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Mamoudzou

Sous l’œil de la Chambre régionale des comptes, Boueni, commune hors du temps

Collant au défi de la jeunesse de l’île dont une trop grosse partie est déscolarisée, la Chambre Régionale des Comptes profite du contrôle des comptes des communes pour passer la loupe leur exercice de la compétence scolaire. Et à travers cette liste qui commence à s’allonger, se dessine un paysage différent du Nord au Sud de l’île, de L’Est à l’Ouest. Nous sommes cette fois dans une commune en décroissance démographique…

Après Dzaoudzi LabattoirBandrabouaAcoua et Koungou, c’est la situation de la commune Sud de Boueni qu’examine de près la CRC.

Une commune qui fait peu parler d’elle, comme si son statut de presqu’île l’incitait à tourner le dos à la terre et ses soucis, pour mieux contempler sa baie. Pas de rixes, pas de combat entre bandes sur ce territoire dont son maire, Mouslim Abdourahaman, réélu en 2020 aime à répéter qu’il n’y a « ni bidonville, ni squatters ». D’une superficie de 14,29 km², elle compte huit villages : Bouéni, Majimeouni, Hagnoudrou, Moinatrindri, Mwanamanga, Bambo-Ouest, Mzouazia et Mbouanatsa.

A la lecture du rapport, on est hors des problématiques du territoire mahorais, hors du temps, notamment parce que la commune a vu sa population régresser de 0,7% depuis 2012, avec ses 6.189 habitants au dernier recensement de 2017. Pas de rotations scolaires actuellement, mais sans doute à venir sans nouvelle construction. Rappelons qu’en mai 2016, pas mal d’habitants avaient été chassés des communes du Sud, une partie était venue se réfugier sur la place de la République où ils avaient campé plusieurs mois.

Des élèves triés sur le volet

Manifestation en 2013 à Mzouazia

La commune compte neuf écoles publiques réparties sur son territoire : quatre maternelles, trois élémentaires et deux primaires qui scolarisent 1.455 enfants à la rentrée 2022. « Il n’est pas possible de chiffrer le nombre d’enfants échappant à la scolarisation à Bouéni. En effet, alors que le maire doit tenir la liste de tous les enfants résidant sans sa commune et soumis à l’obligation scolaire, cette liste n’est pas tenue ». Dans les communes qui ont fait l’objet de la même étude, une liste était fournie, mais aux chiffres en décalage avec ceux du rectorat. Ce n’est donc pas une particularité sur l’île où le nombre insuffisant d’écoles face au besoin de mineurs toujours plus nombreux incite les maires à faire des choix, et Mouslim Abdourahaman n’est pas en reste : alors que pour l’inscription d’un enfant à l’école, trois pièces doivent être réglementation exigées, à Boueni, c’est une armada de justificatifs qui est réclamée, dont « une pièce d’identité du responsable légal de l’enfant, une attestation de vaccination à jour et le carnet de santé, une facture de moins de trois mois (ou un bail) pour justifier du domicile », etc. Illégal, lance en substance la CRC, entendue par la commune, qui a « assoupli les conditions d’inscription », en demandant néanmoins toujours un justificatif de délégation d’autorité parentale, ce qui semble malgré tout relever d’un simple bon sens.

Depuis 2018, la population scolaire communale a enregistré une augmentation globale de 17 % de ses effectifs, avec une saturation des classes constatée. La commune est invitée à consommer l’entièreté des fonds alloués par l’Etat pour les constructions scolaires, notamment en utilisant la plateforme d’ingénierie de la DEAL-rectorat, « entre 2014 et 2020, seuls 36 M€ des 136 M€ de crédits accordés ont été utilisés, soit un quart d’entre eux ». Et doit récupérer le foncier de ses établissements, sous peine de ne pouvoir récupérer le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), qui correspond à 16,40 % du montant des dépenses réalisées, « la commune pourrait donc se voir privée d’une recette d’investissement de l’ordre de 0,6 M€ ».

La Mairie de Bouéni

La commune de Bouéni fait partie des quelques communes mahoraises distribuant des repas chauds aux élèves, en lieu et place de la traditionnelle collation. Toutefois, seules quatre de ses écoles soit 61 % des enfants scolarisés dans la commune en bénéficient. Le schéma directeur des écoles est en cours d’élaboration.

Déficit de 4 millions d’euros

En matière de commande publique, faute de règlement interne, les règles de publicité et de mise en concurrence ne sont pas systématiquement respectées, « la commune procédant de manière habituelle au fractionnement de ses achats ». Elle ne tient pas la liste des marchés qu’elle passe. Certaines attributions de marchés sont contestables. Deux opérations majeures, le terrain de football de Mzouasia où s’entraine l’équipe des Jumeaux, où les travaux initialement estimés à 820.000 euros ont finalement coûté plus d’1,8 million d’euros à la commune, et la réhabilitation du plateau sportif de Bouéni, ont connu d’importantes dérives des coûts et des délais, en raison de leur mauvaise préparation.

La baie de Bouéni

La comptabilité d’engagement n’est pas carrée. Compte tenu des anomalies affectant la fiabilité des comptes, le résultat de l’exercice 2022 devrait être réduit de 5,5 M€. « La commune devrait donc présenter un déficit cumulé de plus de 4 M€ au lieu d’un excédent cumulé de près de 1,3 M€ ». Notamment, l’augmentation de la masse salariale est corrélée à une augmentation régulière du nombre d’équivalent temps plein travaillés (ETPT).

Le dossier de certains agents laisse songeur, notamment celui du directeur administratif et financier en novembre 2014, accompagné d’aucun CV, et dont la rémunération a connu « une évolution fulgurante » : « entre janvier 2018 et juillet 2022, elle a progressé de 25 %, ce qui est bien supérieur à ce qu’aurait pu connaître un agent titulaire au cours de la même période ».

Une situation générale « préoccupante », pour la CRC qui invite le conseil municipal à davantage s’investir dans les affaires de la commune.

Bonne nouvelle, pour ce déficit annoncé, la candidature de la commune au dispositif Contrat de redressement outre-mer (COROM), qui avait accompagné Sada, a été acceptée au 1er semestre 2023, elle sera donc soutenue par l’État pour redresser ses finances et améliorer sa gestion.

A.P-L.

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