin
« L’image du parquet a été ternie »

Sur une période allant de janvier 2010 à mars 2012, il récupérait ainsi des sommes allant de 100 à 1.500 euros, « c’était pour aller acheter en une seule fois les timbres fiscaux et éviter aux gens d’aller faire la queue au Trésor public », se défend-il. Il sait d’ailleurs que ses clients ont 60 jours pour payer, « j’allais donc de toute manière les acheter. Je n’ai jamais laissé échoir les 60 jours. »

Mais les affaires se gâtent lorsqu’un prévenu doit comparaître pour n’avoir pas payé la somme due. Il contacte alors J-C. N., « vous lui avez alors demandé de se taire, et que vous alliez régulariser la situation », rapporte la procureur, qui représente un parquet « dont l’image a été terni ». J-C. N. dément toute intervention auprès de l’accusé, et à la question de l’utilisation de ces sommes, répond évasivement, « je n’ai pas acheté de montre, ni fait la fête avec. »

Une peine encourue de 10 ans d’emprisonnement

C’est lors de cette comparution que d’autres accusés, bénéficiant de composition pénale, parlent et indiquent avoir versé des sommes en liquide au même délégué du procureur. Il démissionne alors.

Cette confiance placée dans un représentant du monde judiciaire, ce sera l’angle d’attaque de la procureur, « vous êtes dépositaire de l’autorité publique, et donc investi d’un pouvoir de délégation de confiance donné par le procureur. Vous aviez d’ailleurs prêté serment. Quelle image donnez-vous de la justice ?! » Il risque 10 ans d’emprisonnement assortis de peines d’amende, elle demandera 2 ans d’emprisonnement avec sursis, au regard de son casier judiciaire vierge, et l’interdiction définitive d’exercer toute fonction publique ainsi que 15.000 euros d’amende.

Pour l’avocat du prévenu, l’argument de l’image d’une justice écornée ne tient pas, « elle l’est depuis bien longtemps, regardez ce qui se passe à Paris, et les magouilles de plus grandes importances ! » Il souligne d’autre part que 6 des 8 personnes ont été remboursées, les autres n’ont pas été retrouvées. » Etant donné que son client est déjà placé sous contrôle judiciaire moyennant une garantie financière de 7.000 euros, il demande une dispense de peine, « il n’avait jamais fauté, c’est un accident de parcours, il a chuté. »

Le délibéré sera rendu le 20 avril 2016.

A.P-L
Le Journal de Mayotte

Partagez l'article:

Société

NEWSLETTER

Recevez gratuitement les articles

du Journal De Mayotte

Nous ne vous enverrons jamais de spam ni ne partagerons votre adresse électronique.
Consultez notre [link]politique de confidentialité[/link].

Les plus lus

Articles similaires
Similaire

« On nous refuse tout ! « , le cri d’alerte des professionnels de santé libéraux de Mayotte

Un mois après le passage du cyclone Chido, les professionnels de santé libéraux dénoncent des conditions de travail "toujours intenables".

L’utilité des rapports parlementaires sur la gestion des risques naturels en Outre-mer

Le 27 mai 2024, il y a donc 8 mois, la commission d’enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’outre-mer de l’Assemblée rendait son rapport. Idem pour la Délégation sénatoriale aux Outre-mer. Des feuilles de route sur les écueils à éviter et les préconisations à suivre. Avec en préalable, l’installation d’un radar météo.

Justice : un an d’emprisonnement avec sursis pour « un stagiaire du vol »

Le tribunal judiciaire de Mamoudzou retrouve petit à petit son rythme habituel après Chido. Ce mardi, un jeune homme de 22 ans a été jugé pour vol et tentatives de vols pour des faits qui se sont déroulés entre 2022 et 2024. Le sang du prévenu avait été retrouvé à La Poste, l’Association pour le Droit à l’Initiative Economique (ADIE) et la bibliothèque de Dzoumogné.

À Mayotte, les prix des billets d’avion s’envolent…

Lors du passage du cyclone, l’aéroport a été ravagé, provoquant l’isolement aérien de l’île pendant plusieurs jours. La reprise des vols commerciaux le 1er janvier a permis à des familles séparées pendant le cyclone de progressivement se retrouver. Malgré cela, certains habitants tardent toujours à rejoindre l’archipel, en raison de la cherté des billets d’avion.
WP Twitter Auto Publish Powered By : XYZScripts.com