La liberté des électeurs questionnée par Marine Le Pen… quelques jours après Rachadi Saindou

En soulevant une Question prioritaire de Constitutionnalité (QPC) suite à sa condamnation d’inéligibilité avec exécution immédiate la privant des présidentielles 2027 qui s’annonçaient bien pour elle, Marine Le Pen recevra-t-elle la même fin de non-recevoir que l’ancien élu mahorais ? Ou est-ce de nouveau une affaire de graduation des mandats ?

Reconnue coupable de détournement de fonds publics pour avoir employé des assistants parlementaires afin de servir les intérêts de son parti le Rassemblement national (RN, auparavant FN), Marine Le Pen a été condamnée ce 31 mars 2025 à une peine de 4 ans de prison dont 2 ans ferme sous bracelet électronique, ainsi qu’à 100.000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire.

La candidate RN avait été plébiscitée à Mayotte à la présidentielle de 2022 avec 59,1% au second tour. Ici en avril 2024 dans le département

L’exécution provisoire est de nouveau décriée, ce qui l’empêche de se présenter à l’élection présidentielle de 2027, alors que les derniers sondages la créditaient au mieux de 37% d’intention de votes. Un contexte qui l’incite à attaquer sur deux fronts, en plus de l’appel qui serait jugé d’ici un an. Celui de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en raison d’un « préjudice irréparable », selon ses mots, et du Conseil constitutionnel en soulevant une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) pour obtenir un avis sur l’incompatibilité entre une décision d’inéligibilité avec exécution provisoire, et la liberté des électeurs.

Un recours qui nous rappelle quelque chose à Mayotte, puisque c’est le cadre de la QPC pour exécution provisoire l’ayant évincé de son mandat qu’avait déposé l’ex-président de la CADEMA, Rachadi Saindou, dont l’avis défavorable à l’ancien élu est tombé quelques jours avant la condamnation de Marine Le Pen.

Des électeurs pesant plus lourd que d’autres

Beaucoup de monde avait fait le lien pourtant incorrect entre les deux affaires, puisque les élus locaux ne sont pas traités comme les parlementaires, précisait le Conseil constitutionnel dans son argumentaire : « Les membres du Parlement participent à l’exercice de la souveraineté nationale, votent la loi et contrôlent l’action du Gouvernement », estimant que ce sont ces prérogatives qui justifient que « les membres du Parlement se trouvent dans une situation différente de celle des conseillers municipaux ». Moyennant quoi, Rachadi Saindou avait été démis de ses fonctions par le préfet, alors que Marine Le Pen, si elle perd son siège de conseillère départemental du Pas-de-Calais, reste députée.

CADEMA, Mayotte, Conseil constitutionnel, QPC, Marine Le Pen
Le président de la CADEMA avait également plaidé l’inégalité entre deux élus devant les urnes

Pour autant, le résultat des deux QPC peut-il être différent alors qu’ils questionnent tous les deux sur une atteinte à la liberté de l’électeur ? Dans son avis du 28 mars dernier, le Conseil constitutionnel, dont le macroniste Richard Ferrand a récemment pris la présidence, mentionne la liberté de l’électeur à propos de la privation d’un mandat en cours, expliquant qu’« il revient au juge d’apprécier » l’atteinte qu’une mesure d’éviction du mandat fait peser sur l’électeur. Alors que dans le cas de Marine Le Pen, il s’agit d’une projection sur un mandat à venir, d’une importance autre, puisque présidentiel, dont la candidature est donc créditée actuellement jusqu’à 37% des voix.

On peut penser que la stratégie du parti va être observée de près, puisque toute substitution prématurée de la candidature de la figure historique du RN qu’est Marine Le Pen (son père l’était pour le FN), par Jordan Bardella, pourrait être synonyme d’alternative permettant à l’électeur de s’exprimer et de voter pour ce parti malgré tout.

Anne Perzo-Lafond

Partagez l'article :

spot_imgspot_img

Les plus lus

Publications Similaires
SIMILAIRES

Grève des barges : confusion, colère et tensions sur les quais

Ce lundi, une grève illimitée a fortement perturbé les traversées entre Dzaoudzi et Mamoudzou. Les rotations ont été réduites, l’information aux usagers a manqué et la tension est montée aux débarcadères. Passagers et conducteurs ont attendu plusieurs heures sous le soleil pour espérer embarquer, dans une atmosphère d’incompréhension, de fatigue et de colère.

Mayotte n’a pas « raflé » l’aide européenne : elle a encaissé le cyclone le plus dévastateur de son histoire

Derrière les chiffres de Bruxelles, une réalité physique et humaine saute aux yeux : Chido a pulvérisé un territoire déjà fragilisé. Si l’Union européenne accorde quatre fois plus à Mayotte qu’à La Réunion, c’est parce que le désastre y a été total — et structurel.

Du Togo aux Seychelles : six jeunes de Mayotte partent pour des missions internationales

Le Togo, Maurice et les Seychelles, dans quelques mois, 6 volontaires du programme Territoires Volontaires (TeVo), rejoindront l'une de ces destinations pour une durée de 8 à 12 mois. Ce lundi 6 et mardi 7 octobre, ils préparent leur voyage lors d'un stage de deux jours au Comité Régional Olympique et Sportif de Mayotte.

Des décombres à l’émotion : le cyclone Chido revisité par la création artistique

À l’Office du Tourisme de Mamoudzou, l’exposition “Les mémoires du vent” a été inaugurée vendredi soir. Elle a rassemblé peintures, photographies et installations sur le thème du passage du cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte le 14 décembre 2024. Les artistes ont offert un espace de mémoire et de résilience à une population encore marquée par la catastrophe.