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Mayotte citée en contre-exemple pour défendre l’Aide médicale d’Etat

Notre département est le seul en France où ne s’applique pas l’Aide Médicale d’Etat. Or, il est question de le remplacer dans le reste du pays. Un risque pour la fondation Jean-Jaurès qui le conteste en citant… Mayotte. Une sorte de preuve par l’absurde.

Un amendement au projet de loi sur l’immigration, et adopté en commission des lois du Sénat en mars dernier, remet en cause l’Aide Médicale d’Etat (AME) pour la remplacer par l’Aide médicale d’urgence (AMU). Rappelons que l’AME est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins. Elle est attribuée sous conditions de résidence, le demandeur devant être en mesure de justifier une présence sur le territoire depuis au moins trois mois, et de ressources.

Les auteurs de l’amendement arguaient du coût de l’AME qui pourrait atteindre 1,2 milliard d’euros en 2023, et du risque appel d’air induit sur le territoire national. Ils lui préfèrent l’AMU essentiellement axé sur les soins vitaux aux personnes.

Jeanne Belanyi, experte associée à la Fondation Jean-Jaurès*, défend le dispositif de l’AME se basant sur sa non-application dans un seul département français, Mayotte. Elle explique que cette exclusion de dispositif de la partie de la population en situation irrégulière induit un renoncement aux soins, reprenant les chiffres publiés : « En 2019, 45 % des habitants de Mayotte de 15 ans ou plus déclarent avoir renoncé à des soins médicaux nécessaires ou les avoir reporté », indiquait l’INSEE dans une enquête de 2019.

L’unique Centre Hospitalier de Mayotte

Le double effet pas cool de l’absence d’AME

L’analyste de la Fondation Jean-Jaurès le justifie par l’incapacité de ces patients en précarité à payer un forfait exigé pour les soins. Pas seulement. Car, si ce forfait existe sur le papier, il n’était pas appliqué dans la réalité. Le directeur du CHM avait d’ailleurs indiqué qu’un barème établi par l’ancienne directrice de l’ARS Dominique Voynet, serait remis au goût du jour. Par contre, le renoncement aux soins est majoritairement  la conséquence de la difficulté à accéder à un soignant, dans le désert médical qu’est Mayotte. L’experte rappelle d’ailleurs la présence 89 médecins pour 100.000 habitants en 2022 à Mayotte, contre 338 en moyenne dans l’hexagone.

Un état de faits précisément lié à l’absence d’AME, pour rejoindre sa défense du dispositif. Car sans remboursement des frais, les personnes en situation irrégulière ne peuvent avoir accès à la médecine de ville, qui est donc sous-développée, et l’hôpital, et les dispensaires, sont engorgés. D’ailleurs, plusieurs affiliés sociaux a Mayotte ont également renoncé aux soins.

Mayotte est donc la preuve que l’absence d’AME n’empêche pas l’appel d’air, en témoigne nos continuels flux migratoires et qu’elle participe à la désertification médicale. En terme de conclusion, le communiqué de la fondation Jean-Jaurès met l’accent sur un phénomène qui devrait inquiéter ceux qui proposent l’AMU : à Mayotte, « l’insuffisance des offres de transports collectifs et la fermeture progressive des structures de santé de proximité sont autant d’éléments qui retardent une prise en charge en amont, au risque d’une prise en charge dans l’urgence. »

En clair, il faut pousser la réflexion avant de supprimer l’AME en France, et de renoncer à la mettre en place à Mayotte, car faute de soins, c’est le coût des urgences, dont de l’AMU qui va gonfler…

A.P-L.

* La Fondation Jean-Jaurès est une fondation reconnue d’utilité publique créée en 1992 par l’ancien Premier ministre socialiste Pierre Mauroy

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