La première affaire inscrite au rôle de l’audience de mardi avait pour objet une bagarre entre deux individus, avec comme toujours des coups de couteau ou des coups de machette. Ce qui a fait dire à maître Andjilani, avocat de la défense, que « Les coups de machette sont devenus une chose tristement banale désormais dans cette île ». Aussi, l’origine de l’altercation, même après plusieurs heures d’audience, n’était toujours pas très claire. La victime aurait à plusieurs reprises fait des attouchements sur la compagne d’un de ses amis. Ce dernier un jour de forte alcoolisation a aperçu dans la rue son « ami attoucheur » et a décidé de se venger, et comme souvent à Mayotte les bagarres se font avec des machettes. La victime aurait ainsi reçu plusieurs coups de machettes sur le corps dont un sur le crâne. « Mon client a des cicatrices partout sur le corps et a mal à la tête tous les jours. Vous savez ce que cela fait d’avoir mal au crâne tous les jours ? Mon client n’est plus la même personne qu’avant depuis ce qui lui est arrivé. En plus l’agression sexuelle dont parle le prévenu concernant sa compagne n’est pas prouvée, puisqu’aucune plainte n’a été déposée. Aussi concernant le motif de cette agression nous n’avons pas eu d’explications claires », plaide ainsi maître Andjilani.
C’est ce que pense aussi le ministère public par la voix de la vice-procureure Louisa Ait-Hamou. « Les explications du prévenu sont bancales, elles manquent de clarté. De plus nous n’avons pas la preuve de gestes déplacés de la victime sur votre compagne. Pour moi il n’y a pas de légitime défense dans cette affaire. Nous sommes en France ici et on ne se rend pas justice soi-même. Il n’y a jamais de raison à la violence », assène-t-elle. Elle demandera ainsi trois ans de prison ferme, l’interdiction de porter une arme pendant cinq ans. L’individu étant Anjouanais, la vice-procureure a demandé en plus une interdiction de se trouver sur le territoire national pour une durée de dix ans.
L’avocat de la défense, maître Delamour, a essayé de montrer que son client n’était pas à l’origine de l’altercation mais que la victime avait elle-même un couteau. « Les coups portés l’ont été dans un contexte tendu… La victime a provoqué mon client en revenant dans le quartier où il habitait. Aussi je plaide la légitime défense ou au pire une responsabilité partagée entre les deux parties. Je vous demande une peine juste et équitable », a-t-il déclaré devant le tribunal.
Après avoir délibéré, le tribunal a déclaré le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés et l’a condamné à quatre ans de prison, dont un an de sursis probatoire, l’obligation de suivre de soins concernant son addiction, et l’interdiction de porter une arme durant cinq ans.
Agressé à son domicile pour lui voler sa télévision
Alors qu’un homme regardait tranquillement la télévision un soir à son domicile, six individus pénètrent chez lui pour le cambrioler mais aussi pour l’agresser et lui donner des coups. « Il a été violenté par six individus cagoulés, armés de couteaux, de bâtons, explique devant le tribunal maître Zoubert, avocat de la défense. Il y avait des traces de sang à l’intérieur du domicile laissant présager qu’il y a eu une lutte. Mon client a reçu des coups de bouteille en verre au niveau de la poitrine et avait une plaie à la tête et une fracture au visage, sans compter le choc post traumatique aigu diagnostiqué par les experts. Il a des séquelles maintenant avec des vertiges et un mal à la tête ».
La présidente du tribunal, Virginie Benech, interroge alors le prévenu sur les faits. « Ça fait maintenant deux ans que je suis en prison. Au moment des faits j’étais seul, je buvais. Je ne sais ce qu’il s’est passé, je n’ai aucun souvenir. Je ne sais pas comment je me suis retrouvé chez la victime », raconte le prévenu. Ne se rappelant plus de rien, sans doute par son ivresse au moment de faits, il nie en bloc : « Je ne reconnais pas du tout ces faits-là, le vol de la télévision. – Ce n’est pas ce que vous avez dit devant le juge pourtant, où vous avez reconnu les faits, lui fait remarquer la présidente. – Je n’ai pas dit ça, il y a eu une erreur de traduction, indique-t-il. En plus, je n’ai jamais vu mon avocat quand j’étais en garde à vue ». Parole qui a fait bondir son avocat, présent justement, maître Andjilani, qui lui a rappelé qu’il était bien son conseil et qu’il était présent lors de sa garde à vue. En dépit de cela le prévenu maintient sa version : « Je n’ai pas dit les choses qu’on m’a fait dire en garde à vue. Il ne faut pas m’accuser de ça, moi j’ai rien fait ». Maître Zoubert reprend alors la parole : « Mayotte est devenue une chronologie de la violence avec un degré en plus à chaque fois. Les gangs terrorisent la population. Il faut arrêter cet engrenage ».
La vice-procureur a demandé dans son réquisitoire quatre ans de prison avec le maintien en détention, l’interdiction de porter une arme pendant cinq ans et l’interdiction de se trouver sur le territoire national pour une durée de dix ans. Pour le coup l’avocat du prévenu, maître Andjilani, a plaidé l’absence de preuves évidentes dans ce dossier : « Il n’y pas assez d’éléments pour l’envoyer en prison. La détention provisoire est largement suffisante ».
Le tribunal a reconnu coupable le prévenu des faits reprochés et l’a condamné à trois ans de prison, l’interdiction de porter une arme pendant cinq ans et une fois sa peine exécutée, une interdiction du territoire français pour dix ans.
B.J.