Happy divers mais pas encore « happy tourism »*. Mercredi, le préfet de Mayotte, la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), le Conseil départemental de Mayotte, l’agence d’attractivité et de développement touristique de Mayotte (AaDTM) et l’opérateur de compétences AKTO, se sont réunis au centre de plongée Happy Divers pour signer une convention pour l’action de développement de l’emploi et des compétences dans le secteur tourisme.
« On aurait pu le faire à Mamoudzou au Conseil départemental mais on a choisi un lieu touristique hautement symbolique pour montrer notre volonté d’accompagner le secteur. On voulait montrer tout le potentiel de notre biodiversité marine », commente El-Yamine Zakouana, Directeur régional d’AKTO. Pour lui, c’est surtout le parc naturel marin de 68 000 km2 de Mayotte qui rend cette île aussi unique. « Sa richesse en matière de biodiversité marine est vraiment un potentiel ». Mais pour la rendre attractive, les acteurs locaux doivent pouvoir s’adapter aux mutations sociales, économiques et technologiques de la société moderne. « Il y a des mutations sociétales, technologiques et règlementaires, il faut prendre le virage de ces transitions écologiques et numériques, les entreprises de tourisme vont devoir s’y adapter », commente l’expert des formations professionnelles.
Un pot commun à 570.000 euros pour développer le tourisme
D’après lui, pour favoriser le développement touristique de l’île, la formation et la montée en compétences des forces locales est essentielle. « Certaines sont valables aujourd’hui mais plus demain. Pour développer le tourisme de Mayotte, on a besoin d’une politique vraiment active en matière de développement des compétences. » Pour former les futurs professionnels du tourisme, attirer de nouveaux talents, fidéliser les salariés en renforçant leur engagement, sécuriser des parcours professionnels, préserver et valoriser l’environnement de Mayotte, 570.000 euros ont été mobilisés, par les acteurs. L’État et le groupe AKTO se sont engagés à hauteur de 190.000 euros chacun, le Conseil départemental a soutenu l’initiative en mobilisant 150.000 euros, et l’AdDTM s’est impliquée à hauteur de 40.000 euros.
« Ce n’est pas qu’une question d’argent »
Mais El-Yamine Zakouana précise que le développement touristique de Mayotte « n’est pas qu’une question d’argent puisqu’au-delà de la contribution financière d’AKTO à cette action de développement de l’emploi et des compétences, l’ADEC, c’est la mise à disposition de nos compétences et nos expériences acquises dans le cadre de l’accord annuel sur l’engagement national de développement de l’emploi et des compétences, l’EDEC, qui va réellement développer les qualifications des forces locales d’aujourd’hui et demain ». L’intérêt de ces formations est qu’elles s’adressent à un public très large. « On forme des salariés déjà en place pour qu’ils renforcent leurs compétences ou élargissent leurs savoirs, les demandeurs d’emploi notamment les jeunes, mais aussi les indépendants pour soutenir les structures face aux changements. On accompagne aussi les organismes de formation directement et tous les acteurs qui peuvent être partie prenante pour le développement des compétences dans les secteurs du tourisme », explique-t-il.
Intégrer une « digitalisation de l’offre »
Lorsqu’il évoque ces « changements », le spécialiste de la formation professionnelle évoque surtout les défis climatiques et technologiques auxquels notre société est confrontée. Le 7 novembre dernier, une délégation nationale d’AKTO, pilotée par son président Laurent Barthélemy, s’était déplacée à Mayotte. Lors de rencontre auprès des partenaires locaux du Conseil d’Orientation Paritaire (COP), les experts de la formation faisaient ressortir des tensions « fortes ou très fortes d’emplois », sur les métiers clés, comme les métiers de la santé, du social et du médico-social, d’agent de Prévention Sécurité (APS), de Sécurité cynophile (ASC), de femme de chambre, de cuisinier, de commis de cuisine, ou de maçon. C’est dans cet esprit que El-Yamine souhaite insister pour renforcer le tourisme de Mayotte de façon globale : « Il faut s’appuyer sur les atouts locaux et notamment intégrer de nombreux aspects tels que la digitalisation de l’offre, de nouvelles méthodes de commercialisation, les dimensions écologiques. C’est un tourisme au sens global du terme. Ce n’est pas que des restaurants et des hôtels, on accompagne le secteur au sens large. »
Une offre de formation « très limitée »
Conscients que l’offre en matière de formations « n’est pas toujours disponible selon les domaines ciblés, en tout cas elle est très limitée », les acteurs impliqués dans le développement touristique de l’île ont annoncé la création d’un comité de pilotage composé d’acteurs locaux, qui suivra un calendrier bien précis de formations dispensées sur le territoire. « C’est un long travail de discussions, d’échanges et de concertation avec les acteurs locaux, pour travailler de façon constructive et concernée, et identifier les bons acteurs pour accompagner les salariés et les actifs pour le développement du tourisme de Mayotte. », explique le directeur régional d’AKTO.
Mayotte peine toujours à attirer des touristes
S’il reste prudent dans ses propos en expliquant qu’il est spécialisé dans la formation et non dans le tourisme, El-Yamine Zakouana pointe du doigt l’insécurité comme obstacle majeur au développement touristique de Mayotte. Lorsqu’il parle de « tourisme global », il cite l’exemple d’une nécessité de sécuriser certains espaces touristiques pour rassurer les étrangers qui viendraient à Mayotte pour la première fois : « Ce tourisme global est très vaste et les formations dispensées vont couvrir un éventail très large de métiers, pour permettre notamment la sécurisation des secteurs touristiques. » En effet, malgré des paysages idylliques, des plages aux eaux cristallines, des dauphins et des tortues à perte de vue, Mayotte peine à attirer des touristes. La plupart des visiteurs viennent pour rendre visite à leurs familles ou à des amis, mais rarement « par hasard », pour de simples vacances et envies de découvrir un nouvel endroit. En moyenne, Mayotte attire 74 000 touristes chaque année, contre plus de 550 000 touristes à La Réunion. L’insécurité, la crise de l’eau, la mise en place de barrages pendant plus d’un mois et demi sur l’île, sont tout autant d’éléments qui chaque année, ternissent l’image de l’île hippocampe. Pour surpasser cela, le directeur régional d’AKTO mise sur une dimension globale du développement touristique, allant de la gestion des transports, qu’ils soient terrestres, maritimes, aériens, à l’accueil des touristes dans des zones attractives et protégées, pour découvrir des trésors mahorais encore trop méconnus.
*Joyeux tourisme (en anglais).
Mathilde Hangard