C’est donc sans surprise — au regard d’une sécheresse qui n’a eu de cesse de s’intensifier en ce calendrier pluviométrique 2022-2023 des plus chétifs — que le renforcement des périodes de coupures d’eau s’actera d’ici peu (cliquez sur ce lien) et ce, sur l’ensemble du territoire sans exception. Oui mais pourquoi ? Et si on avait anticipé un peu mieux ? Comment ça se fait ? Et autres interrogatifs de légitime révolte tout à fait entendable mais soyons clairs, ça ne fera pas plus avancer le schmilblick, ni tomber la pluie, sachant que la priorité se trouve désormais dans l’ici et le maintenant. Un maintenant qui maintient avant tout sa dynamique préventive, tristement proportionnelle à la précocité globale de l’étiage des cours d’eau, ainsi que le niveau bas, voire très bas, de nos retenues collinaires de Combani et Dzoumogné, respectivement remplies à 24 et 14 % de leur capacité. Du jamais connu/vu depuis 60 ans, « à l’exception de 1997 où la population de l’île était de 130 000 personnes », comme l’indique le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, dans son introductive allocution. À ce souhait donc, de retarder ô possible l’approche critique qui tendrait à priver totalement le 101ème département français — et ses plus de 300 000 habitants — d’une distribution d’eau potable, se greffe toute une nouvelle logistique organisationnelle en cours et en devenir, plus ou moins connue et déjà annoncée.
Des tours qui ont fait leurs preuves mais pas suffisamment
C’est donc depuis cette amorce 2023 que le bal au compte-gouttes des coupures d’eau a fait son apparition impactant momentanément et graduellement les robinets des concitoyens mahorais. Des coupures qui ont tout de même eu leur effet, diminuant la consommation d’eau de près de 25% depuis le mois de mai dernier, mais qui n’ont réellement pu trouver le change sachant qu’aucun épisode de pluie fertilement notable n’est tombé depuis; et d’autant plus en zone sud de l’île. Complexe équilibre à trouver dans cette aquatique équation, impactant par effet des vases communicants, l’ensemble de nos 17 communes : « Au rythme actuel des prélèvements, si on ne met pas en place de nouvelles restrictions, à la fin du mois de septembre, la vidange complète de la retenue de Combani sera faite et cette vidange précoce engendre plusieurs conséquences importantes » précise Thierry Suquet avant de poursuivre : « Sans retenue, à l’étiage, le département ne produit plus que 20 000 m3 d’eau par jour, ce qui veut dire qu’on a de l’eau disponible pour la population que 45h/semaine et par habitant, ce qui équivaut à peu près à 40% des besoins. Et second point, si cette vidange précoce se confirmait, au vue des spécificités du réseau cela pourrait rendre la distribution d’eau au robinet difficile, voire impossible, dans les secteurs du sud ».
Des travaux à effets de mesures progressives
Parmi les divers grands chantiers connus, tels que la modernisation et maintenance des quelques 850 km qui composent le réseau d’eau mahorais, en vue de circonscrire les près de 30% de perte d’eau estimés par la direction des Eaux de Mayotte, s’ajoutent la réalisation de nouveaux forages à moyennes profondeurs, des travaux de renforcement de la capacité de production de l’usine de dessalement de Petite-Terre — visant les +1000 m3 jour, en plus des 3 600 m3 actuels — pour un résultat d’ici fin novembre, ainsi que l’interconnexion de son réseau avec la Grande-Terre par la suite, tout comme des travaux pour améliorer le transfert entre le Nord et le Sud.
Concernant les 2 fameux osmoseurs tant espérés et tant décriés, il semblerait que leur trace ait enfin été retrouvée portant finalement à 1 leur nombre, d’une capacité de 1 000 m3 (contre les 600 m3 x 2 initialement promis qui devaient déjà être sur zone, il y a presque 2 mois selon les dires ministériels ). « Les travaux techniques pour leur installation se sont poursuivis, il a été fait le choix d’un emplacement intéressant et techniquement possible sur le site de M’Tsangabeach, sachant que le plus gros de la pénurie se situe donc dans la zone sud. Nous en sommes à la négociation des offres rendues par les entreprises, dans le délai demandé, pour un calendrier de lancement de cette opération début septembre, avec une mise en service prévue au tout début de l’année 2024 » nous spécifie Ibrahim Aboubacar du Syndicat des Eaux de Mayotte. Les grandes lignes de ces mesures d’urgence, — aussi répertoriées, pour certaines, dans le contrat de progrès d’un montant de 411 millions d’euros signé pile poil l’année passée — déjà entreprises pour certaines, devraient offrir leur bénéfique impact dès ce début Novembre, aux dires de la Préfecture, raison pour laquelle il est mis en place, finalement dans une approche transitoire d’optimisation des ressources, ces nouvelles mesures restrictives afin de prévenir cette vidange collinaire tant redoutée « tout en garantissant la distribution d’eau sur le réseau, pendant 60 heures/semaine et par habitant ».
Réseau continu garanti pour les abonnés prioritaires
Concernant les établissements scolaires, de soins, de Santé et une partie des administrations, leur accès est garanti par le biais de ce réseau appelé le chemin d’eau. Réseau de schéma parallèle, indépendant des coupures d’eau. Pour ce qui est des écoles implantées en des communes où justement ce chemin n’est pas existant, l’installation de cuves d’eau sanitaires, permettant l’approvisionnement en période de coupure, garantira l’accès à l’eau potable. À ce jour, 11 des 13 communes qui connaissent les coupures de 24h bénéficient de ces cuves, soit 320 cuves installées dans les écoles ainsi que 200 dans les centres soins. Pour les communes qui n’ont pas encore installé ce sytème, elles sont accompagnées pour réaliser les derniers raccordements « ce qui globalement garantit l’accès à l’eau potable pour les enfants dans la journée en plus du fait que des gourdes seront distribuées à l’ensemble des élèves du département, afin de leur offrir un contenant lors des coupures en parallèle d’un accès à l’eau potable » spécifie le préfet.
Niveau des rampes d’eau, nous avons bien entendu posé la question mais il semblerait que « la doctrine d’utilisation » de ces dernières n’ait pas encore été réellement définie, tout comme leur zone d’activation. Ce point devrait se voir concrètement éclairci d’ici le 4 septembre prochain : « Notre première préoccupation était d’assurer la continuité de l’eau autour des établissements prioritaires, nous finaliserons les modalités de ces rampes d’ici peu » répond Thierry Suquet.
Et l’eau en bouteille alors, on baisse encore les prix ?
Officiellement gelée depuis le 18 juillet dernier, la tarification ayant trait au prix des pactes d’eau ne devrait plus bouger dans l’immédiat, même pas vers le bas ! Pour assurer le sérieux de cette mesure désormais mise en place, des renforcements de contrôles se poursuivent, avec des avertissements et sanctions pécuniaires pour ceux justement qui ne joueraient pas le le jeu. Les services préfectoraux appellent également les mahorais à faire remonter toute information qui n’irait pas en ce sens, notamment par le biais des associations de consommateurs ainsi que la récente plateforme SignalConso disponible sur notre territoire.
Pour ce qui est des appréhensions de pénurie, à ce niveau là, pas de soucis ! Les stocks commerciaux ayant doublés en comparaison de l’année dernière; pas de nécessité de créer des bunkers de Cristalline chez soi ou de se constituer un 3ème sous sol d’Edena. Les réserves sont là donc on évite de surremplir inutilement (égoïstement) son charriot dans les supermarchés.
Et concernant l’utilisation de l’eau justement restreinte, malgré les moult warning et l’arrêté préfectoral pris le mois dernier , les contrôles se maintiennent et s’intensifient, ayant recensé, depuis ce début d’été, plus de 200 contrôles réalisés par les gendarmerie et police municipale, ainsi que l’Office français de la biodiversité (OFB). Près d’une trentaine de sanctions prises pour des lavages interdits, des arrosages ou encore des prélèvements sauvages. Ces politiques devraient se poursuivre de manière plus accrue dans les mois à venir « pour lutter contre les usages abusifs ».
Et niveau abonnement SMAE, on part sur du gratuit ou pas ?
Sachant que l’accès à l’eau potable va être drastiquement réduit et que, de surcroit, il se greffe des mesures restrictives sanitaires plutôt contraignantes pour pouvoir prétendre à consommer sans crainte aucune cette transparente richesse millésimée, cuvée robinet, les Eaux de Mayotte ont-elles prévu d’améliorer quelque chose sur la facture de leurs abonnés ?
On vous met dans la confidence, la question a été posée, jetant un grand silence méditatif, avant de finalement répondre : « En fonction de l’ampleur de la crise qui vient, un débat va être ouvert. Dans les factures, il y a la part variable propre au volume consommé et la part fixe de l’abonnement. Très clairement des échanges vont s’ouvrir dans les jours qui viennent avec les représentants de la commission spéciale de délégation de service public et avec les partenaires concernés pour regarder comment objectivement cette situation doit être prise en compte en termes d’impacts sur la facturation. C’est un débat que la vice-présidente a souhaité ouvrir et qui devrait prendre effet dès la semaine prochaine » indique Ibrahim Aboubacar.
Potable ou non potable, that is the question !
Pour le directeur de l’ARS, Olivier Brahic, clairement le OUI est franc souhaitant démentir ainsi un récent article publié par nos confères locaux de Mayotte Hebdo : « L’eau est potable au robinet et cela est confirmé par les laboratoires agréés à la fois ARS mais également SMAE ». Une approche suivie à la loupe, bien-entendu renforcée tant pour l’Agence régionale de Santé que par la Société mahoraise des eaux et sa directrice Françoise Fournial : « Notre activité se veut plus soutenue, c’est indéniable, au regard de cette crise qui est sans précédent et notamment la gestion à la fois du trafic des flux mais également de leurs contrôles. En plus de nos 3 laborantins qui assurent la conduite d’analyses et de contrôles des qualités biologiques, physiques et chimiques de l’eau et des personnels techniques déjà présents sur le terrain, nous avons recruté 14 intérimaires qui ont été encadrés et formés en amont, justement à des process qualité et contrôles. Nos différents relevés en plus de ceux de l’ARS confirment bien que l’eau sortant des robinets mahorais est toujours indiscutablement potable ».
À ce démenti public donc, s’est greffé avec transparence le protocole sanitaire vivement recommandé par l’institution majeure de Santé sur notre territoire : « Au regard des nouvelles coupures qui vont arriver à partir du 4 septembre, l’eau doit être bouillie dans les 12h après la réouverture du réseau. C’est un point très important, ce qui permet de garantir la stérilisation de l’eau. Une fois l’eau bouillie, il n’y a plus de germes à enlever. Le second point concerne le stockage. Les eaux qui sont stockées dans des grosses cuves ne sont pas des eaux potables. Il faut bien différencier les utilisations de l’eau pour divers besoins d’hygiène et l’eau que l’on ingère. Le troisième et dernier point concerne l’hygiène des mains, c’est fondamental, au regard du fait que l’on va entrer dans une période où l’on aura encore moins accès à l’eau. Il est important de garder cette hygiène de base qui permettra collectivement d’éviter tout risque de contamination et propagation d’épidémie » précise Olivier Brahic.
Au regard de l’approche purement sanitaire et des forts risques aussi encourus, en parallèle d’un désert médical qui semble s’accroitre sur notre île, la direction de l’ARS organisera dès le début de semaine prochaine, une conférence en ce sens afin de clarifier les tenants et aboutissants de cette gestion et du nouveau schéma qui se dessine dans sa globalité Santé et hospitalière.
Le sujet de la 3ème retenue ne se voulait dans l’immédiat pas d’actualité sachant que les différents protocoles entrepris se calquent sur une réactive dynamique d’urgence. De son côté, le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, a souhaité insister sur cette proche perceptive qui se dessine en notre 101ème département français :
« Aujourd’hui, il n’y a pas d’alternatives immédiates aux tours d’eau pour préserver la capacité de distribution dans le département face à la sécheresse excessive et exceptionnelle que nous connaissons. Nous avons lancé des travaux d’urgence pilotés par les Eaux de Mayotte, nous explorons des capacités et sommes en veille technique; nous avons un certain nombre de travaux qui porteront leurs fruits d’ici Novembre mais je le redis, il n’y a pas d’alternatives immédiates. Cette crise nous a permis d’accroitre les efforts d’investissements en faveur de la distribution de l’eau à Mayotte pour répondre à l’urgence. Ce sont 31 millions d’engagés pour sortir des tours d’eau aussi bien pour les travaux d’urgence que ceux qui ont été programmés dans le contrat de progrès et accélérés à cette occasion. Et puis face aux difficultés qu’on va rencontrer jusqu’à la fin de l’année, nous devons appeler tous les mahorais à être solidaires et vigilants. Chaque goutte d’eau compte, chaque utilisation est importante. Les efforts qui ont été réalisés, même si c’est difficile à comprendre, portent leurs fruits; nous réalisons des économies (ndlr – hydriques), elles sont importantes pour nous permettre de continuer à proposer de l’eau sur tous les points du territoire; on a vraiment besoin de la solidarité de l’ensemble des mahorais ».
MLG