Les chiffres reflètent l’énorme défi qui attend les services de l’Etat : environ 10% de la pêche serait déclarée à Mayotte. C’est pour inciter à intégrer les circuits de vente officiels qu’un concours est organisé depuis 3 ans maintenant, pour récompenser le pêcheur commercialisant le plus gros volume de poissons à travers les réseaux formels.
Financé jusqu’à présent par l’Etat par la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de le Forêt (DAAF), il est désormais organisés sur des fonds européens, le FEAMP.
Ils étaient 15 pêcheurs à être présents dans la salle de réunion du bâtiment des chambres consulaires ce vendredi matin. Pierre Baubet, le directeur de la Copemay, nous dresse un état des lieux : « Les Affaires maritimes ont recensé 140 barques en conformité, une centaine classées en plaisance parce que n’ayant pas suivi de visite de contrôle, et 900 pirogues. »
Condition d’accès aux fonds européens
Sur une île où la moitié de la population est en situation irrégulière, il va être compliqué d’aboutir à la légalisation du secteur. Mais il existe malgré tout une forte marge de progression à en croire les chiffres donnés par la CAPAM : « Sur 2 .000 tonnes de poisson débarquées sur l’île, 232 tonnes sont réceptionnées par les cinq poissonneries agréées : Captain Alendor, la Copemay, la Poissonnerie du Centre, la Covipem de Mtsapéré et la Covipem de Mtsahara. »
Un sujet qui exaspère Pierre Baubet qui, en tant que propriétaire de la Copemay, ne comprend pas que la Dieccte ou l’Etat ne multiplient pas les contrôles. Une préoccupation récurrente à Mayotte où les commerçants du marché se posent la même question, et dont la réponse tient dans la déstabilisation de l’économie qui ne peut priver d’un coup de moyens de subsistance la moitié d’une population de l’île.
Il faut donc y aller petit à petit. C’est un des objectifs de ce concours, « qui valorise les circuits de commercialisation formels grâce à une coopération CAPAM-DAAF et Dieccte », introduisait Dominique Marot, vice-président de la CAPAM. Car derrière, il y a les fonds européens : « Si on veut pouvoir prétendre aux aides, il faut être dans les clous », rappelait-il.
Du décongelés-recongelés
Autre danger qui guette l’acheteur du bord de route : le manque d’hygiène. Charif Abdallah, président de la coopérative de Mtsapéré, évoquait les risques : « Les balances truquées, des poissons décongelés et recongelés… Notre santé peut être mise en danger ! »
C’est d’ailleurs lui qui remportera le moteur de 15 cv, le premier prix du volume de poissons commercialisés par les réseaux formels pour les plus de 40cv. Avec 13 tonnes de poissons vendues. « Je possède deux bateaux, mais l’un est en panne depuis un an. Je dois débourser 5.000 euros pour me mettre aux normes », nous explique-t-il. Le 2ème prix sera remporté par Ouirdane Ibrahim, avec 8 tonnes et le 3ème Nassuridine Youssouf, avec 7 tonnes de poisson.
Dans la catégorie des moins de 40 cv, c’est Saïd Darkaoui qui remportera le moteur de sécurité de 15cv, avec 4 tonnes vendues, le 2ème prix de matériel de sécurité, c’est une femme Zoulfati Abdou qui le remportera, et le 3ème prix par Anfiane Soufiane, un bon de glace de 500 euros.
Pour appuyer cette incitation à la régularisation des situations, depuis 2014 l’Europe abonde avec un fonds de compensation de 1,70 euros par kilo de poisson vendu sur présentation de la facture.
Ce qui ne suffit apparemment pas à drainer du monde vers les poissonneries, comme le souligne Manssour Demou, Chargé d’appui aux exploitations agricoles : « 100kg de poissons supplémentaires ont été commercialisés par les circuits formels de 2014 à 2015. Des résultats insuffisants car les pêcheurs préfèrent ne pas toucher de subventions et se désengagent en raison des contrôles auxquels ils sont soumis. Il s’agit pourtant de la vérification de matériel leur permettant de prendre la mer en sécurité. »
Un appel à l’Etat et aux médias est lancé, pour que vendeurs comme acheteurs prennent le chemin des poissonneries qui ont pignon sur rue.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte