Suite au démantèlement du camp de Tsoundzou 2, le 22 octobre dernier, plusieurs centaines de personnes, majoritairement des demandeurs d’asile, se sont installées le long de la route nationale 2, aux abords du village-relais géré par l’association Coallia, en contrebas de la commune.

Ces exilés font partie des quelque 900 personnes restées sans solutions d’hébergement d’urgence après les enquêtes sociales menées dans le camp par les associations mandatées par la préfecture, avant sa destruction. Ce chiffre reste approximatif : certaines personnes extérieures, déjà hébergées ou non recensées, auraient pu profiter du démantèlement pour obtenir un autre logement ou améliorer leur situation, selon la préfecture. Il repose néanmoins sur l’attestation de la DEETS, qui avait annoncé disposer de 327 places pour plus de 1.200 habitants du camp.
Au total, 402 personnes ont été relogées, ce qui constitue, selon le préfet François-Xavier Bieuville, la plus grande opération de relogement menée sur le territoire depuis deux ans. Malgré cet effort, le nombre de places reste insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins.
Vers un nouveau camp ?

Ce lundi 27 octobre à Tsoundzou 2, la scène rappelle celle du 3 février 2025 où, après l’évacuation du collège de Kwalé, des centaines de personnes s’étaient retrouvées livrées à elles-mêmes, contraintes de dormir plusieurs jours dans la rue. Cette fois-ci, toutefois, les exilés ont pu récupérer quelques bâches et morceaux de matériaux restés sur le site de Tsoundzou 2. Avec ces maigres ressources, ils ont improvisé des abris plus ou moins solides : de grandes toiles sont tendues au-dessus d’eux, fixées tantôt au grillage du village-relais, tantôt au sol ou aux branches des arbres, pour se protéger un peu mieux des intempéries.

Répartis par affinités, en familles, entre amis ou selon leur pays d’origine, les exilés dorment sur des matelas ou des lits de camp posés à même le sol. Leurs abris de fortune s’étirent sur plusieurs dizaines de mètres entre la mangrove et le village-relais, dessinant déjà les contours d’un nouveau camp.
Le premier besoin des personnes est l’accès à l’eau, pour boire, se laver et nettoyer leurs vêtements. Dans le camp précédent, ils avaient pu bénéficier de robinets installés par diverses associations, dont Solidarité Internationale, dès le mois de juin mais ici, aux abords de la mangrove, ils doivent se contenter de l’eau insalubre de la rivière, déjà polluée par de nombreux déchets. Il n’y pas non plus de toilettes. « On n’a pas le choix, c’est comme ça ! », regrette, Albert, 26 ans, originaire de la ville de Tanganyika en République Démocratique du Congo (RDC). « Il y a déjà plusieurs personnes malades depuis quatre jours », ajoute-t-il.
Ce matin la Croix-Rouge est venue prendre le pouls de la situation et a apporté des soins aux personnes blessées en installant une tente quelques heures devant le portail du village-relais. Une présence essentielle pour rassurer les familles. Et si la préfecture avait indiqué mettre à l’abri les personnes vulnérables, dont principalement les femmes et les enfants, ces derniers sont toujours présents en nombre.
Sentiment d’inquiètude et d’abandon

Pour toutes ces personnes, venues principalement de la RDC, du Burundi, de Somalie, d’Éthiopie, mais aussi du Yémen ou d’Afghanistan, l’inquiétude et le sentiment d’abandon restent constants. Certaines sont à Mayotte depuis plusieurs mois, voire un an, d’autres depuis seulement quelques semaines ou quelques jours. La majorité a d’abord été accueillie par l’association Solidarité à Mamoudzou, le premier point de contact pour la demande d’asile. Depuis, elles attendent l’avancée de leur dossier, qu’elles jugent beaucoup trop lente, dans l’espoir d’obtenir un titre de séjour, de pouvoir travailler, et, pour certains, de quitter Mayotte.
« Mon ami est parti acheter du pain et sur le retour il s’est fait attaquer par des délinquants », explique Mohamed, la vingtaine, venu du Yémen, pour fuir la guerre qui sévit depuis 2014 et qui a fait plus de 377.000 morts, dont plus de 223.000 en raison de la famine et des maladies évitables, et provoqué le déplacement de plus de 4 millions de personnes à l’intérieur du pays. « On est venu à Mayotte pour vivre comme des gens normaux. On pensais qu’ici c’était la France », souffle-t-il. « On ne savait pas que Mayotte était dans cette situation, on aimerait juste pouvoir avoir des papiers pour travailler, le coût de la vie est élevé et c’est pour cela qu’on ne peut pas payer de loyers ».
Sur son téléphone, Abdullah, 21 ans, venu de la région du Panchir en Afghanistan, montre les photos de son frère. Celui-ci a également fui le pays après la prise de pouvoir des talibans en août 2021. Ayant travaillé pour les États-Unis et l’OTAN, sa famille était menacée de mort. Son frère a réussi à rejoindre les États-Unis, mais Abdullah a dû partir seul, direction Mayotte. « J’ai tout laissé derrière moi pour ne pas mourir », raconte-t-il.

« La situation des ces individus est connue et traitée progressivement », indique la préfecture. « Je mettrai à l’abri les personnes qui ont un statut, celles recensées dans les enquêtes sociales, celles qui ont une identité, une nationalité et une procédure engagée auprès de l’OFPRA pour obtenir un statut au regard de la loi. Toutes les personnes qui n’ont pas été recensées, je ne les connais pas et je ne sais pas pourquoi elles viennent spontanément me voir », avait déclaré le préfet, le 22 octobre dernier au moment du démantèlement du camp. « Quand on aura épuisé le stock (de place d’hébergement d’urgence), on aura épuisé le stock ! », avait-il insisté, soulignant un « problème durable », auquel le territoire sera confronté.
Victor Diwisch


