Mercredi 19 novembre, la commission des lois du Sénat a auditionné Naïma Moutchou, ministre des Outre-mer, sur le projet de loi de finances pour 2026. Dans un contexte de réduction du déficit public, la ministre a présenté les crédits de la mission Outre-mer : 2,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 2,8 milliards en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 18 % en AE et 5 % en CP par rapport à 2025.
Une trajectoire budgétaire marquée par la baisse des crédits

« L’effort réel de l’État en faveur des Outre-mer dépasse largement la seule mission budgétaire qui porte leur nom », a rappelé la ministre, évoquant un effort global de 24,9 milliards d’euros en AE et 26,8 milliards en CP, stable par rapport à 2025. Elle a également souligné que le rapprochement entre AE et CP « constitue un progrès et une sincérité budgétaire ».
Pour Mayotte, elle a précisé que les crédits sont « pleinement conformes aux engagements de l’État », avec 100 millions d’euros destinés au Conseil départemental et 290 millions inscrits dans la loi de programmation pour la refondation du territoire. La ministre a confirmé que le principe de création d’une action spécifique au sein du programme des interventions territoriales de l’État (PITE) a été acté : il y aura donc un PITE Mayotte, alimenté par les crédits inscrits dans les budgets initiaux des ministères concernés par le tableau de programmation de la loi Mayotte.
« Je ne peux pas vous dire à l’heure actuelle combien, mais l’exercice est en cours », a-t-elle précisé. Elle a toutefois évoqué qu’en 2026, le PITE pourrait représenter 298 millions d’euros en AE, auxquels s’ajouteraient 374 millions d’euros hors PITE, pour un total « autour de 700 millions d’euros ». Le Gouvernement s’est engagé à remettre au Parlement une programmation annuelle des crédits avant le 31 décembre 2025.
La sécurité sur l’île, un besoin « urgent »

Lors de l’audition, Thani Mohamed Soilihi, ancien ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux redevenu sénateur de Mayotte, a détaillé l’ampleur des besoins sur l’île. Il a rappelé que « Chido et Dikeledi ont frappé Mayotte il y a moins d’un an » et cité des priorités concrètes : l’eau, la scolarité, la santé, l’aéroport, le port et la sécurité. Il a insisté sur l’urgence de renforcer la sécurité dans le 101e département, évoquant le renforcement de la gendarmerie maritime, l’acquisition d’un nouvel intercepteur et la remise à niveau des infrastructures et du parc immobilier de la gendarmerie. « Pour protéger les élèves », a-t-il souligné, rappelant que de nombreux enfants de Mayotte « ne peuvent pas aller à l’école » en raison des caillassages quotidiens.
Après le cyclone, a-t-il détaillé, il s’agit aussi de « renforcer la logistique de crise, augmenter les stocks stratégiques, investir dans des énergies durables et améliorer les communications dans les zones isolées ». L’élu mahorais a interrogé la ministre sur les moyens qui seront débloqués « dès l’année prochaine » pour la reconstruction durable et sur les mécanismes de suivi permettant d’évaluer leur efficacité dans le cadre du plan « Mayotte debout ». Naïma Moutchou a répondu que « les moyens seront au rendez-vous en matière de sécurité » et que ceux engagés l’année précédente seraient pérennisés.
Saïd Omar Oili inquiet face à l’opacité des crédits

Quelques heures après l’audition, le sénateur Saïd Omar Oili a rédigé un communiqué pointant un manque de transparence. « Les réponses de la ministre des Outre-mer sont très inquiétantes pour Mayotte un an après Chido et le vote de trois lois destinées à reconstruire et développer notre territoire », écrit-il.
Il déplore l’absence de réponse à son courrier du 20 octobre 2025 demandant la transmission du bilan et de l’évaluation prévus par l’article 53 de la loi du 11 août 2025, documents « indispensables pour préparer les débats sur le projet de budget 2026 ». Il relève également que le comité de suivi prévu par l’article 3 de la loi ne se réunira qu’en décembre, « donc après les débats budgétaires ».
Le sénateur souligne que ses demandes d’information aux services de l’État, sur la lutte contre l’immigration clandestine, la rentrée scolaire ou le deuxième rapport de la mission inter-inspections, « restent sans réponses ». Il déplore ne pas retrouver, dans les documents budgétaires transmis, le montant de « 700 millions d’euros pour Mayotte » cité par la ministre, un chiffre « non étayé par des éléments concrets ». Enfin, Saïd Omar Oili s’inquiète du maintien des engagements du ministère de la Justice pour la construction d’une seconde prison à Mayotte. « Ce projet très important pour notre archipel subira-t-il, comme en Nouvelle-Calédonie, un premier désaveu ? », interroge-t-il. Reste à savoir si les promesses budgétaires tiendront debout, ou si Mayotte devra, une fois encore, apprendre à combler, à sa façon « magnégné », les silences de l’État.
Mathilde Hangard


