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vendredi 17 janvier 2025

Rayons vides : les marchandises bloquées au port

Alors que les toits endommagés ne se comptent plus à Mayotte, au port de Longoni, ce sont les grues qui font l’actu. Pas seulement, puisque les tarifications inappropriées sur le stationnement des containers non manutentionnés font monter les transitaires au créneau

« Je ne sais plus quoi faire, je n’ai plus rien à proposer aux clients, car je ne reçois plus de marchandises. Et pourtant, je sais que les containers sont arrivés au port », nous explique le chef du rayon boucherie d’une grande surface locale. Nous avons également rapporté le décalage entre les annonces d’achalandage des supermarchés, et la réalité. Cela ne concerne pas le pont aérien d’approvisionnement en bâches, etc. qui est géré par les militaires.

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Les containers s’entassent au port (Image d’illustration)

Pour l’achalandage des grandes surfaces sur la période d’après Chido, nous avions sollicité les transitaires sur ce retard d’arrivée des marchandises. Ils viennent de réagir par un communiqué rapportant un courrier adressé à la gestionnaire du port, Ida Nel. Ils pointent sa responsabilité et l’accusent comme en 2018, de vouloir profiter d’une situation de crise.

Il faut savoir que lorsque les containers stationnent sur les quais, ils sont soumis à des tarifs journaliers qui s’appliquent à partir du jour où il y est déposé jusqu’au jour de son enlèvement. Ces frais sont perçus par la gestionnaire du port Ida Nel, présidente de Mayotte Channel Gateway (MCG), et payés par les transitaires qui sont chargés de l’enlèvement du container. Ils sont supportés ensuite par la chaine logistique jusqu’au cadi du client. Or, à chaque blocage du port pour mouvements sociaux, alertes météo, etc., les délais de stationnement des containers s’allongent, et avec eux, les factures.

Même en panne, les grues rapportent…

Les trois nouvelles grues achetées il y a plus d’un an

Lors du grand mouvement social de 2018, les transitaires avaient déjà alerté et accusé MCG de profiter de la situation en facturant des surcoût par container, avec une recette supplémentaire de 2 millions d’euros pour la gestionnaire, donc des coûts supplémentaires répercutés à la caisse.

Rebelote ce mois-ci. Les importateurs attendent des marchandises qu’ils savent être au port mais qui n’arrivent pas. C’est le cas de Mayotte Ingénierie Énergies dont le container devait sortir le 13 décembre 2024, donc la veille du passage du cyclone Chido où le territoire était en alerte « orange », et il n’a toujours pas pu être extrait du port. Le transitaire 2S TRANS déplore cette situation alors même qu’il était programmé à la sortie le 8 janvier 2025. Un employé de MCG évoque une panne de machine de déchargement. Mais ce qui motive l’appel de 2S TRANS, c’est que des coûts de gardiennage sont appliqués : « Est-il normal de devoir payer ces frais alors que nous ne sommes pas en mesure de disposer de nos conteneurs, en raison des circonstances exceptionnelles que nous connaissons tous ? », se plaint Fahim Azihar Ben Saïd, président de 2S TRANS, dans un courrier à Ida Nel.

Rajoutons que les tarifs que continue à pratiquer MCG – toujours affichés sur son site –  ont été déclarés illégaux par le tribunal administratif, car basé sur un « arrêté fantôme », que le tribunal administratif a déclaré « inexistant » et de « nul effet » en septembre 2024.

« Profits d’aubaine »

Pour faire sortir un container plus rapidement, rien de tel que… l’air ! Photo prise le vendredi 10 janvier, deux jours avant Dikeledi (JDM)

Le courrier de 2S TRANS nous est répercuté par le Syndicat des Transitaires de Mayotte qui critique les méthodes de la gestionnaire du port : « A l’heure où la majorité des entreprises essaient de se relever et de participer à la reconstruction de l’île et relancer l’activité économique, MCG réalise une fois de plus des profits d’aubaine et exceptionnels en facturant les frais de ROTP (stationnement à quai) alors que celle-ci ne met pas à disposition les conteneurs au prétexte que certaines de ses machines ou engins ont subi des dégâts ! » Les transitaires font valoir que MCG est assurée pour les dommages causés à ses grues et RTG, « on espère qu’elle ne demande pas à son assurance de prendre en charge la même somme qu’elle nous facture en raison de la panne de ses engins ! », nous déclarent-ils.

Ce n’est pas la première fois que nous rapportons les méthodes de gestion d’Ida Nel, et si les impacts du cyclone Chido sont indéniablement bloquants, il est incompréhensible d’en faire payer le prix aux transitaires. Nous l’avons contacté. « Ceux qui ont des difficultés viennent nous voir au bureau calmement, pointe-t-elle, nous avons des problèmes de logistique. On traite au cas par cas. » On imagine que les transitaires l’ont déjà fait, mais nous ne sommes plus à une manœuvre prés en ce qui concerne le port…

La Douane compréhensive

Le bâtiment des Douanes au port de Longoni

Pendant ce temps-là, le rayon boucherie des supermarchés se vide et peut-être pour longtemps alors que certains n’ont toujours pas d’électricité pour stocker les denrées au frigo, « les marchandises seront hors des dates limite de consommation quand elles vont sortir du port ». Le magasinage du container aura donc été payé pour rien, il va falloir commander de nouvelles marchandises, engendrant de nouveaux coûts de manutention, etc. Un cercle vicieux ou vertueux, en fonction d’où on se place.

Autre frais à supporter pour ces professionnels du transit de marchandises, les décades de douane, qu’ils ont payés, « alors que les marchandises visées sont encore sur le port et que les destinataires sinistrés n’ont pas eu d’activités ce dernier mois pour alimenter leurs trésoreries pour leur permettre de payer leurs transitaires en temps et en heure », déplorent-ils. De ce côté, bonne nouvelle ce jeudi nous rapportent-ils, « la receveuse des Douanes a été très compréhensive et nous accorde un report de paiement des décades douanières. »

En raison de ces blocages, l’urgence a commandé de faire sortir les containers… par les airs le week-end dernier ! On peut aussi parler du prix de l’heure de vol de l’hélicoptère.

Anne Perzo-Lafond

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