Nous avons rapporté les propos du ministre des Outre-mer qui, en séance au Sénat, alertait « le risque d’une deuxième crise de l’eau existe bel et bien », en rajoutant, « il faut s’y préparer, et je m’y prépare ». Si les acteurs de l’eau ne peuvent encore produire les volumes consommés quotidiennement, provoquant le système de tours d’eau annuel, des travaux sont en cours sur les forages et la lutte contre les fuites. Pour autant, où en sont les réserves ?
Malgré les puissantes perturbations qui ont balayé le territoire, Chido et ses vents extrêmement violents, Dikeledi et sa forte pluviométrie dans le Sud, le niveau des retenues collinaires sises au Nord, reste plutôt bas en ce premier tiers de saison des pluies. Ce lundi 3 février 2025, la retenue collinaire de Dzoumogné, était pleine à 46% et celle de Combani à 39%. Pour comparaison, le 24 janvier 2024, début d’année faste au niveau pluviométrie, la retenue de Combani était à un niveau similaire, 34%, mais celle de Dzoumogne était remplie à 84%, et le lendemain, le 25 janvier, 2024, elle atteignait les 100%. La retenue de Combani atteignait sa côte maximale, 110%, quelques jours après, le 28 février.
Prélèvements inhabituels
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Le faible niveau actuel des retenues s’explique en partie par la ponction inhabituelle effectuée par la SMAE (Mahoraise des Eaux). En temps normal, ces prélèvements pour alimenter la population se font en saison sèche, quand les cours d’eau sont au plus bas. Mais le cyclone Chido et la forte tempête Dikeledi qui ont balayé le territoire, ont provoqué une érosion des sols telle, que la turbidité de l’eau en rivière perturbe la production d’eau potable, imposant d’aller chercher l’eau ailleurs, notamment dans les retenues collinaires.
Faut-il s’alarmer pour autant ? Nous avons cherché à avoir les prévisions de pluviométrie sur les semaines à venir en contactant Floriane Ben Hassen, directrice territoriale de Météo France. Elle fait tout d’abord un bref retour sur images de l’année : « La saison sèche a démarré tôt en 2024, avec l’arrêt du kashkazi (vent de mousson) mi-mars. Ensuite, si septembre a été excédentaire, cela a peu profité à la ressource, et l’intersaison a été moyenne. La situation durant les mois de novembre et décembre a été disparate, car déficitaire en pluie dans le Nord-Ouest. Un phénomène accentué en janvier avec un énorme clivage Nord-Sud, notamment lors de Dikeledi ».
Alors que la retenue de Dzoumogné a été construite au Nord-Ouest, et Combani au Centre-Nord, les pluies ont été abondantes au Sud et auraient peut-être permis de remplir une 3ème retenue si elle avait déjà été creusée sur l’Ouroveni, au Centre-Ouest, un projet qui date des années 2000. Un sujet très politique que nous avons abordé à de nombreuses reprises.
Le Sud singin’ in the rain
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La situation actuelle est celle d’une mousson kaskazi bien installée, « mais moins humide ». Et qui continue à cibler le Sud, « comme le week-end dernier lors du talweg de mousson ». Ainsi la pluviométrie a été de 30% inférieure à la normale à Dzoumogné lors du mois de janvier, et de 15% sur l’ensemble du territoire. Une saison des pluies loin d’être catastrophique, mentionne Floriane Ben Hassen, mais qui a privilégié le Sud.
Les semaines à venir devraient être raisonnablement arrosées, « la pluviométrie est annoncée comme normale pour la saison, ni au-dessus, ni en-dessous. » Avec une grosse inconnue pour les réserves, « les interférences engendrées par les systèmes cycloniques depuis Chido » : « Comment vont se comporter les bassins versants alors que la forêt est à terre ? Quel est l’état des rivières ? Il faut absolument que l’île retrouve un couvert végétal. » Sans compter que sans racines, l’eau aura tendance à ruisseler et non à s’infiltrer. Pour l’instant, on nous dit que les nouvelles de ce côté sont plutôt bonnes, les nappes souterraines sont bien chargées.
Les pluies du week-end dernier ont été très abondantes, « nous sommes déjà à la moitié des normales de février », et ont heureusement permis de recharger les retenues. Pour leur permettre de voir leur niveau remonter, il faudrait ne plus les solliciter, et que les rivières se déchargent de sédiments afin que les captages puissent y être faits. Et qu’une perturbation arrive et déverse son trop plein d’eau dans le Nord.
Rendez-vous en mars, en espérant que le kashkazi reparte le plus tard possible vers le Nord du bassin.
Anne Perzo-Lafond