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Mamoudzou

Diffamation de Raos contre Bamcolo : la suite en appel

Mini-rebondissement dans les suites de la plainte en diffamation de l’actuel maire de Koungou accusé par son prédécesseur de tricherie lors des élections de 2020, et d’incitation à la violence sur les ondes de Mayotte la 1ère. Un dysfonctionnement judiciaire a conclu à un arrêt de l’action en justice. Était également jugé un bonimenteur de chauffe-eau solaire.

Au rôle d’audience ce mardi 18 avril, une affaire médiatique dans tous les sens du terme. Tout d’abord pour la personnalité du plaignant et du prévenu : un ancien et un actuel maire de Koungou, le second accusant le premier de l’avoir diffamé. Ensuite, parce que les propos ont été tenus sur le média audiovisuel public de l’île, Mayotte la 1ère, lors de l’émission Zakweli du 9 mars 2021.

Accusant sur les ondes son successeur d’ « encourager des jeunes et des voyous à jeter des cailloux contre les forces de l’ordre » et à « incendier des cases », Saïd Ahamadi, dit « Raos », ancien maire de Koungou de 2001 à 2008, concluait en parlant d’une « réélection à base de tricherie », en 2020, lors du 2ème mandat d’Assani Saindou Bamcolo, l’actuel premier édile de la commune. Les propos avaient été repris sur un article web diffusé le même jour sur le site de Mayotte la 1ère.

Des accusations graves qui lui avaient valu d’être entendu puis brièvement mis en examen fin décembre 2021. La directrice de France Télévisions, Delphine Ernotte avait bénéficié d’un non-lieu.

Celui qui avait également été conseiller départemental de Koungou, comparaissait donc ce mardi, après deux audiences destinées à valider la caution. C’est non représenté alors que son avocat a quitté l’île, que Raos s’avance à la barre son argumentaire en main, « j’ai contacté d’autres avocats qui ont refusé de prendre l’affaire, j’ai donc rédigé mes conclusions ». Pour le maire Assani Saindou Bamcolo, c’est Me Benoît Derieux, avocat au barreau de Paris, un habitué de la barre du TJ de Mamoudzou, qui s’avance. Alors qu’on pensait que l’audience avait commencé à se dérouler après l’énoncé des faits frappés d’accusation de diffamation, le président Benoît Rousseau relevait une faille dans la procédure : « Il y a un trou procédural entre le 9 juin 2022 et le 15 novembre 2022, qui pourrait prescrire l’action publique, il faut l’examiner avant de débattre au fond ».

Une signature manquante

Me Benoît Derieux, du barreau de Paris, défendait les intérêts d’Assani Saindou Bamcolo

En clair, il ne peut s’écouler plus de 3 mois entre le jour où la déclaration a été faite, ou bien de sa diffusion sur internet, et un acte de la procédure. Chaque nouvelle publication prolonge ce délai de 3 mois, ce qui explique que l’affaire soit jugée deux ans après.

Interloqué par cette annonce, Me Derieux demandait quelques minutes avant de donner sa décision. Car juge et avocat devaient zoomer sur cette période pour savoir si dans les 3 mois après le 9 juin 2022, donc avant le 8 septembre 2022, une nouvelle publication avait eu lieu. Il se trouve que oui, faisait valoir quelques temps plus tard l’avocat, « une audience s’est tenue avec cette affaire le 6 septembre 2022, le ministère public a comparu, moi également, le rôle en atteste, l’action publique peut donc continuer. »

Mais pour le président d’audience Benoît Rousseau, il n’y a pas eu de jugement, « il y a donc prescription de l’action publique. Le procès s’arrête là ». Stupeur dans la salle d’audience, que quittait précipitamment Me Derieux.

Nous l’avons contacté peu après, « je suis aussitôt allé interjeter appel à la demande de mon client, nous ne pouvons en rester là et ne pas demander que de tels propos soient sanctionnés. Je suis d’ailleurs choqué que le tribunal ne nous ait pas averti à l’avance de ce problème. » Un appel pour quels résultats s’il y a prescription ?, l’avons nous interpellé – « Le dossier a bien été évoqué le 6 septembre 2022 au tribunal, mais le président ou la présidente d’audience n’a pas signé la note d’audience. Nous allons donc débattre de ce dysfonctionnement devant la cour d’appel, et si celle-ci confirme qu’il y prescription, nous rechercherons la responsabilité de l’Etat dans cette affaire ». Prochaine audience en appel donc.

Évaporation autour des chauffe-eaux solaires

Une fois remboursées, les victimes pourront investir dans du matériel concret

C’est une escroquerie dont l’auteur avait du mal à être démasqué qui était également jugée. Idriss* est un jeune dynamique, présentant bien, qui n’a donc eu aucun mal à trouver des commerciales et commerciaux pour une filiale mahoraise d’une entreprise de production d’électricité dont le siège est à La Réunion. Il s’agissait de vendre des chauffe-eau solaires.

Une de celles qu’il a recrutée, Fatima*, témoigne à la barre : « Le commercial, c’est mon domaine. J’ai donc contacté plusieurs membres de ma famille qui m’ont fait confiance et qui ont versé des acomptes. Au bout d’un certain temps, ne voyant pas de suite, je demandais des comptes à Idriss, qui me disait qu’il allait déposer les dossiers au siège de l’entreprise. Mais plusieurs jours passaient, j’ai donc contacté la direction de l’entreprise qui m’a répondu ne pas avoir reçu les documents. C’est là que Idriss a expliqué avoir perdu les dossiers. J’ai alors décidé de déposer plainte. » Surtout qu’elle indique avoir reçu de sa part des sms menaçants.

Difficile d’y voir clair dans le lien entre Idriss et l’entreprise en question. Lui explique avoir signé un contrat, ce qui changerait la nature des faits, en impliquant la société, mais les juges n’en ont pas trace, « le contrat que nous avons n’est pas signé. » Il se serait donc fait passer pour un employé, pour escroquer de potentiels clients. Les commerciaux étaient eux recrutés par sa société à lui, spécialisée dans l’évènementiel, et mis à disposition de la société de chauffe-eau solaire. Une organisation à tiroir avec des zones de flou, « typiques de l’escroc », lâche le parquet, « vous avez subtilisé des document appartenant à cette entreprise pour vous faire passer pour un de ses employés ».

Une des assesseurs l’interrogera sur l’absence de dépôt de plainte après la perte de sa sacoche contenant les dossiers et les acomptes pour un montant de 1.690 euros. « On ne me l’a pas volée, je l’ai perdue », rétorquait-il.

Il est condamné à 6 mois de prison avec sursis probatoire, c’est à dire que la peine est suspendue à condition que le condamné respecte les obligations et interdictions qui lui sont fixées par le tribunal. Il devra indemniser les victimes pour les acomptes versés, à hauteur de 1.740 euros comprenant un préjudice moral : « Pendant 12 mois vous serez suivi par le Juge d’application des peines avec convocation devant le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation. Si vous ne respectez pas cet engagement, vous partirez pour 6 mois en prison. »

A.P-L.

* Prénoms d’emprunt

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