La Cour des Comptes vient de publier, ce jeudi, un rapport sur la situation de la santé publique dans les Outre-mer. Il est globalement très sévère et particulièrement pour Mayotte.
Des « difficultés sanitaires persistantes » pour les 2,7 millions d’habitants de l’Outre-mer et des « systèmes de santé à la peine ». Le rapport de la cour des comptes sur la santé en Outre-mer publié ce jeudi 12 juin est particulièrement sévère. (Voir Le rapport de la Cour des comptes sur la santé dans les Outre-mer)
Si les différents territoires d’Outre-mer connaissent une situation sanitaire « nettement meilleure » que celle qui prévaut dans les pays avoisinants, ils restent confrontés à la présence «importante» des maladies infectieuses et à une «mortalité infantile et maternelle élevée». Pour cette surmortalité, en Guyane comme à Mayotte, le rapport note d’ailleurs que l’objectif de réduire de moitié l’écart constaté avec la métropole paraît hors de portée», compte tenu de « la santé très dégradée des femmes » venues des pays limitrophes qui viennent y accoucher.
Mayotte, un cas à part
Les six pages du rapport consacrées à Mayotte ne sont qu’une immense critique de l’état sanitaire de notre département, un constat sans fard d’une «situation difficile». La seule note positive relève qu’au «fil des décennies, des progrès ont été constatés, notamment avec la réduction spectaculaire du paludisme et de la lèpre, en dépit parfois d’une insuffisance de personnels qualifiés».
Premier problème, la démographie et particulièrement l’immigration clandestine qui «sature un système de santé déjà en soi insuffisant.» Pourtant, «la gravité de la situation sanitaire de Mayotte et les insuffisances de son système de soins ont été mises en lumière de longue date par une succession ininterrompue de rapports», relève la cour.
Si les dépenses de santé représentent à peine le tiers de ce qu’elles sont à La Réunion, «l’ARS et le centre hospitalier améliorent patiemment l’offre de soins», explique le rapport. Mais les annonces n’ont pas toujours été concrétisées. Ainsi, on apprend que le ministère de la santé n’a financé que 371 lits alors qu’il en avait annoncé 500 en 2010.
L’hôpital face à la quasi-disparition de la médecine libérale
Mayotte compte quatre fois moins de médecin qu’en Métropole, avec 88 médecins pour 100.000 habitants, en quasi-totalité à l’hôpital. Les médecins libéraux sont moins de 15 par 100.000 habitants et 10 des 17 communes n’ont pas de généraliste. La cour relève aussi qu’un «généraliste libéral fait fonction d’ophtalmologue, le seul pour plus de 220.000 patients».
«Dans ces conditions, ce sont les dispensaires de l’hôpital qui font face à la quasi-disparition de la médecine libérale»… avec des professionnels trop peu nombreux. La cour cite l’exemple de la gynécologie obstétrique, la néonatalogie et la pédiatrie, où près de 50% des postes hospitaliers sont occupés par des remplaçants, souvent pour de courtes durées, «venant périodiquement et à grands frais de métropole», souligne-t-elle.
Cette instabilité est due en partie au manque d’attractivité de Mayotte : coût de la vie jugé élevé et insécurité.
L’Etat se défausse sur un CHM en déficit
Pour le rapport, une population de 60.000 à 80.000 personnes est exclue de l’accès aux soins, dont quelque 3.000 enfants isolés (jusqu’à 5.000 selon le conseil général). Car pour bénéficier d’une couverture sociale, il convient désormais d’être affilié à la caisse de sécurité sociale de Mayotte.
En conséquence, le CHM est contraint de financer les soins d’une population qui relève normalement de la protection de l’État, par des ressources de l’assurance maladie. Cela réduit «d’autant l’offre de soins hors population étrangère». «Le tiers des 140 M€ de dépenses annuelles» du CHM est «absorbé par la prise en charge des personnes insolvables».
Mais au fur et à mesure que ces dépenses augmentaient, l’État a progressivement réduit l’aide qu’il lui apportait, pour la supprimer intégralement en 2013. Résultat, «le centre hospitalier est désormais en déficit, à hauteur de 2,6 M€ en 2012, et 1,7 M€ en prévision pour 2013. Sans recettes additionnelles, (…) l’ARS devrait imposer un plan de redressement – qui aggraverait encore les défaillances – pour pallier la carence de l’État.
Des solutions
Pour la cour, une solution existerait à Mayotte: la création de maisons de santé pluridisciplinaires et de centres de santé. Mais cette piste «reste en suspens jusqu’à ce que le ministère réunisse les conditions juridiques et financières proposées par l’ARS».
De façon générale, la cour des comptes explique que l’Etat devrait mette en œuvre une « stratégie globale », qui a pour l’instant cruellement fait défaut. « Pour assurer l’égalité à la santé dans la République, un programme pluriannuel de santé publique pour les outre-mer s’impose ».
Ce rapport est particulièrement cruel mais honnête. Un rapport de plus ?
RR
Le Journal de Mayotte