Ce n’est pas la première fois que la société de transport de fonds Brink’s Réunion vient déposer plainte devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou. En effet après la CEPAC il y a quelques mois de cela, c’était au tour de la BFC de « soutenir » la plainte de la Brink’s contre un de leur ancien employé pour détournements de fonds et abus de confiance.
Un stratagème bien rôdé
L’accusé qui était absent lors de l’audience avait le profil parfait du bon employé, 10 à 15 d’ancienneté au sein de la Brink’s, aucun reproche à son égard, il faisait semble-t-il correctement son travail. Jusqu’au jour où plusieurs établissements bancaires ont constaté des trous dans leur comptabilité et notamment des sommes d’argent qui manquaient. Il se sont rendus compte de possibles magouilles au travers de manœuvres frauduleuses et ont alerté la Brink’s. Le stratagème utilisé par l’employé était simple et à la fois déconcertant de facilité de par le manque de sécurité mis en place par les banques. Le dabiste intervenait pour approvisionner un distributeur et se servait tranquillement dans la caisse. « Il rentrait seul dans une pièce où les transporteurs de fonds venaient de déposer les sacs remplis de liasses de billets. Son rôle était d’approvisionner les dab (distributeurs automatiques de billets) uniquement, il ne se promenait jamais avec de sacs sur lui », raconte un technicien de la Brink’s.
L’escroc connaissait bien la procédure vu son ancienneté, il se contentait juste de prendre quelques liasses de billets pour une somme allant de 5.000 à 10.000 euros à chaque fois et changeait simplement la somme théorique en falsifiant le bordereau de livraison et le tour était joué. Ce qui peut paraitre surprenant c’est qu’avant 2019, il y avait, a priori, très peu de sécurité et de processus pour vérifier les sommes déposées dans les dab… La Brink’s ne pouvait pas s’en rendre compte car par sécurité elle ne connait pas les sommes transportées, seules les banques en avaient connaissance. Après plusieurs constats « de trous dans les caisses », les établissements bancaires ont mené leur enquête et ont décidé d’équiper leurs cassettes (boites électroniques où se trouvent les liasses de billets) d’un logiciel espion, et c’est là que le voleur a été confondu.
Les banques ont alors décidé d’avertir la Brink’s car le logiciel indiquait des manipulations non conformes à chaque fois que cet employé rechargeait les distributeurs. Comme l’explique le technicien de la Brink’s, « il modifiait l’encaisse du dab et rechargeait manuellement le distributeur. Il enlevait des billets de chaque cassette et parfois même des cassettes entières et changeait électroniquement les sommes contenues sans que cela se voit. Il intervenait seul sur tous les distributeurs de l’île. Chaque agent à une feuille de route, une tablette, il prend son véhicule léger et se rend sur des secteurs qui lui sont attitrés. Il ne transporte pas d’argent et ne manipule pas les fonds à l’extérieur mais uniquement seul à l’intérieur ». L’argent détourné peut paraitre important (plus de 132.000 euros) mais une goutte d’eau au regard des sommes déposées dans chaque dab.
En tant que prestataire la Brink’s a dû rembourser aux établissements bancaires les sommes détournées et a licencié son salarié pour faute lourde. Ce dernier, déjà condamné le 28 février 2023 à 8 mois de prison avec sursis probatoire de 18 mois et 11.000 euros d’amende dans la même affaire mais avec une autre banque, risque de voir ses bas de laine fondre comme neige au soleil puisque l’avocate de la Brink’s, maître Mélanie Raymond, a non seulement demandé le remboursement total des 132.750 euros détournés correspondant au préjudice financier, mais également 5.000 euros au titre du préjudice moral, ainsi que 2.500 euros. Le tribunal rendra son délibéré le 2 juillet prochain.
B.J.