Adoptée mardi 1er juillet, au soir, par l’Assemblée nationale en première lecture, la loi de « refondation » pour la reconstruction de Mayotte est présentée par le Gouvernement comme une réponse structurelle aux difficultés de l’île. Mais plusieurs ONG et associations, dont UNICEF France, Human Rights Watch, Solidarités International ou le Secours Catholique, dénoncent un texte qui « fait l’impasse sur les causes structurelles des crises sociales, sanitaires et éducatives », que traverse le territoire. Dans un communiqué conjoint, elles alertent sur une réforme jugée répressive, discriminatoire et peu soucieuse des droits fondamentaux, en particulier ceux des enfants.
Une réforme jugée prioritairement sécuritaire

Le projet de loi survient dans un contexte de fortes tensions sociales, six mois après le passage du cyclone Chido qui a ravagé l’île, et dans un département confronté depuis des années à des inégalités profondes : pauvreté endémique, insécurité sanitaire, surpopulation scolaire, déficit d’infrastructures de base. Pourtant, selon les signataires du communiqué, le texte législatif « se focalise sur la lutte contre les plus précaires » au lieu de proposer une stratégie de développement à long terme.
Le projet remet en place plusieurs mesures controversées, dont la création de centres de rétention pour mineurs, à Mayotte, à partir de 2027. Il prévoit également des restrictions d’accès à certains droits sociaux. Le Passeport pour la mobilité des études, jusqu’ici accessible à tous les élèves de Mayotte partant étudier en métropole, sera désormais réservé aux seuls élèves de nationalité française. Une mesure qui, selon les ONG et les associations signataires du communiqué, privera « des milliers de jeunes de toute perspective éducative hors du territoire ».
Les urgences sociales restent sans réponses
Dans un département où un habitant sur deux est mineur, les associations s’inquiètent du peu de place accordée aux enjeux liés à l’Enfance, à la Santé ou au Logement. Le communiqué rappelle que 9.500 enfants sont non-scolarisés, que 30 % de la population n’a pas accès à l’eau potable, et qu’environ 40.000 logements y sont considérés comme indignes. « Aucun programme de réhabilitation n’a été engagé, y compris pour les habitations en dur endommagées par le cyclone », déplorent les signataires.

Autre point de tension : le retrait du droit inconditionnel au relogement pour les personnes dont l’habitat est détruit. « Le projet de loi fait le choix de se concentrer sur la lutte contre l’immigration irrégulière et l’habitat informel », alarment les associations, qui affirment que cette mesure pourrait « exposer des milliers d’enfants à la rue ». Par ailleurs, la convergence des droits sociaux avec ceux de l’Hexagone est repoussée à l’horizon 2031. Le maintien de dispositifs dérogatoires, comme l’absence de Droit au logement opposable (DALO) ou de l’Aide médicale d’État (AME), est dénoncé comme une inégalité structurelle entre Mayotte et les autres départements français.
Face à ce qu’elles considèrent comme un « désengagement de l’État en matière sociale », les associations appellent à « un véritable chantier de refondation à 10 ans », fondé sur l’accès universel aux services essentiels, la construction de logements dignes, la protection de l’enfance et une convergence accélérée des droits. Elles affirment leur volonté de participer à cette reconstruction, aux côtés des habitants, « dans le respect des droits de tous ».
Mathilde Hangard