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Promotion du kibushi et du shimaore, « la France s’est enrichie de ces deux langues »

La journée nationale des langues régionales était ce lundi l'occasion de revenir sur les efforts entrepris pour valoriser les deux langues vernaculaires de Mayotte. Le rectorat et le Département ont fait de ce patrimoine oral une clé de l'apprentissage et de la réussite scolaire, sur un territoire où le français reste "un frein" pour beaucoup d'élèves.

« L’accueil bienveillant à l’école » en langue natale est déjà une réalité dans une demi douzaine d’écoles maternelles de Mayotte. Une expérimentation qui est la traduction d’un partenariat noué entre le rectorat et le Conseil départemental. Son objectif : mieux intégrer le shimaore et le kibushi pour, d’une part préserver ces langues, et d’autre part, s’en servir pour faciliter les apprentissages « de base ».

La journée des langues régionales, organisée hier dans l’enceinte du conseil départemental, faisait écho à une année 2021 riche en la matière. L’année dernière en effet, une loi mettant les langues régionales en valeur avait ouvert la porte à l’enseignement des langues de Mayotte à l’école publique. Un bond en avant après des décennies où seul le français était toléré à l’école. Un traumatisme prégnant pour plusieurs générations d’anciens élèves.

« On vient de loin sur ce territoire où l’Education nationale et la République en général ont failli commettre les mêmes erreurs qu’ailleurs et éradiquer la culture et la langue locales » a reconnu le recteur Gilles Halbout. « Et on sait derrière les ravages que ça fait, d’une jeunesse ou d’une société qui est coupée de ses traditions et voit dans l’Education nationale et l’Etat quelque chose qui vient gommer son passé et où en plus on a du mal à s’insérer ».

Sur ce point, « nous avons un gros travail à faire et des sujets d’inquiétude » a-t-il poursuivi.

« A Mayotte cette journée [des langues régionales] revêt une importance particulière, car les langues maternelles de nos élèves restent presque absentes des établissements scolaires où le français reste la seule et unique langue d’enseignement » a tempéré la vice présidente du CD

Zouhouria Mouayad Ben estime que les langues de Mayotte sont une chance pour la France

. « La question du multilinguisme et de la reconnaissance des langues locales sont encore des problématiques très fortes, cette quasi négation de nos langues maternelles provoque d’inquiétants phénomènes d’échec scolaire chez les élèves mahorais et des problèmes d’assimilation culturelle pour une jeunesse en manque de repères identitaires ». Pour elle, la convention cadre signée entre le rectorat et le Département en juin dernier rappelle à quel point « l’usage des langues maternelles à l’école doit être considéré comme un outil extraordinaire pour améliorer l’apprentissage et la réussite de nos élèves. Cela permet de lever certains obstacles d’apprentissage et d’assimiler les autres matières. Ce la permet également la valorisation de soi et de son identité culturelle propre ».

L’élue estime en outre que l’enseignement, un jour, des langues maternelles de Mayotte à l’école publique sera « une avancée pour Mayotte, et pour la France qui s’est enrichie de deux langues ».

Mais, rappellent de concert le recteur, qui s’est exprimé en shimaore le temps de quelques phrases plébiscités et Rastami Spelo, président de l’association Shimé, du chemin reste à parcourir, alors que le Département a seulement en 2018 et 2019 fait valider des alphabets officiels pour les deux langues locales, lesquels restent peu usités par le public.

Il reste du chemin admet le recteur

« Les prochaines étapes sont la formalisation de l’orthographe et de la grammaire. Comment envisager des concours comme l’agrégation ou le capes, et des options au baccalauréat, si on n’est pas d’accord sur l’orthographe et la grammaire. Il faut qu’on travaille en même temps, et il ne faut pas non plus que les uns attendent les autres. Il nous faut être pro actifs » a encouragé le recteur. En attendant, le rectorat adapte la méthode et incite ses enseignants à valoriser les savoirs des élèves, pour les mettre en confiance et faciliter l’apprentissage scolaire. « Une des manières d’appréhender cette difficulté est de créer des liens, construire des ponts, entre ce que l’enfant sait déjà et les savoirs à lui enseigner. » Reste en la matière un vaste travail de formation et de fidélisation des enseignants. Les langues locales n’ont donc pas fini d’être parlées, et de faire parler d’elles. Et c’est tant mieux.

Y.D.

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