Centre de gestion : Effets de manche lors du procès des concours truqués

En 2020, nous apprenions que les examens de la fonction publique territoriale au Centre de Gestion de Mayotte avaient été particulièrement prisés par les agents réunionnais. Difficile de généraliser et de savoir quelle est l’ampleur de la fraude qui était jugée ce mardi au tribunal.

Quatre prévenus étaient accusés de tricherie au profit de deux agents réunionnais. Si à l’époque des soupçons pesaient sur des rétributions contre l’obtention de bonnes notes, aucune espèce sonnantes et trébuchantes n’apparait au dossier.

Ce sont plutôt des pieds nickelés qui comparaissaient, dont un seul était présent, doublé d’une instruction qu’un avocat d’un des accusés qualifiait de « lowcost ». Des membres du « carré réunionnais » comme on qualifie les candidats de l’ile Bourbon venus passer leur concours non dans leur Centre de gestion (CDG), mais dans celui de Mayotte. Et qui ont sévi à 3 années d’intervalle.

Au centre de l’affaire, Djamali Assani. Agent du CDG de Mayotte, il centralise l’organisation des concours, il détient les sujets, les copies corrigées, etc. En 2015, parmi les candidats au concours interne de rédacteur principal territorial de deuxième classe, le réunionnais Léonus Thémot, qui deviendra plus tard président du CDG de La Réunion. Notamment grâce au 15/20 obtenu au concours de Mayotte, mais une note trafiquée avions nous publié à la suite des révélations de nos confrères du JIR de La Réunion. C’est en réalité un 3/20 que le candidat avait obtenu, maquillé très maladroitement en 15/20 par Djamali Assani (voir ci-dessous). Il avouera plus tard le bidouillage, en expliquant l’avoir fait pour faire plaisir à une cadre, J.R., non appelée à la barre.

L’affaire avait jeté le discrédit sur l’établissement dont la gestion a par ailleurs été régulièrement pointée par la chambre régionale des comptes

Trois ans plus tard, en 2018, rebelote, sur un autre concours et d’autre méthodes. Cette fois, c’est le corrigé qui est dérobé, toujours par l’intermédiaire de Djamali Assani, qui agit toujours sur ordre, explique-t-il. Cette fois la falsification doit profiter à un autre réunionnais, Dominique Mardaye. Les documents sont transportés depuis la Réunion dans un sac noir au milieu d’épices par Jean-René Mescenes. L’avocat de ce dernier, Me Kondé, plaidera la relaxe, « mon client ne savait pas ce qu’il transportait ».

Le procureur en accusé

Pendant et après l’épreuve du concours, tout ce petit monde va s’appeler, s’envoyer des messages, les éléments de téléphonie ne laissent pas de place au doute.

Harmonisation forcée du 3 en 15/20

Mais c’est une robe noire qui faisait le buzz ce mardi à la barre. Me Philippe Creissen du barreau de Saint-Denis de La Réunion qui avait déposé plus de 100 pages de nullités de la procédure, monopolisant l’audience pendant une bonne heure en accusant notamment le procureur Yann Le Bris de faux en signature : « Vos signatures diffèrent en fonction des actes. Il faut juger le délinquant qui est ici devant moi, monsieur le procureur pour faux en écriture publique ! » Sans perdre son calme, le représentant du parquet faisait remarquer à l’avocat que cette déclaration pourrait lui valoir « un dépôt de plainte avec un emprisonnement ferme à la clé ». Ce qui ne décourageait pas la robe noire, et c’est de manière inattendu Me Saidali qui venait au secours du procureur pour indiquer que « oui, cela peut arriver de signer de manière différente. » L’avocat du Centre de Gestion de Mayotte ayant intérêt que le procès se tienne, accusait son confrère réunionnais de « polluer les débats ». Dans sa plaidoirie, il demandait plus tard 200.000 euros de préjudice pour le CDG 976, « l’affaire ayant jeté le discrédit sur l’institution ».

Yann Le Bris aux prises avec les effets de manche de l’avocat réunionnais

S’apercevant que ses manœuvres n’arriveraient pas à différer l’audience, Me Creissen prenait son sac à dos, et sortait de la salle d’audience… sans plaider.

Son confrère, Me Omarjee, conseil de Léonus Thémot, axait sa défense sur les fluctuations des aveux de Assani et J.R. Mescenes, et plaidait la relaxe.

Le procureur requérait 9.000 euros d’amende pour chacun des quatre prévenus, et deux ans d’emprisonnement dont un avec sursis probatoire traduit par une interdiction d’exercice professionnel dans une collectivité pendant trois ans.

Délibéré le 14 novembre 2023.

A.P-L.

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