« Femmes levez-vous ! », clame Anchya Bamana
Arrivée en tête dans la seconde circonscription de Mayotte avec 35,42% des voix, la candidate du Rassemblement national, Anchya Bamana, s’est dite prête pour « une gouvernance de femmes. »
Pour l’ancienne maire de Sada, ces résultats témoignent d’un « très belle dynamique » au sein des onze communes qui composent la deuxième circonscription, « qu’il conviendra de concrétiser dimanche » face au député sortant Mansour Kamardine, du parti des Républicains (LR), arrivé deuxième avec 27,80% des suffrages.
Le changement c’est maintenant ?
Pour cette campagne éclair, la candidate RN a tenu à être au plus près de la population. Anchya Bamana a mentionné que le fait de ne pas avoir fait de meeting était constitutif d’un choix : « L’objectif était de faire du porte-à-porte pour rentrer au coeur de Mayotte, du centre de Mamoudzou, depuis Passamaïnty, jusqu’à Kani-Kéli ». En rencontrant ses électeurs, Anchya Bamana a surtout écouté le « besoin de changement » de la population mahoraise : « J’ai senti au sein de la population de Mayotte une grande envie de changement. Le député actuel, Mansour Kamardine, a fait ce qu’il a pu pendant vingt-cinq ans, mais la population a besoin de changement », a-t-elle déclaré. La femme politique a également été agréablement étonnée de voir que dans certaines communes dans lesquelles elle n’avait pu se déplacer, en raison de la rapidité de cette campagne, elle était malgré tout arrivée en tête au premier tour du scrutin : « En quelques jours de campagne, je n’ai pas pu aller dans toutes les communes, je suis passée en tête à Dembéni, à Bandrélé, et suis restée bouche bée. Cela montre cette envie de changer les choses. »
Vers une « gouvernance de femmes » ?
Si l’ancienne maire de Sada a tenu à se présenter sous l’étiquette du Rassemblement national, c’est parce que d’après elle, le projet défendu par Marine Le Pen et Jordan Bardella, conviendrait « aux doléances des Mahorais. » Pour elle, si le Rassemblement national remportait les élections législatives, une nouvelle gouvernance pourrait être déployée à Mayotte : « Si on a la majorité à l’Assemblée nationale dimanche, ce sera facilitateur », précise-t-elle. D’après la femme politique, cette période serait majeure pour l’avenir de Mayotte et les femmes auraient un rôle crucial à jouer : « On a rendez-vous avec notre Histoire. Cette île a toujours été défendue par des femmes. Depuis que je ne suis plus maire de Sada, je le dis haut et fort, les femmes, soulevez-vous pour prendre la gouvernance de ce territoire. La façon dont les hommes font de la politique, n’est pas du tout en faveur de l’intérêt général. »
Quand elle parle d’une gouvernance de femmes, l’ancienne maire de Sada, fait référence aux mobilisations historiques des femmes mahoraises mais aussi à la députée LIOT de Mayotte, Estelle Youssouffa, réélue dès le premier tour dans la première circonscription du 101ème département, avec 79,5% des voix. D’ores-et-déjà, si elle est également élue dimanche, Anchya Bamana confie qu’un travail conjoint avec Estelle Youssouffa pourra être établi : « Estelle Youssoupha a dit qu’elle travaillera avec le nouveau gouvernement, si le RN l’emportait. Elle s’est inscrite sans étiquette exprès pour pouvoir jongler entre les partis. L’idée est d’avoir un binôme de femmes à la tête de Mayotte. Les femmes dans la circonscription du sud le veulent clairement. »
La loi Mayotte, cheval de bataille
Si elle est élue, Anchya Bamana ambitionne de suivre quatre fils conducteurs : « Lutter contre l’immigration, lutter contre l’insécurité, se battre pour le pouvoir d’achat et pour la santé des Mahorais ce sont les thématiques fortes que je souhaite porter. » Pour elle, le département aurait besoin d’une « trajectoire de développement » avec « des infrastructures », « un calendrier de mises en oeuvre », « des financements », et surtout insiste-t-elle, « un suivi de la mise en oeuvre de ce qui sera décidé. » Au coeur de ces expressions, l’ancienne maire de Sada souhaite remettre sur la table le comité de pilotage pour la mise en oeuvre de la départementalisation de Mayotte. Pour elle, la loi Mayotte serait une réponse « pour parachever la départementalisation » et « y voir plus clair dans les missions des collectivités, pour que chaque collectivité ait ses compétences et des moyens dédiés ». Si elle était élue dimanche, Anchya Bamana s’engagerait à porter jusqu’à Paris la lutte contre l’immigration illégale : « Il faut mettre les moyens de contrôler nos frontières maritimes, c’est vraiment la source du problème. Les élus ne doivent plus subir. Nous sommes trop attentistes. Tout le volet gouvernance doit être repensé et mis en oeuvre. La gouvernance est essentielle, intégrant un comité de pilotage au niveau de Paris, un autre à échelle locale animé par les élus (…) Il faut aussi aider le département de Mayotte à être maître de son territoire à travers la conférence territoriale de l’action publique. »
Mansour Kamardine : « Les Mahorais doivent prendre conscience qu’il n’y a pas de construction avec les extrêmes »
Le député sortant de la 2e circonscription de Mayotte, Mansour Kamardine, arrivé en deuxième position dimanche avec 27,80% des suffrages, derrière Anchya Bamana, compte sillonner le sud et le centre de Mayotte toute la semaine afin de mobiliser les électeurs.
« Le premier tour est passé… Cette une nouvelle campagne qui a débuté lundi soir. Nous allons nous mobiliser », insiste l’ancien élu du palais Bourbon, même s’il reconnait que la situation est loin d’être gagnée. « Les élections législatives ont suivi de près celles des européennes, nous avons eu peu de temps pour faire campagne et je pense que ce manque de temps a eu un impact sur le résultat actuel. Cela dit, les résultats ne sont pas une surprise pour moi. Je savais que ça allait être dur, mais j’ai accepté le challenge. C’est une situation difficile mais mes convictions sont plus fortes que moi-même ».
Une nouvelle campagne avec des perspectives nouvelles
Mansour Kamardine se veut combatif et croit en ses soutiens et son équipe pour gagner le second tour des législatives. « Il est vrai que la partie adverse s’est sans doute plus mobilisée pour le premier tour…Mais mon équipe a fait un travail colossal en dépit des difficultés. Nous sommes dans une bonne dynamique et dans un esprit positif. J’ai confiance aux autres candidats qui vont me soutenir mais également dans certains syndicats qui m’ont apporté dores et déjà leur soutien. On ne doit pas se satisfaire de l’arrivée en tête du RN. Les Mahorais doivent prendre conscience qu’il n’y a pas de construction avec les extrêmes, on n’a pas besoin d’eux ! ». Le député en veut pour preuve l’élection de députés sortants face à des candidats RN, notamment dans les Outre-mer. « On ne doit pas se satisfaire de l’arrivée du RN en tête dans les Outre-mer, mais dans certaines circonscriptions il y a eu un sursaut des électeurs pour refuser l’orientation voulue par le RN, notamment en Polynésie, en Nouvelle Calédonie et même à la Réunion, c’est un message d’espoir ».
Le projet de loi Mayotte comme priorité s’il retourne au palais Bourbon
Comme beaucoup d’élus Mahorais, Mansour Kamardine a le projet de loi Mayotte comme objectif et comme ligne de mire, auquel il a d’ailleurs participer en menant des réflexions. « La loi Mayotte est un projet majeur pour ce territoire. Cela doit permettre de développer Mayotte d’un point de vue économique mais aussi social pour les 20 prochaines années. Il ne faut surtout pas rater le coche, car nous nous sommes battus pour que cette loi soit envisagée ». Le député sortant insiste sur l’importance de la forme mais aussi du fond de cette loi, notamment dans son contenu. « Nous devons être vigilant dans ce que le Gouvernement mettra dans cette loi mais aussi aux différents amendements ». Quant à savoir si Mansour Kamardine soutiendra la proposition RN de supprimer le droit du sol sur l’ensemble du territoire national et pas seulement à Mayotte, rien n’est moins sûr. « Tout ceux qui aiment Mayotte savent que la meilleure façon de faire passer cette loi est de l’expérimenter sur le territoire de Mayotte et pas ailleurs », déclare-t-il.
Soula Saïd-Souffou : « Un résultat honorable »
« Le résultat que j’ai fait est honorable, car il ne faut pas oublier que je ne suis entré en politique qu’en 2020 et qu’au cours de cette élection j’étais en concurrence avec « des poids lourds » de la politique mahoraise. Ce score est meilleur que celui des législatives de 2022 au cours desquelles j’avais fait 14% et il dépasse celui du candidat de la majorité présidentielle. Je suis donc satisfait. Pour le second tour, mon parti, le Mouvement pour le Développement de Mayotte, appelle à voter Anchya Bamana car c’est derrière elle que c’est déjà rangée une partie de nos électeurs. On ne peut pas insulter nos militants en se positionnant contre leur choix, même si, à titre personnel, je n’épouse pas les idées du RN. Ce passage de certains de nos militants vers le RN traduit un ras-le-bol général et le sentiment de ne pas être écoutés. Ils pensent qu’un parti présent au national sera plus efficace pour apporter une réponse efficace aux problématiques de Mayotte, en particulier celle de la sécurité. Force est de constater que Mansour Kamardine n’a pas été efficace jusque-là. Lors de ses 2 derniers mandats on est passé des vols de bananes aux égorgements. Ce n’est plus « l’homme de la situation » et le mécontentement de la plupart des Mahorais est grand. »
« Je suis forcément déçu de ce score, mais il est compréhensible. Il s’agissait d’une « élection surprise » et nous n’avons eu que très peu de temps pour faire campagne d’autant plus que j’étais en concurrence avec des candidats appartenant à des partis déjà bien implantés sur le territoire. Le contexte de mécontentement actuel des Mahorais a également beaucoup joué et c’est la raison pour laquelle ils ont tendance à se tourner vers le RN, entraînés également par sa montée au niveau national. Mais il faut garder espoir, car un barrage contre le RN est en train de se former au niveau national et j’appelle également les Mahorais à voter pour le camp républicain. Il faut absolument empêcher le RN d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée nationale et de gouverner la France ! Cependant, l’affiliation de l’Union pour la Sécurité de Mayotte au Nouveau Front populaire était une alliance de circonstance. Ils sont venus vers nous, nous l’avons accepté, mais nous n’avons eu aucun soutien en retour dans les faits pour cette campagne du 1er tour. Nous en avons été très déçus et ne réitérerons pas cette alliance. La prochaine échéance pour moi sera les municipales à Tsingoni sous l’étiquette du parti local USM qui se positionne au centre même si, à titre personnel, je suis un homme de gauche ».
Mathilde Hangard, Benoît Jaëglé, Nora Godeau