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vendredi 24 janvier 2025

Les serres en bambous une solution locale post-Chido pour les agriculteurs

Avec de nombreuses installations détruites après Chido, le lycée agricole de Coconi a fait appel aux bambous pour reconstruire trois serres dans l’urgence et relancer sa production agricole. Une solution locale, solide et moins chère qui peut donner des idées à l’agriculture mahoraise.

Au lycée agricole de Coconi, l’herbe haute recouvre les restes des serres détruites par le cyclone Chido. Sur les douze installations, seules deux sont toujours débout. A l’intérieur, les pousses de salades et d’autres légumes commencent déjà à sortir de terre.

Juste à côté, afin de relancer l’exploitation agricole du lycée, une nouvelle serre a été construite en urgence, le 3 janvier dernier, grâce à l’utilisation de bambous. Elle sera bientôt accompagnée par deux structures identiques.

La serre, qui couvre une surface de 60 m2 à été réalisée en 4 jours seulement par l’entreprise Lilo Bambou, spécialisée dans le traitement du bambou après récolte, les salariés de la société Agrikagna et Thibaut Fung Kwok Chine, architecte spécialisée, basée à La Réunion. Un montage éclaire bienvenu après le cyclone, qui a détruit la majorité des serres agricoles de l’île, en pleine saison des pluies.

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Il ne reste plus rien des serres du lycée agricole de Coconi. L’établissement a perdu dix de ses douze installations pendant Chido.

« Maître de son destin » grâce au bambou

« Quand on a vu le cyclone, on a tout de suite compris que ça allait être une catastrophe pour l’agriculture », raconte Emmanuel Desdoigts, ingénieur agronome, cofondateur de Lilo Bambou, « on s’est dît qu’il fallait faire quelque chose rapidement, et le bambou nous a permis une telle réactivité ». Mayotte compte près de 300 hectares de ces graminées qui poussent rapidement tous les ans. « Il faut 6 à 8 mois pour qu’un bambou atteigne 25 mètres de hauteur », poursuit l’ingénieur, en montrant une des larges tiges qui forme l’ossature de la serre.

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La serre est composée de trois portiques en bambous et de matériaux de récupération.

« C’est un matériau local qui permet d’augmenter la résilience de l’île. On peut se débrouiller par soi-même et rester maître de notre destin grâce au bambou », ajoute Thibaut Fung Kwok Chine, architecte à l’origine de la conception des serres. Une production maison qui en plus de baisser drastiquement le temps de livraison diminue les coûts pour les agriculteurs, « une serre d’urgence en bambou coûte 60 euros le mètre carré, contre 120 à 140 euros le mètre carré pour une serre traditionnelle », continue-t-il avant de remettre son casque anti-bruit sur les oreilles.

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Le prototype de serre en bambou de l’association Saveurs et Senteurs de Mayotte a résisté au cyclone.

Montées sur trois portiques en bambous et avec des matériaux de récupération, les serres d’urgence ne nécessitent pas de béton et permettent donc aux agriculteurs de les déplacer plus facilement pour aménager leur terrain. Le bambou est également un matériau très solide, l’un des premiers projets de l’entreprise, la serre de l’association Saveurs et Senteurs de Mayotte a résisté au cyclone Chido. Et si le prototype n’est pas identique aux serres du lycée agricole, il démontre qu’avec une certaine conception le bambou tient bon.

Former et changer les mentalités

« Chaque étape de construction de la serre est difficile », admet Mohamed Ahmada, salarié de la société Agrikagna, en travaillant sur le portique en bambous, allongé sur une structure en acier. « Mais c’est bien parce qu’il y a plein de bambous à Mayotte », remarque l’homme avant de reprendre le travail. La formation des agriculteurs a été mise au cœur du projet des serres, avec notamment le Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole de Coconi qui a financé la première installation. Un passage obligatoire pour les professionnels qui doivent prendre en main le matériau mais aussi changer leurs idées sur le bambou.

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Plusieurs agriculteurs viennent se former sur la construction des serres pour maitriser la conception et le matériau.

« Sur l’île le bambou est considéré comme un matériau du pauvre, et très vite les gens ont envie d’importer du métal et du béton », relève Emmanuel Desdoigt, « on espère que ça va changer !”.

Signe éventuel d’un changement à venir, les deux serres qu’il reste à construire ont été financées par une cagnotte en ligne qui a récolté plus de 17.000 euros. La jeune entreprise a également reçu d’autres projets dans les prochains moins et elle espère que cet engouement pour le bambou et les matériaux locaux va continuer. « A Mayotte la filière bambou n’existe pas », note Emmanuel Desdoigts, « il y a tout à construire ».

Victor Diwisch

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