Après 236 jours d’existence, le camp de Tsoundzou 2 a été démantelé ce 22 octobre au matin. Bulldozers et tractopelles ont détruit une par une les dernières cases de bambous et de bâches au milieu des arbres et des nombreux déchets, dans un nuage de poussière quasi-permanent.
Des centaines de personnes, principalement des demandeurs d’asile, laissées sans solutions d’hébergement d’urgence suite aux opérations de relogements menées depuis le début du mois d’octobre, ont été contraintes de libérer le terrain. Surveillés par les forces de l’ordre, les exilés se sont rassemblés sur la pente, en contrebas de la route nationale, assis par terre ou sur des matelas de fortune, observant le balai des engins de chantier.
Le camp évacué en une journée, des centaines de personnes à la rue

D’après les enquêtes sociales qui ont été menées par les associations, dont Mlezi Maoré ou l’ACFAV, en amont du démantèlement, le camp abritait 255 ménages, soit 1.272 personnes. Avec 327 places d’hébergement mobilisables, « impossible de formuler une notification de relogement ou une notification d’hébergement à l’ensemble des ménages occupants », indiquait la Direction de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DEETS) le 23 septembre 2025, laissant plus de 900 personnes sans solutions.
Une grande partie d’entre elles étaient là dès 5 h pour assister à l’arrivée des gendarmes et préparer le terrain, signe qu’il était temps de rassembler leurs affaires et de partir.
Préparée depuis juin et annoncée le 26 août par le préfet, l’opération a été jugée nécessaire par la préfecture à la suite d’un rapport de l’ARS du 12 septembre. Celui-ci pointait de graves problèmes d’insalubrité et de sécurité, avec un manque d’eau potable, des latrines rudimentaires, la présence de moustiques et de rongeurs, ainsi que des risques d’incendie. À ces dangers sanitaires s’ajoutaient la surpopulation, les violences et les troubles à l’ordre public.

La préfecture a estimé que ces conditions de vie, jugées indignes et dangereuses, justifiaient l’évacuation du camp, en plus de l’illégalité des constructions, situées sur un terrain appartenant à l’Etablissement public de reconstruction et de refondation de Mayotte (EP2R, ex-EPFAM). Une illégalité provoquée, puisque c’est la préfecture qui avait autorisé la construction de ces cases en février dernier, faute d’alternatives.
Un rapport et des enquêtes qui ont permis de justifier l’opération d’un point de vue légal, en l’inscrivant dans le cadre de la loi « ELAN », mais qui ne prenaient pas en compte l’avis des habitants du camp, qui pour nombre d’entre eux y avaient trouvé un lieu de refuge, plus sécurisé, plus propre et surtout plus digne que la rue.
402 personnes relogées

Vers 8 h 30, le préfet François-Xavier Bieuville s’est rendu sur le site pour suivre l’avancée de l’opération et faire un point de situation devant la presse. D’emblée interrogé sur le sort des personnes laissées à la rue, il a déclaré : « il faut avant tout rappeler l’essentiel de l’opération avant de poser des questions qui interviennent de façon secondaire ». La voix presque couverte par le bruit des pelleteuses, il a ensuite souligné le cadre légal et la nécessité du démantèlement en raison de l’insalubrité et des risques pour la sécurité, tout en rappelant les enquêtes sociales menées et le recensement des occupants.
« Cette opération est la plus grosse mise à l’abri que nous avons jamais réalisée depuis 24 mois à Mayotte, avec plus de 400 personnes logées », a-t-il insisté, « et nous allons continuer de le faire au cours de cette matinée, en priorisant les personnes vulnérables, les femmes avec enfants et les mineurs isolés ».
« Je mettrai à l’abri les personnes qui ont un statut, celles recensées dans les enquêtes sociales, celles qui ont une identité, une nationalité et une procédure engagée auprès de l’OFPRA pour obtenir un statut au regard de la loi. Toutes les personnes qui n’ont pas été recensées, je ne les connais pas et je ne sais pas pourquoi elles viennent spontanément me voir », a-t-il précisé, déplorant ainsi la présence de personnes « opportunistes » venues récemment dans le camp dans l’espoir d’obtenir un logement. Un problème relevé par les habitants du camp eux-mêmes lors du recensement. Il a également ajouté que la prise en charge des « migrants économiques » n’était pas son « rôle ».
Un nouveau camp « possible », face à un problème « durable »

« Dans le camp de Cavani il y avait 1.700 personnes et nous avons relogé une grande partie d’entre elles. J’avais sollicité des hébergements d’urgence, des départs volontaires et des départs vers la Métropole pour les personnes titulaires d’un droit d’asile politique ou de réfugié, mais je ne peux pas transmettre plus de droits que je n’en ai », a poursuivi François Xavier Bieuville. « Ce mercredi nous réitérons cette opération avec un surplus de places d’hébergement obtenu de la part des autorités publiques, mais quand on aura épuisé le stock on aura épuisé le stock ! ». Selon le préfet le territoire dispose de plusieurs milliers de ces places, et il insiste sur le fait que c’est aux communes de les ouvrir.
Interrogé sur le risque de voir un nouveau camp se former dans les prochains jours, François-Xavier Bieuville a reconnu que c’était « tout à fait possible », soulignant qu’il s’agit d’un « problème durable » pour le territoire. Ces dernières années, les arrivées de personnes originaires des pays des Grands Lacs africains — République Démocratique du Congo, Burundi, Ouganda, Rwanda — ainsi que de Somalie se sont multipliées. Dans le camp, plusieurs exilés venaient également du Yémen ou même d’Afghanistan. La diversité des pays d’origine continue de croître, et la venue de ces personnes à Mayotte pourrait se poursuivre.
Une fois le préfet parti, les autorités ont entamé une dernière opération de relogement auprès des exilés qui se sont tous rassemblés derrière une barrière dans l’espoir d’être appelés pour éviter une nuit sur le trottoir. « On ne sait pas ce qu’on va faire, on va rester ensemble et on verra », explique Chance, venue de la République Démocratique du Congo à côté de ses amis. Une étape de plus pour ces personnes fuyant la guerre à la recherche d’une vie meilleure.
Victor Diwisch