Ce vendredi, plusieurs associations étaient installées place de la Poste à Koungou pour informer sur la contraception à l’occasion de la Journée mondiale dédiée, parmi elles, la Protection maternelle et Infantile (PMI), La Croix-Rouge, Médecins du Monde, ou encore l’association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (Acfav). “Les collégiens de Koungou devaient venir au village, malheureusement, ils ne peuvent pas sortir suite aux affrontements qui ont eu lieu au lycée des Lumières cette semaine”, explique Mathilde Lozano, coordinatrice des sages-femmes de la PMI. Dommage, car l’événement avait notamment pour but de renseigner les plus jeunes sur le sujet. A Mayotte, les besoins de prévention sont essentiels dans la mesure où le territoire est le deuxième département français qui enregistre le plus de grossesses précoces après la Guyane. En 2022, près de 500 jeunes filles sont devenues mères avant 18 ans à Mayotte.
Des jeunes pas assez renseignés

Koulthoum, lycéenne de 17 ans, est venue au village avec sa mère, elle pense que les jeunes de sa génération ne sont pas assez renseignés sur les risques d’un rapport non protégé. “Beaucoup, des gars et des filles, ne se protègent pas car ils se disent qu’ils n’ont pas les mêmes sensations avec un préservatif, de mon côté je trouve que c’est mieux de le faire à cause des maladies et du risque de tomber enceinte”. Certaines de ses connaissances sont tombées enceintes très jeunes. “A Mayotte, des filles tombent enceintes à 11, 12 ans. Beaucoup ne pensent pas aux conséquences, elles pensent juste à leur fantasme”, estime-t-elle.
“L’avortement n’est pas hyper admis à Mayotte, surtout si on n’est pas marié.”

Sage-femme à la PMI de Koungou, Morgane Choquet-Perzo est “confrontée très régulièrement” à ce type de grossesse.“Cela s’explique aussi parce qu’on est l’une des plus grosses PMI de l’île”, précise-t-elle. Une partie de ses patientes dans cette situation considère que “c’est normal d’être enceintes avant 18 ans, elles sont mariées. Quand on décortique la situation psychosociale, on apprend qu’elles sont en couple stable, certaines continuent leur scolarité jusqu’à la terminale. Elles sont plutôt bien dans leur peau”. Mais des cas sont également plus compliqués, “des jeunes filles ont été mariées de force, des grossesses sont issues de viols.” Dans ces cas, elles sont suivies par la psychologue et la conseillère conjugale”. Selon la professionnelle, le nombre de mères avant 18 ans est important aussi parce que“l’avortement n’est pas hyper admis à Mayotte, surtout si on n’est pas mariée. Elles peuvent connaître aussi des difficultés pour se faire avorter car il faut être accompagné d’une personne majeure lorsqu’on est mineure”.
Des adolescentes rejetées par leur entourage

En même temps que le village de la contraception, une conférence sur les grossesses précoces était animée au collège de Kwalé à destination des classes de troisième. Charline Furst, psychologue à la Maison des adolescents, y participait. Dans son travail, elle mène les entretiens psychosociaux obligatoires avant de recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Ensuite, un travailleur social joue le rôle d’adulte qui va accompagner la jeune lors de l’avortement à la place de leur famille ou d’une de leurs proches. Les adolescentes qu’elle suit sont très isolées et globalement rejetées par leur famille.
“Certaines vont préférer garder l’enfant car avorter est interdit par la religion. Pour autant d’autres, si elles veulent le garder, seront chassées par leur famille car selon eux, le village saura que leur fille a été déviergée et qu’elle n’est plus honorable et donc c’est la honte sociale. Aussi beaucoup de familles acceptent l’enfant, la mère n’est pas mise dehors, mais en revanche, elle ne bénéficie d’aucun soutien, ni moral, ni financier. Certains parents ne parlent plus à leur enfant”.
Dans ce contexte, ces adolescentes peuvent se retrouver aussi démunies pour apprendre à devenir parents, “sans forcément d’exemple, sans avoir de personne à qui poser des questions pour avoir du soutien”, explique la psychologue. Deux lieux de vie et d’accueil existent sur le territoire pour héberger ces mères marginalisées mais ils ne disposent que de 10 places chacun, une capacité bien inférieure aux besoins.
Lisa Morisseau