Sous un soleil de plomb, une cérémonie solennelle en hommage aux victimes du cyclone Chido s’est tenue ce dimanche 14 décembre sur la place Zakia Madi, à Mamoudzou.

Marquée par une minute de silence, l’hymne national et un dépôt de gerbe au monument aux morts, l’événement a également permis de mettre à l’honneur l’engagement déployé au lendemain du cyclone. Des acteurs de la société civile ont reçu la médaille d’honneur de l’engagement ultramarin, parmi lesquels figuraient des médecins, militaires, des pompiers, des agents de l’administration, des entrepreneurs ou encore un agriculteur. Des médailles d’or du courage et du dévouement ont par ailleurs été décernées à plusieurs corps constitués, dont le RSMA, la police municipale de Mamoudzou, le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) et la Légion étrangère.
Les témoignages d’un stagiaire du RSMA puis d’une militaire ont ensuite replongé l’assistance, le temps d’un instant, un an en arrière. « Les gens étaient heureux de nous voir leur apporter de l’eau. J’avais l’impression d’être un super-héros. De ce drame, je retiens surtout qu’on ne s’est pas laissé faire, on s’est battus », a confié le jeune stagiaire. La militaire a, elle, évoqué l’impuissance ressentie face à la violence du cyclone, avant de saluer la force des habitants. « Un an après je vis ce moment avec émotions. Mayotte a été brisée par Chido mais elle se relèvera toujours grâce à la résilience de ses habitants ».

Ce moment de recueillement, précieux et inédit depuis un an, n’a toutefois pas rassemblé la foule ce dimanche matin. Signe que les esprits ne sont pas au recueillement mais dans l’attente de résultats concrets, alors que la reconstruction peine encore à se matérialiser.
La ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, l’a reconnu dans son intervention, rappelant que « Mayotte souffrait déjà avant Chido », marquée par un sentiment d’abandon, de mépris et par une parole publique ayant « perdu de sa force« . Elle a rappelé que l’État ne souhaite pas se limiter à l’urgence, mais veut porter « une ambition politique claire et durable », à travers la loi de refondation de Mayotte. La ministre a admis que « les réalités quotidiennes restent difficiles » et que « l’ampleur de la tâche est immense ». Si la reconstruction a commencé, « elle doit désormais s’inscrire dans la durée », a-t-elle insisté, appelant à « rester unis ». Un devoir, selon elle, qui « oblige l’État à être à la hauteur pour tenir enfin, pleinement et définitivement, la promesse républicaine à Mayotte ».
« Nous sommes dans un contexte budgétaire particulier, il faut que le budget de la nation soit voté pour que les engagements pris puissent être mis en place à partir de l’année prochaine. J’en appelle à la responsabilité de chacun. Cela dépend des parlementaires désormais », a-t-elle confiée à la presse avant de quitter Mamoudzou direction le nord.
La lutte contre « l’immigration clandestine », « le nerf de la guerre »

À Bandraboua, Naïma Moutchou a été accueillie par Hasrani Tombou, premier adjoint au maire, pour visiter les locaux de la mairie récemment reconstruits. La visite a également été l’occasion de présenter à la ministre le travail du bataillon de reconstruction.
Si la mairie est désormais opérationnelle et peut recevoir les administrés, les échanges se sont rapidement tournés vers les écoles de Bandraboua, qui accueillent plus de 4.800 élèves. Des établissements qui nécessitent encore des réparations, et le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, a souligné que les fonds d’amorçage étaient arrivés pour permettre le lancement des travaux.
La députée de Mayotte, Estelle Youssouffa, a profité des échanges pour rappeler à la ministre l’importance de lutter contre « l’immigration clandestine », soulignant que les nouvelles écoles ne suffiraient pas à accueillir le nombre croissant d’élèves chaque année. Elle a également insisté sur la nécessité d’élargir le nombre de formations post-bac, estimant que l’avenir de la jeunesse ne doit pas se limiter à l’expatriation.
Le préfet et la députée ont aussi évoqué la hausse du nombre de demandeurs d’asile sur le territoire. « Grâce à la loi, on n’est plus obligé de les reloger, c’est déjà un grand pas. Mais c’est un sujet compliqué parce qu’ils ont des droits », a noté Estelle Youssouffa, espérant un accord avec la République démocratique du Congo pour reconduire certains ressortissants. « La lutte contre l’immigration clandestine, c’est le nerf de la guerre », a répondu la ministre, « on peut parler de tout le reste, mais tout revient à cela, j’en suis convaincue ».
Après un passage par l’entreprise La Varappe, spécialisée dans la transformation de containers et participant à l’insertion des jeunes Mahorais, la ministre s’est dirigée vers M’Tsangamouji pour rencontrer des agriculteurs.
Après Chido les agriculteurs face à l’aéroport

Sous la pluie, le cortège a rejoint l’exploitation de la Chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam). Cette visite a été l’occasion de signer la déclaration relative à la création d’un comité de suivi des agriculteurs pour le projet de l’aéroport. Une première étape permettant au grand public, à tous les acteurs et surtout aux agriculteurs, directement ou non concernés par une éventuelle expropriation, d’être informés et de faire entendre leur voix dans le cadre d’une charte et d’un dossier.
« Qu’on le veuille ou non, le projet d’aéroport va se faire, l’État l’a décidé. Le but est maintenant de faire en sorte que personne ne soit lésé par cet accaparement de plus de 400 hectares », a souligné Anwar Soumaila Moeva, président des Jeunes Agriculteurs. « Au-delà de la compensation, tout l’enjeu est de transformer cet événement impactant en opportunité, pour moderniser l’agriculture mahoraise. L’État veut aller vite, nous voulons aller vite, mais surtout bien ». « Ce projet d’aéroport ne se fera pas au détriment des agriculteurs, c’est une opportunité », a renchéri la ministre.
Une dernière séquence qui a mis davantage l’accent sur l’avenir du territoire et ses défis plus que sur les impacts du cyclone Chido et l’arrivée des aides financières. Des discussions qui annoncent peut-être le rythme des futures visites ministérielles. Le Gouvernement devra en tout cas maintenir cet intérêt pour le 101ème département dans la durée, afin de répondre pleinement aux attentes de ses habitants.
Victor Diwisch


