Cette journée de formation a volontairement été organisée en amont de la journée pour l’élimination des violences faites aux femmes qui a lieu chaque année le 25 novembre. L’ensemble des participants a été sensibilisé aux définitions et aux termes que sont entre autres « la prévalence », « les cycles de la violence », « l’évaluation des signes de gravité », « l’emprise » et ou encore « le psychotrauma », et leurs conséquences sur la santé des femmes et des enfants. La législation en vigueur et les sanctions encourues pour les auteurs étaient aussi au programme, ainsi que les dispositifs mis sen place pour les victimes. « Cette formation s’adresse à l’ensemble des professionnels de santé afin qu’ils aient les outils et les informations concernant les dispositifs d’écoute, d’orientation et de conseil pour les victimes dans le but de les orienter vers des structures adaptées en fonction de leurs besoins, indique Anne Laure Albisetti, directrice de l’URPS OI. Il y a encore beaucoup trop de violence qui ne sont pas dénoncées ».
Aider les soignants à adopter les bons réflexes en cas de suspicion de violences conjugales ou intrafamiliales
Selon Anne Laure, beaucoup de soignants constatent ou ont le sentiment, parfois, que la violence est présente quand ils se rendent chez certains patients, mais sans pour autant avoir les moyens d’agir. Il faut donc leur donner les outils pour faire face à ce genre de situation. « Songez que 30% des révélations de violences se font à un professionnel de santé et seulement 18% auprès de forces de l’ordre… Cette formation a ainsi pour objectif notamment d’aider les professionnels de santé à faire un repérage systématique en posant les bonnes questions, comme : Avez-vous été victime de violence récemment ou au cours de votre enfance ? Souvent les victimes n’osent pas parler, il faut les interroger sans être intrusif, leur demander quelles sont leurs besoins, si elles sont en souffrance, etc. ».
Les participants ont été formés, à travers des ateliers rédactionnels, à rédiger des attestations professionnelles, des ordonnances de protection afin de fournir des pièces fiables et réglementaires à la justice en cas de séparation par exemple. « Les attestations cliniques ou les ordonnances de protection sont des documents juridiques dans lesquels le professionnel de santé atteste que la personne est en souffrance physique et que cela nécessite l’intervention de la justice. Cela peut concerner l’éviction du conjoint, l’hébergement d’urgence, l’attribution d’un téléphone spécial, un bracelet, ou encore le droit de garde des enfants… Il est donc important de sensibiliser les professionnels de santé sur les moyens qu’ils ont à leur disposition pour saisir, s’il le faut, le procureur de la République », rappelle la directrice de l’URPS OI.
A Mayotte ce genre de violence est souvent un sujet tabou
Comme le fait remarquer El Habib Ismaël (vice-président de l’URPS OI), « Sur notre territoire certaines violences peuvent être culturelles, notamment en ce qui concerne la maltraitance des femmes qui se pratique sous couvert de la religion. Il faut casser ce tabou, même si les mœurs changent, constate-t-il. Aussi, il est important d’informer la population pour repérer les cas de violences et ne pas laisser les gens dans l’ignorance. Nous croyons fermement que la sensibilisation et la prévention sont essentielles pour mettre fin à ces violences qui touchent de nombreuses femmes et enfants, souvent dans le silence ». Puis il ajoute qu’il existe aussi « la violence administrative », beaucoup plus sournoise. « Certaines femmes sans papiers font des enfants pour rester sur le territoire de Mayotte… C’est ce que j’appelle des grossesses par intérêt. Ces femmes tombent souvent sous l’emprise de leur conjoint, le géniteur de leur enfant, qui peut faire preuve de violence psychologique notamment. Il faut donc être vigilant aussi à ce sujet et savoir vers quelle association ou quel organisme les orienter, tout en respectant le droit et une certaine méthodologie ».
Cette journée consacrée aux violences conjugales et intrafamiliales a ainsi permis de former et d’informer les professionnels de santé mais aussi les membres d’associations sur les bons réflexes à adopter en cas de repérage. C’est ce que pense Colaco Toure, cheffe de service en prévention spécialisée au sein de l’association Fahamou Maecha pour qui cette journée a permis de « Connaitre ce qui existe sur le territoire en termes d’associations, d’acteurs, de professionnels, d’organismes, … pour la prise en charge des victimes de violences et ainsi les orienter vers les structures les mieux adaptées à leur situation et à leurs besoins ».
B.J.