Un projet de loi Urgence qui pour l’instant ne satisfait pas les Mahorais, loin s’en faut
Alors que le projet de loi d’Urgence pour Mayotte était ce lundi soir discuté à l’Assemblée nationale avant de l’être la semaine prochaine au Sénat, le maire de Mamoudzou a pris sa plume pour écrire d’un ton grave et solennel aux différents chefs de groupes parlementaires, de gauche comme de droite, pour leur faire prendre conscience des véritables enjeux et des besoins dont Mayotte doit bénéficier pour se relever. Dans son courrier, le maire de Mamoudzou ne manque pas de leur expliquer la réalité de ce territoire depuis maintenant un mois, mais aussi de leur rappeler que ce département, depuis trop longtemps délaissé, a besoin sans tarder de mesures et d’aides exceptionnelles pour se remettre debout.
Aussi, même si le premier magistrat de la Ville de Mamoudzou salue la mise en place de ce projet de loi, il est à ses yeux largement incomplet sur de nombreux points (immigration, sécurité, éducation, …). « Je le dis sans détours : il est loin d’être à la hauteur de nos besoins réels et urgents. Si nous voulons sauver des vies, (re) construire l’ile, et offrir un avenir à la population, il faut inscrire dans ce projet de loi des mesures fortes (…) L’urgence est totale et pour ne plus jamais revivre cela, les Mahorais attendent des actes concrets, pas des promesses », écrit-il au début de son courrier.
La sécurité, LA priorité
Pour le maire de Mamoudzou, la première des mesures, la priorité absolue, c’est de sécuriser les habitants et sauver des vies au travers notamment d’habitations dignes et solides, ainsi que des infrastructures adaptées aux spécificités climatiques du territoire mahorais. Cela doit passer d’une part par l’éradication et l’interdiction de la reconstruction des bidonvilles qui, selon lui, loin d’être des abris seraient en réalité des pièges mortels. « Laisser le cercle vicieux des reconstructions précaires se perpétuer serait condamner à mort les milliers de familles qui s’y installeront », explique-t-il. Et on peut dire que c’est déjà trop tard, les tôles grises et bleues étant remontées comme autant d’abris de fortune de court terme. Et d’autre part mettre en place une politique volontariste avec un grand plan de relogement. « L’État français a le devoir de ne pas rebâtir son 101ème département sur des fondations en tôles ».
L’Éducation et l’Économie au cœur des préoccupations
L’Éducation est aussi au cœur des priorités des Mahorais, car c’est l’avenir de Mayotte. Aussi rappelons-le, Mayotte est le seul département où des milliers d’élèves n’ont pas de salles de cours. « Nous demandons la mise en place d’un fonds d’urgence pour réhabiliter les écoles et en construire de nouvelles, ainsi qu’un soutien actif pour inventer des solutions temporaires, innovantes et efficaces ». Et Ambdilwahedou Soumaïla d’insister également sur la mise en place de mesures et de dispositifs urgents pour relancer l’activité économique. « Sans cela, Mayotte risque de devenir un désert économique, au détriment de la résilience locale ». En outre, l’édile de la ville chef-lieu souhaite que les élus locaux mais aussi la population mahoraise soient pleinement associés à la refondation de Mayotte, « C’est sur le terrain, avec ceux qui vivent et travaillent ici que se bâtira une île debout ». Et d’ajouter que « l’heure n’est pas à la bureaucratie, mais à l’action ! ». Une petite référence à l’article du projet de loi portant sur l’appropriation par l’Etat de la construction des écoles, le maire demande donc que cela soit fait en concertation avec les élus.
Le droit du sol, ce vieux serpent de mer…
Concernant l’immigration, beaucoup regrettent que le droit du sol à Mayotte ne soit pas abrogé dans ce projet de loi mais tendrait simplement à « un durcissement très conséquent », comme le souhaite notamment la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. En effet, depuis la loi du 10 septembre 2018, un enfant né de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française à ses 18 ans que si l’un de ses deux parents résidait en France de manière régulière et ininterrompue trois mois avant sa naissance. Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a récemment déclaré qu’il soutiendrait la proposition de loi des Républicains (présentée le 6 février prochain à l’Assemblée) pour restreindre le droit du sol à Mayotte si les deux parents ne sont pas dans une situation régulière continue depuis un an.
Des dotations exceptionnelles afin de pouvoir reconstruire
Enfin, en ce qui concerne l’aide financière, nerf de la guerre, elle doit être à la hauteur des enjeux de la refondation de ce territoire. Pour cela il faut que les collectivités mahoraises soient à la fois accompagnées mais qu’elles bénéficient aussi de dotations exceptionnelles afin de permettre la (re)construction de Mayotte. « Il faut du courage, de l’audace, une ambition et des moyens à la hauteur des attentes (…) Nous ne demandons pas l’impossible, encore moins un passe-droit. Nous exigeons l’essentiel : des toits pour s’abriter, des écoles pour apprendre, des lois pour protéger, une République pour vivre. », conclut le maire de Mamoudzou.
La rédaction