Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a ravagé Mayotte. Le 101ème département français vacille : vies perdues, habitations détruites, infrastructures à terre. Dans l’urgence, des élans de solidarité émergent. Parmi eux, celui des architectes, mobilisés pour diagnostiquer, réparer, proposer, et surtout : écouter les attentes.
Commandé par le Conseil de l’Ordre des Architectes de La Réunion et de Mayotte (COARM), l’ouvrage « Chido : Des architectes à Mayotte », publié aux Éditions Ter’La, retrace cette mobilisation inédite. Témoignages, récits d’interventions et réflexions y composent un récit où l’architecture sort de ses plans pour devenir un acte solidaire, politique et humain.
Une solidarité dessinée à la main

Quand les rafales de Chido ont cessé, il restait la désolation : toits arrachés, écoles effondrées, végétation déracinée. Dans les jours qui suivent, Mayotte se réinvente dans l’urgence. Aux côtés des habitants, les architectes se rassemblent. Sans mission officielle, ils observent, conseillent, esquissent des solutions immédiates : abris temporaires, diagnostics de sécurité, plans pour reconstruire sans reproduire.
Ils établissent ainsi des diagnostics des bâtiments publics et des écoles, tout en documentant méthodiquement l’état des lieux, face à une réponse institutionnelle encore hésitante.
Mais leur rôle ne s’arrête pas aux murs. De cette expérience est né un livre : « Chido : Des architectes à Mayotte », présenté comme « un récit collectif où l’architecture devient acte d’humanité », rapporte la COARM.
Présenté ce mercredi 5 novembre au matin dans les locaux du CAUE à Mayotte, l’ouvrage s’inscrit dans le cadre de l’action nationale Architecture et Territoires, coordonnée chaque année entre les mois d’octobre et novembre par le Conseil National de l’Ordre des Architectes autour d’un thème commun. Cette année, il s’agit de « ménager le vivant ».
« Ménager le vivant » : reconstruire autrement

Pour Éric Hugel, président du COARM, cette initiative s’est imposée comme une évidence : « Il nous est tout de suite apparu nécessaire de parler de ce qui s’est passé à Mayotte, de cette expérience profondément humaine vécue après le passage du cyclone Chido. Il y avait une évidence à raconter l’aventure de ces architectes à travers un tel thème : ménager le vivant, parce que c’est précisément ce qu’ils ont fait sur le terrain. »
Le COARM rappelle que « l’histoire du post-Chido a démontré que les architectes sont les acteurs d’une profession profondément orientée vers l’humain, l’altruisme et l’intérêt général ». Une mobilisation spontanée, « sans aucune sollicitation », menée « à la hauteur de leurs compétences, avec la volonté sincère d’être utile ».

Ce témoignage collectif met en lumière une profession, qui se veut loin des clichés. Comme le souligne encore le président du conseil de l’ordre : « L’architecte passe souvent pour un notable nanti qui produit des œuvres hors sol sans comprendre la population, et cela ne correspond pas à la réalité. Aujourd’hui, toute la profession est tournée vers l’humain, vers l’écoute et la solidarité. »
Au-delà des abris temporaires et des plans d’urgence, l’ouvrage explore comment Mayotte pourrait se reconstruire durablement, en intégrant les contraintes financières, sociales et politiques, et en repensant la coopération régionale dans l’Océan Indien.
L’ouvrage, commandé par le COARM, se veut à la fois mémoire et manifeste. Il montre que l’architecture peut se trouver « là où on ne l’attend pas », à savoir sur le terrain, aux côtés des habitants, dans l’urgence et la solidarité.
Plus qu’un simple récit post-catastrophe, « Chido : Des architectes à Mayotte » est un appel à repenser la reconstruction comme un projet collectif. Le COARM le résume ainsi : « Cet ouvrage est bien plus qu’un livre : c’est une trace collective. Témoignages, récits de terrain, photographies, entretiens, réflexions, il tisse un portrait sensible et politique d’une profession au service d’un territoire blessé ».
Parce qu’après Chido, il ne s’agit pas seulement de rebâtir des murs, mais de reconstruire un lien, entre les habitants, les différents lieux de cette île et le vivant, pour l’avenir et ses futures générations.
Mathilde Hangard


