Les chrétiens du monde entier s’apprêtent à fêter Noël. A Mayotte aussi, mais cette année, la plupart des fidèles sont dans la douleur. Victimes ou proches de victimes, perte de la totalité des biens pour ceux qui ont vu leurs toitures s’envoler, l’heure ne semble pas aux réjouissances.
L’église elle-même a souffert, nous rapporte le père Bienvenu Kasongo, curé de la paroisse Notre-Dame de Fatima et depuis le 28 novembre 2024, Vicaire général, au titre duquel il seconde l’évêque dans ses fonctions. Il revient sur la journée de cauchemar qu’il a vécu dans l’église ce 14 décembre : « Le vent s’est engouffré dans l’église et cherchait une sortie. De mon côté, j’ai tenu trois quarts d’heures en m’appuyant pour bloquer ce qui pouvait s’envoler dans le presbytère, le vent est entré, a cassé des vitres et endommagé la toiture et la porte principale de l’église Notre-Dame de Fatima. Tous les arbres de la cour sont tombés, le préau s’est effondré. Quant à l’église de Petite Terre, les dégâts sont très importants après que le toit en tôle soit parti. Nous avons décidé de retirer le Saint-Sacrement car il est impossible de célébrer la messe là-bas. Les fidèles sont attristés, mais en vie. »
Ce Noël va se célébrer dans des conditions très spéciales puisqu’il n’y aura pas de veillée, « on ne veut pas mettre en difficulté les personnes arrivant de loin au regard du couvre-feu d’autant qu’ils sont nombreux à n’avoir ni carburant, ni électricité. » Pour l’évoquer, le prêtre puise dans les lectures de dimanche dernier, au lendemain de Chido. Celle du prophète Michée, celle du Psaume 79, celle de la lettre aux Hébreux chapitre 10 et enfin, l’Évangile selon Saint Luc, chapitre 1, versets 39 à 45.
« Construire correctement une nouvelle cité »
« Je pars du Psaume qui dit ‘Dieu fait nous revenir, que ton visage s’éclaire et nous serons sauvés’ en dressant un parallèle avec Chido, qui signifie ‘miroir’ en shimaorais. On se regarde mais c’est aussi le regard vers les autres, ce qu’on ne faisait pas, un regard bienveillant, d’amour, d’humanité. Et c’est encore la France et le monde qui regardent Mayotte et lui apportent leur solidarité. Enfin, c’est le regard de Dieu, ce regard de miséricorde dont nous avons besoin. »
Bien sûr, les prières seront tournées vers les victimes du cyclone, « décédés ou pas, tous ceux qui sont blessés physiquement, moralement, psychologiquement et spirituellement. Nous sommes dans une démarche de reconstruction, en remerciant le Seigneur. »
L’Évangile parle de la visite de Marie chez sa cousine Elisabeth autour de la Naissance, « dans un contexte où, à Mayotte, faute de pouvoir téléphoner, l’heure est aussi aux visites des proches ». Du 2ème texte sur la Naissance de Jésus à Bethléem, un parallèle peut aussi être fait, « Bethléem, c’est dans nos cœurs, que ce soit à Mamoudzou, à Tsingoni ou à Boueni, Jésus va naître sous les décombres, en plein air comme dans l’étable. Il ne nous abandonne pas, Il veut changer notre regard. Il vient pour le genre humain, pour nous sauver. Le passage du cyclone doit nous apprendre à nous organiser, à tisser de la solidarité, et construire correctement une nouvelle cité ».
Enfin, la lecture de la lettre aux Hébreux est également d’actualité, « elle montre Sa volonté de se sacrifier pour sauver l’homme, l’Homme debout de Saint Irénée, évêque de Lyon. On les voit, chez les volontaires, les secouristes, les médecins, les pompiers, les policiers, les associations. Leur démarche s’est d’être là pour secourir. Noël doit nous impliquer, Chido a frappé tout le territoire, on doit se relever ensemble, sans que certains en profitent au détriment des autres, mais dans la Paix et la sérénité. »
Pas de veillée de Noël, une première donc, mais une messe réunissant tous les paroissiens le 25 décembre à 9h30. En raison de l’église sinistrée en Petite Terre, une célébration se tiendra chez une fidèle, « et les légionnaires se retrouvent entre eux ».
Pas de distribution de jouets aux enfants malades pour l’instant, « nous n’en avons pas assez, mais nous l’organiserons plus tard ».
Faute d’abri, les renforts de forces de l’ordre ont trouvé refuge quelques jours dans l’église, un parallèle de plus avec la Nativité.
Joyeux Noël à tous donc, dans l’esprit d’une autre construction.
A.P-L.