Les données sont alarmantes. L’enquête Unono Wa Maore, lancée à Mayotte en 2019 par l’ARS et Santé Publique France, apporte un éclairage cru sur l’alimentation à Mayotte, et ses conséquences indigestes sur la santé.
« Cette étude apporte un éclairage important sur l’état de santé de la population et les pratiques en matière de soin. C’est une étude d’une ampleur inégalée à Mayotte » indique Youssouf Hassani, responsable de l’antenne mahoraise de Santé Publique France.
Après trois ans de travail, 7000 personnes mobilisées et 2600 ménages sondés, les résultats montrent une dégradation de la santé des Mahorais, en lien avec leur alimentation.
Le taux de diabète notamment, atteint 12,1% des 18-65 ans, et 13,3% des femmes, soit plus du double de la moyenne nationale. Plus inquiétant encore, l’hypertension artérielle atteint 48% des adultes, soit 4 points de plus qu’en 2008, date de la dernière enquête sur le sujet.
Autre donnée qui n’est pas sans lien, le surpoids et l’obésité atteignent aussi des sommets chez les plus de 15 ans, avec 56% de la population concernée, 43,9% chez les hommes, 64,4% chez les femmes. L’obésité touche près d’un quart de la population adulte. L’obésité s’est notamment aggravée chez les femmes, qui sont plus nombreuses à présenter des formes sévères, grades 2 et 3 notamment, qu’en 2008.
Alimentation trop riche, trop grasse et pas assez variée, associée à un manque d’exercice, tout cela fait partie des causes que l’ARS va devoir traiter dans le volet prévention de son grand plan régional de santé, le premier établi par l’ARS de plein exercice. Une vaste campagne de dépistage sera menée en septembre. L’enquête révèle en effet qu’un malade sur deux ignore être concerné par l’hypertension ou le diabète.
Mais un autre volet dramatique est pointé du doigt. Tandis qu’une partie de la population présente d’importants risques cardiovasculaires, les enfants eux, souffrent de malnutrition. Et si l’on exclut la Guyane qui mène actuellement une enquête dont les résultats ne sont pas tombés, « je n’ai pas en tête d’autre situation territoriale qui aurait les mêmes ordres de grandeur » déplore Laetitia Huiart, directrice scientifique Santé Publique France. Avec 8,3%, c’est presque un enfant sur 10 à Mayotte qui souffre de malnutrition, et 3,4% présentent une malnutrition sévère.
« D’un côté nous avons des surpoids qui coexistent avec des situations de malnutrition aigues chez les enfants » pointe la scientifique.
D’une manière plus générale, l’insécurité alimentaire à Mayotte est de 47,2%. Les personnes nées en France métropolitaine ou autres DOM sont sans surprise les moins touchées. A l’inverse l’insécurité alimentaire atteint 62% chez les natifs des Comores.
Résultat, des pathologies oubliées ailleurs perdurent sur l’île, comme le Béri-béri, maladie causée par une carence en vitamine B1. Avec plus de 200 cas en 2 ans, Mayotte fait figure d’exception au niveau national. En cause, une grande consommation de riz blanc, un produit qui après un traitement industriel perd l’enveloppe qui contient la fameuse vitamine.
Avec l’arrivée du deuxième hôpital dans quelques années, et l’augmentation croissante des besoins en offre de soin, l’ARS envisage la création en partenariat avec la préfecture et le Département d’une instance chargée d’étudier les questions d’attractivité, les causes des départs des professionnels, et les outils pour faire face aux besoins.
Mais si un hôpital vide serait un camouflet pour la politique de recrutement du CHM, les ventres vides, eux, ne sont pas la seule cause d’un manque d’éducation à l’alimentation. Et sans une vraie politique de lutte contre la pauvreté, les inégalités, et de protection de l’enfance, Mayotte aura bien du mal à se départir de l’image de tiers-monde qu’y évoquent encore des maladies indignes d’un pays comme la France.
Y.D.