Un arrêté préfectoral signé le 12 novembre 2025, autorise la construction d’un ponton sur l’îlot de Mtsamboro. Deux millions d’euros, trois mois de travaux, des pieux, de l’aluminium et du bois… et une série de prescriptions qui semblent parfois plus destinées à cocher des cases qu’à protéger réellement le fragile écosystème du lagon.
Des pieux au lagon : un chantier millimétré

La commune de Mtsamboro est désormais officiellement autorisée à planter 194 mètres de ponton sur un plateau corallien, avec atterrage sur un éperon basaltique et aménagement de sentiers et d’observatoires terrestres. Le projet prévoit la construction d’un ponton de 194 mètres, destiné à faciliter l’accostage de navires de petite taille. Les travaux devraient durer trois mois, dont deux consacrés au battage des pieux. Le ponton pourra accueillir deux navires de sept tonnes, avec un tirant d’eau de 1,5 mètre. Il sera construit en acier et aluminium, habillé de bois, avec poteaux, échelles et signalisation lumineuse, tandis que l’îlot accueillera également des sentiers, des abris de type « faré » et un observatoire.
Officiellement, l’objectif est de « valoriser le patrimoine naturel et culturel ». Officieusement, on sait que l’endroit servira aussi de base pour les missions de contrôle maritime et d’interception des kwassas, ces embarcations qui traversent le canal du Mozambique dans le but de rejoindre Mayotte.
Le texte de l’arrêté détaille chaque étape des travaux. Les pieux seront battus avec des machines calibrées pour limiter le bruit et respecter les seuils acoustiques pour les espèces marines protégées. Les déchets devront être triés, stockés et évacués vers des filières agréées. Le personnel sera sensibilisé aux risques environnementaux et sanitaires. Chaque aléa naturel, tels que les cyclones, des mouvements de terrain, un recul du trait de côte, la sismicité, est pris en compte. En somme, tout est prévu sur le papier.
Les promesses d’un chantier écolo

Le préfet de Mayotte et la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement, du Logement et de la Mer de Mayotte (DEALM), ont encadré l’opération avec une batterie de prescriptions : éviter la période de présence des baleines à bosse, transplanter les herbiers détruits, limiter les collisions avec les tortues, protéger les dugongs, surveiller le bruit, le front récifal et même la qualité de l’eau. Un comité de suivi réunira représentants de l’État, associations locales et experts scientifiques.
Sur le terrain, cela se traduira par des battages limités à la journée, des barges et engins de chantier confinés, des kits anti-pollution à portée de main et des consignes strictes pour ne pas laisser traîner de matériaux générant des eaux stagnantes. L’ensemble ressemble à un manuel de bonnes pratiques presque utopique, où chaque geste est contrôlé, documenté, et surveillé… tout en sachant que l’îlot n’est pas exactement un laboratoire.
Quand l’environnement devient un prétexte

Malgré ces précautions, l’ambiance sur l’îlot n’est pas celle d’un sanctuaire marin. L’opération s’inscrit dans un contexte beaucoup plus pragmatique : renforcer la présence maritime et faciliter l’action des intercepteurs. Déjà, lors de la dernière visite du président de la République à Mayotte, le 21 avril dernier, le ponton avait été montré comme un point stratégique pour la lutte contre l’immigration clandestine. « Tout l’enjeu est d’anticiper les mouvements (ndlr : des kwassas) pour opérer les contrôles », avait déclaré Emmanuel Macron. Le texte de l’arrêté, lui, consacre plusieurs pages aux mesures environnementales, mais la logique globale reste celle d’un aménagement à double usage : un peu de tourisme, beaucoup de surveillance.
En somme, Mtsamboro verra bientôt pousser son ponton, encadré par des dizaines de prescriptions et de protocoles. Pieux, bois, aluminium et paperasse : un pont entre la réglementation et la réalité du terrain, là où l’écologie et la sécurité se croisent… et parfois s’ignorent.
Mathilde Hangard


