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Mamoudzou

Mayotte organise le développement de son territoire en écrivant son 1er Schéma d’Aménagement

Au Nord, c’est pas les corons à Mayotte, mais l’agrotourisme, au Centre les grandes infrastructures, et au Sud, l’ouverture aux touristes. Voilà à grands traits, brossés ce mercredi des futurs aménagements de Mayotte sur les 15 ans à venir, telle que l’ont remonté les intercommunalités. « C’est un beau document », déclarait Olivier Kremer, directeur de la DEAL, qui en a vu d’autres.

Un peu comme en métropole où la Corse et la Côte d’Azur sont plus touristiques qu’industrielles, ces dernières activités étant davantage concentrées en Bourgogne-Franche Comté, ou bien l’agriculture en Aquitaine, Mayotte est en train de colorer sa carte des aménagements qui vont différencier les 5 zones délimitées du Nord au Sud par les intercommunalités. C’est l’objectif du Schéma d’Aménagement régional (SAR) dont il s’agissait ce mercredi de restituer les apports dans un premier document. Il s’agit pas moins que d’anticiper le développement de l’île.

Quand la 3C0 valorise son territoire

Le déficit d’aménagements structurants à Mayotte est essentiellement lié à cet absence de SAR, attendu depuis très longtemps, fortement dépendant de la naissance des communautés de communes qui ont pu ordonner leurs projets en août dernier. Ils ont été listés, et classés par priorité pour leur capacité à en dynamiser d’autres, à valoriser les ressources de l’île, ou à conforter le positionnement de chaque EPCI, Etablissement Public de Coopération Intercommunale. Le tout supervisé par le vice-président du CD, Salime Mdere, guidé par Ismaël Zoubert, chef de projet SAR au CD, avec une mission d’appui parisienne dont Franck Hulliard, architecte et urbaniste, directeur fondateur d’INterland, était présent en visio ce mercredi pour présenter le document. Le directeur de la DEAL, Olivier Kremer représentait l’Etat, saluait un « beau document », lui qui a suivi deux SAR, de La Réunion et de Guyane.

Un SAR en cours de rédaction, « il s’agit d’une phase décisive avant l’évaluation par le conseil d’Etat », indiquait le président Ben Issa Ousseni, saluant l’action de son prédécesseur, Soibahadine Ibrahim Ramadani, qui avait initié ces travaux.

Zones agricoles, économiques ou touristiques: les 5 EPCI se sont partagés le territoire

Les préalables aux grands projets à prioriser

Des tendances de fond se dessinent donc : le Grand-Nord (Koungou, Acoua, Bandraboua, Mtsamboro) se spécialiserait dans l’agrotourisme, la 3CO (M’tsangamouji, Tsingoni, Chiconi, Sada, Ouangani) dans l’accueil de grandes infrastructures qu’il faudra équilibrer, Petite Terre (Dzaoudzi Labattoir et Pamandzi), dans la mixité sociale et la mobilité décarbonée, la CADEMA (Dembeni, Mamoudzou), le poumon économique avec un équilibrage entre milieux urbains et sociaux, et la CCSUD (Bandrélé, Boueni, Chirongui et Kani Keli), qui vise l’exemplarité dans les pratiques touristiques sports et loisirs.

Pour y arriver, il a fallu hiérarchiser les étapes. Par exemple, sur la 3CO, l’implantation des grands équipements ne peut se faire sans de gros investissements dans les réseaux d’eau et d’assainissement, « il va falloir tout coordonner pour loger les nouveaux arrivants, leur fournir des services, etc. », jugeait Franck Hulliard.

Pour la CADEMA, même préalable, « il faut reconquérir les espaces d’habitats insalubre, pour les revégétaliser tout en relogeant les gens », pour le Grand Nord à l’intercommunalité toute récente, il faut « accélérer pour s’inscrire dans la démarche commune », quand la CC Sud l’accueil des sportifs dans l’optique des Jeux des Iles devra être anticipée, « une sorte de villages olympiques », et la Petite Terre, « concentré des enjeux de Mayotte », devra s’attaquer auparavant à ce qu’implique le développement du tourisme d’affaire et la mobilité active.

Ces projets ont été plaqués sur la Carte de destination des sols, pour y lire les contraintes existantes, et ajuster l’ensemble. Pour exemple, le lieu d’implantation de l’abattoir à Bandrélé tomberait sous le coup de la loi Littoral, ou bien « une extension de la zone économique est à prévoir entre Tsararano et Dembéni, et non d’habitat ».

Les RHI et l’assainissement comme indispensables

L’enjeu des projets « SAR opérationnel » défendu par Ismaël Zoubert

Pour chacune des 5 zones, des projets ont été listés, « et nous avons surligné en jaune les ‘SAR opérationnels’, les prioritaires », explique Ismaël Zoubert, Chef de projet SAR au département.

L’hémicycle bondé notamment de DGA, de cadres et de techniciens supérieurs, découvraient alors les priorités. Par exemple, sur les 13 projets listés pour la 3CO, les ‘SAR opérationnels’ seront : le contournement nord de Combani, la déviation du carrefour de Coconi, l’assainissement, et la ZAC de Kahani Coconi. Ou pour le Grand Nord, l’utilisation des pontons pour les mettre en réseau par la mer, « avec un centre nautique », ou par la mer, un pôle des métiers durable sur la ZAC de Longoni et des projets d’habitats urbains.

Ismaël Zoubert l’aura martelé, « les projets qui ne sont pas noté ‘SAR opérationnel’ se feront de toute façon, c’est simplement que les prioritaires vont tirer les autres vers le haut. » L’assistance s’inquiétait de l’absence de plusieurs projets, et estimait le SAR pas assez ambitieux, « on y voit surtout des opérations de RHI, de Résorption de l’habitat insalubre, or, il y a aussi les aménagements de front de mer », rapportait un adjoint au maire de Mamoudzou. Une place considérable laissée à l’assainissement aussi. RHI et assainissement, des conditions indispensables avant d’aménager.

Franck Hulliard précisait que le port et l’aéroport sont « deux projets supra », qui « ne se conçoivent pas à l’échelle communale ». Quant aux routes de contournement, de Mamoudzou ou la portion Bouyouni-Combani, ou les gros projets tenant à la mobilité de la population, « pour que la circulation soit plus fluide », Ismaël Zoubert l’assure, « vous ne voyez aujourd’hui que les projets émis par les interco, le SAR intègre bien sûr les documents sectoriels », comme les programmes locaux d’habitat ou le SDAGE pour l’eau, « la route de contournement est bien dedans ». A vérifier que la 3ème retenue collinaire y soit aussi, car absente également des documents établis, alors que selon nos informations, les premiers travaux pourraient commencer en 2025.

Ibrahim Bacar regrettait que les anciens « sachant » n’aient pas été contactés

Gare à l’enterrement prématuré !

L’enjeu est fort, car les projets non inscrits au SAR ne seront pas ou très difficilement finançables, par contre, ceux inscrits comme « SAR opérationnel », pourront être boostés. « Commençons par ceux-là, en essayant de les boucler dans les 5 ans qui viennent, et le reste suivra plus facilement », assurait Franck Hulliard. Quant à Ismaël Zoubert, il mettait en garde contre les défenses de prés carrés qui peuvent s’éterniser ici, « ne tardons pas à figer les projets, il ne faudrait pas que le SAR ait la triste vie du PADD ». La triste mort, aurait-il pu dire pour évoquer un Plan d’Aménagement et de Développement Durable de Mayotte de 2002, très ambitieux, qui aurait pu nous mener déjà loin, mais que certain ont pris pour un outil politique dans le mauvais sens du terme, préférant par fierté le ranger dans un tiroir.

L’antériorité et la mémoire, un sujet abordé par Ibrahim Bacar, ancien vice-président du conseil général de Younoussa Bamana, de 1988 – 2001, la période pendant laquelle sont nées de grandes infrastructures comme le port de Longoni ou la retenue collinaire de Combani. C’est donc un brin amer qu’ils s’indignait, « je vous mets à tous un zéro pointé, car l’eau, les routes, l’aménagement du territoire, nous avions tout écrit ! Qui est venu nous voir pour nous solliciter ?! On vous aurait servi de relais, au lieu de ça, on est en train de reculer. » Il en profitait pour glisser un reproche sur la politique régionale, « quand je vais dans les pays d’à côté, on me dit que jamais un élu n’y passe. Ce n’est pas normal ! », reprochait-il en évoquant un manque de vision.

Pour que ce SAR trouve sa voix, il doit désormais se trouver un pilote, qui mène une coopération entre le Département et les communautés de communes pour aller chercher les financements.

Anne Perzo-Lafond

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