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Mamoudzou

Kawéni Hima (Kawéni debout) ! 

Élue présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes en juin 2021, Christine Leconte s’est rendue à Mayotte pour évoquer les enjeux liés au logement, à l’habitat et à l’avenir de la profession d’architecte dans ce territoire, dimanche 10 et lundi 11 décembre. Dans ce cadre, nous avons eu l’opportunité d’assister à une visite du village de Kawéni, empreint à de grandes transformations pour la création d’un espace de vie global. 

Kawéni, le poumon économique de Mayotte 

Le village de Kawéni, de la commune de Mamoudzou, est un quartier central de la ville. Il est aussi le poumon économique de Mayotte, puisqu’il accueille deux grandes zones d’activités de l’île, où 700 entreprises, générant plus de 5000 emplois, sont présentes. Mais c’est aussi un des plus gros villages de la commune de Mamoudzou. De nombreux habitants n’ont pas accès à l’eau, ni à l’électricité à leur domicile, notamment les habitants vivant proche des versants. Pour les décideurs publics, les urbanistes et les architectes, il est nécessaire d’accélérer l’aménagement de ce village pour répondre aux besoins urgents de ces habitants. 

Kawéni, densément peuplé, empreint à de forts risques naturels 

Village très densément peuplé, Kawéni recense près de 17.500 habitants sur sa commune, dont 2.000 habitants vivant sur deux hectares. Ce village est également particulièrement contraint par de nombreux risques naturels, tels que des glissements de terrain à l’Ouest, et des inondations à l’Est et sur le secteur de la plaine. 

Elèves Kawéni
Élèves sortant d’un établissement scolaire à Kawéni

Kawéni Village, un quartier prioritaire de la politique de la ville 

Fort de ces caractéristiques et particularités, le centre urbain de Kawéni Village fait partie de la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville, suite un arrêté du 29 avril 2015. Une convention entre l’ANRU, l’Etat, la communauté d’agglomération Dembéni Mamoudzou, la commune de Mamoudzou, la société immobilière de Mayotte, Action Logements Services et la SHLMR, avait ainsi été signée le 18 juin 2020 afin de mettre en œuvre un projet de long terme sur ce secteur.

C’est dans ce contexte qu’est né « Kawéni Hima! » dans l’objectif de créer un village plus harmonieux en favorisant les liens entre le village, la zone scolaire et la zone d’activités pour un développement harmonieux. Depuis le début des travaux de réaménagement du village en mai 2021, Kawéni a connu de grandes transformations, avec la création d’espaces de vie, d’équipements publics et des liaisons entre ces différents espaces et les habitations. 

Passerelle Kawéni
Habitants de Kawéni marchant le long des ravines sur les liaisons aménagées entre le village et la zone scolaire

Mais le temps presse toujours pour répondre aux besoins d’une population très dense et jeune. En effet, plus de 10.000 élèves sont scolarisés dans les établissements scolaires de Kawéni, nécessitant notamment de nombreuses infrastructures sportives et des liaisons routières pour le transport de ces jeunes.

Des élus du Conseil de l’Ordre des Architectes de La Réunion et de Mayotte l’avouent : « Nous devons répondre à ces commandes rapidement. De nombreux chantiers concernent des activités du secteur tertiaire, mais Kawéni aurait besoin de davantage de logements. » Aussi, « l’application de la réglementation française est extrêmement délicate pour des chantiers de ce type à Kawéni, l’application de normes mieux adaptées à un territoire comme celui-ci de Mayotte, pourrait nous permettre de répondre plus rapidement et plus facilement à ces commandes. », explique Sylvain Guy, élu de l’ordre régional.

Passerelle Kawéni
Passerelle de Kawéni permettant de rejoindre les habitations

Outre ces contraintes de temps, le manque de données sur les terrains concernés par ces infrastructures peut être un pari risqué sur l’avenir des futures infrastructures. En effet, « Par rapport aux données disponibles dans l’Hexagone, nous manquons ici de données réalisées en amont d’un projet, sur les sols, l’eau, la géographie et l’environnement, permettant d’adapter au mieux les infrastructures avec le terrain concerné. » résume Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes.

Gabin Bouchez, architecte à L’Atelier architectes et ingénieurs, illustre bien cette nécessité de disposer de données solides pour adapter notamment au mieux les fondations des futurs bâtiments : « Kawéni est une ancienne mangrove. Encore faut-il le savoir puisque si on construit haut, les fondations nécessitent d’être profondes. » 

Keyvan Fathi, chef de projet rénovation urbaine à la ville de Mamoudzou, regrette que certaines infrastructures du projet aient déjà subi d’importantes dégradations.

Plateau sportif Kawéni
Des architectes du projet Kawéni Hima devant le plateau sportif de Kawéni, fermé en raison des dégradations subies

C’est le cas de ce plateau sportif, surexploité, déjà dans un état très dégradé. Actuellement, il est le seul plateau sportif de Kawéni et en raison des dégradations subies, son accès était interdit. Ce plateau va subir de nouveaux travaux de rénovation. Les murs de plus de 3 mètres de haut et les barbelés font partie des « réponses sociales », pour reprendre les termes de l’architecte, trouvées pour protéger ces infrastructures d’autres détériorations. 

Malgré ce contexte, d’autres infrastructures verront le jour. C’est le cas d’un stade, d’une capacité d’accueil de 3.000 spectateurs, d’une cuisine centrale permettant de nourrir les enfants scolarisés de Kawéni, d’un internat d’excellence, d’un gymnase, et d’un parc de 3 hectares permettant la construction d’un stade d’athlétisme et de vestiaires, de même que des bassins de rétention pour l’écoulement des eaux pluviales, afin de prévenir d’éventuelles inondations.

Keyvan Fathi, précise, que l’ensemble de ces opérations, a généré un surcoût de 40% pour les fondations en raison de l’instabilité des sols. A titre d’exemple, « pour l’internat, 150 pieux de 90 mètres de diamètre, posés à 30 mètres de profondeur, sur une parcelle de 1.500 m2, ont été nécessaires » détaille Gabin Bouchez. 

Ces projets attrayants pour les jeunes de Kawéni peuvent redonner de l’espoir quant à la qualité de vie au sein du village : « Il y a un an et demi, là où nous marchons, ce n’était qu’un terrain vague » se souvient Keyvan Fathi. 

Aujourd’hui, un vrai espace de vie a été créé et sera prochainement agrandi. Aussi, Kawéni peut compter de nombreuses associations, telles que l’association Kawéni en Action, pour favoriser ce vivre-ensemble sur ce territoire, par la tenue d’événements culturels, sportifs et de loisirs.

De quoi, rendre vivant le poumon économique de Mayotte pour ses habitants… Avant tout !

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