Dans les couloirs du Gouvernement comme dans les territoires ultramarins, le ton est monté ces dernières semaines. Le budget 2026 a fait l’effet d’une douche froide. Derrière les promesses d’un soutien renforcé aux économies d’Outre-mer, les chiffres racontent une tout autre histoire : près de 800 millions d’euros de coupes budgétaires touchant de plein fouet les entreprises ultramarines, selon la Fédération des entreprises d’Outre-mer (FEDOM). C’est la Lodeom, le dispositif qui allège les charges sociales des entreprises d’Outre-mer, qui subit la plus grosse entaille, et les aides fiscales à l’investissement productif sont également fortement réduites.
La FEDOM dénonce des mesures disproportionnées

Du côté de la FEDOM, la colère est palpable. Hervé Mariton dénonce une politique menée sans véritable concertation : « Le rapport n’est publié qu’à la fin du printemps, et la mesure proposée vient sans concertation technique sérieuse, comme en 2024 et en pire ». Avant d’ajouter que les hausses d’impôts prévues sont « hors de mesure avec les enjeux des entreprises et hors de proportion avec l’effort national (…) Ce n’est ni cohérent, ni même sérieux ». Selon lui, l’État agit comme si les Outre-mer pouvaient supporter les mêmes contraintes que l’Hexagone, sans prendre en compte leurs réalités économiques et sociales. Dans une interview accordée à nos confrères d’Outre-mer 360°, le président de la FEDOM va plus loin, dénonçant un « coup de rabot sans discernement » et soulignant que « les entreprises ultramarines se voient imposer un effort dix fois supérieur à celui des entreprises de l’Hexagone. Ce n’est plus de la rigueur, c’est une punition ».
Lors de cette entrevue, la Fédération des entreprises d’Outre-mer a également mis en garde contre les effets du projet de loi vie chère, qui prévoit la possibilité pour la grande distribution de vendre à perte certains produits de première nécessité. « On prétend défendre le pouvoir d’achat, mais en réalité, on menace les producteurs et les distributeurs locaux déjà fragiles », dénonce-t-il. Ces changements pourraient beaucoup impacter les petits commerces, et entraîner certaines entreprises à la fermeture.
Mobilisation, mesures et perspectives pour les territoires

Pour tenter d’amortir le choc, la fédération a soumis deux amendements visant à supprimer ces réformes jugées injustes. Les élus ultramarins, quant à eux, ont uni leurs voix pour réclamer un réexamen du texte. Mais malgré les protestations, la proposition budgétaire reste inchangée pour l’instant. Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a tenté de calmer les esprits. Dans son discours de politique générale, il a placé la question des Outre-mer parmi les priorités de son gouvernement, parlant d’urgence et de refondation. La nouvelle ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a elle aussi voulu rassurer, promettant d’agir « avec humilité et force », mais sans donner de réponses précises sur les inquiétudes liées au budget.
À l’Assemblée, les députés d’Outre-mer ont tenté de faire front commun. Après l’échec d’une motion de censure, ils ont continué à mettre la pression sur le Gouvernement, allant jusqu’à dénoncer des décisions prises sans études d’impact sérieuses. Beaucoup redoutent un effet domino. Dans les Outre-mer, certains parlent d’un « double discours permanent », d’autres vont jusqu’à évoquer « un coup de massue » contre leurs économies locales. Partout, la mobilisation s’organise : en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion… les fédérations patronales, les chambres de commerce, les associations d’entrepreneurs se coordonnent pour alerter l’opinion. Une pétition circule déjà pour sensibiliser les pouvoirs publics. Le message est clair : sans soutien concret, les entreprises ultramarines risquent de s’effondrer.

Malgré tout, au milieu de cette tempête, quelques signaux positifs apparaissent : la Banque européenne d’investissement et la BRED ont signé un accord pour débloquer 800 millions d’euros de financement en faveur des entreprises ultramarines. Hervé Mariton, quant à lui, plaide pour que les Outre-mer sortent d’une logique qu’il qualifie de « bricolage budgétaire », et pour pouvoir enfin bâtir une vision d’ensemble pour les économies des territoires ultramarins. Dans ce cadre, la FEDOM envisage un projet de développement économique conçu à partir du terrain et des acteurs locaux en associant acteurs économiques, élus et société civile, afin de proposer d’ici 2027 un modèle de croissance propre à chaque territoire.
Shanyce Mathias Ali


