La colère gronde de toute part au lycée de Sada. Ce lundi matin, des parents d’élèves ont bloqué l’accès au lycée, obligeant les bus scolaires à faire demi-tour. Sur les 2.800 élèves de l’établissement, seule une trentaine a pu y accéder. Vendredi déjà, des parents se sont mobilisés devant le lycée. La rectrice de Mayotte, Valérie Debuchy s’est rendue sur place pour rencontrer la proviseure mais cela n’a pas permis d’apaiser les tensions. Ce dimanche, des lycéens ont partagé sur les réseaux sociaux “un appel à la grève lundi 15 septembre”. Finalement, la grève des lycéens n’a pas eu lieu, ce sont les parents qui ont pris le relais. “Quand on a découvert cet appel à la grève, on a eu peur qu’il y ait des débordements de jeunes devant le lycée. A la place, avec les parents, nous avons décidé de nous mobiliser à nouveau ”, explique Monsieur Chanfi, parent d’élève, délégué FCPE du lycée de Sada.
“C’est la pagaille ! Des élèves ont été changés de classe deux ou trois fois”

Les critiques des parents d’élèves, lycéens et professeurs sont dirigés vers la direction et la mauvaise organisation des cours. Trois semaines après la rentrée scolaire, “ à ce jour, aucun emploi du temps n’est au point”, s’exaspère Monsieur Chanfi. Les parents d’élèves sont mécontents du travail de la proviseure. “C’est la 3e année qu’elle est en poste à Sada, depuis son arrivée, les élèves sont anxieux. Il n’y a pas de dialogue avec les parents d’élèves, nous ne sommes pas les bienvenus dans l’établissement.” Mais cette rentrée scolaire est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. “C’est la pagaille ! Des élèves ont été changés de classe deux ou trois fois, il y a des emplois du temps sans pause méridienne, cela fait trois semaines que nos gamins n’ont pas sincèrement cours”, s’agace-t-il.
“Des élèves n’ont pas accès à toutes les matières”
Une mauvaise organisation également dénoncée par les professeurs. Ce lundi matin, une partie de l’équipe pédagogique s’est jointe au mouvement des parents d’élèves. “Les emplois du temps sont le principal problème. A la rentrée, une professeure d’arabe avait un groupe de 52 élèves. Sans solution apportée par la proviseure, ils se sont retrouvés à faire cours dans le réfectoire”, s’indigne Monsieur Alain* qui a souhaité garder l’anonymat. “On fait venir les lycéens pour deux heures de cours mais en même temps, ils doivent venir six jours sur sept alors que parfois ils ont 4 à 5 heures de trou dans la journée”, regrette une autre professeure. Dans certaines classes, des groupes n’ont pas de cours d’anglais ou d’espagnol depuis la rentrée. “Cela signifie que des élèves n’ont pas accès à toutes les matières”, s’alarme-t-elle.
Face à la désorganisation, la pédagogie est mise à mal

Conséquence de ces problèmes d’emploi du temps, la pédagogie est mise à mal. “On ne peut pas noter les élèves, car certains ont été changés de classe”, soupire la professeure. “Ces conditions ne sont pas idéales pour que nos élèves apprennent”, abonde Monsieur Alain. Le délégué FCPE du lycée de Sada considère que ces dysfonctionnements n’auraient pas lieu dans l’Hexagone. “ Le droit à l’éducation n’est pas respecté. Il faut respecter les élèves et les enseignants. Quand on voit la situation, je refuse d’entendre que tout va bien, que la rentrée s’est bien passée comme le disait la rectrice”, estime-t-il. Avec les parents d’élèves, il demande le départ de la proviseure, “quand ça ne va pas dans une équipe de football, on limoge l’entraîneur. Pourquoi on ne fait pas pareil ?”.
Selon lui, certains chefs d’établissements nommés à Mayotte sont davantage intéressés par leur carrière que par le bien-être des élèves. “Au rectorat, il faut cesser la politique de la terre brûlée éducative qui règne à Mayotte. Ce sont nos enfants, les victimes de la situation et sans eux il n’y aurait pas de proviseure. Il faut que les chefs d’établissements arrêtent de voir un poste à Mayotte comme un trampoline de carrière”.
Le rectorat a promis de donner un nouvel emploi du temps aux élèves ce vendredi 19 septembre. Alors que le poste de principal adjoint était vacant depuis plusieurs semaines, un nouveau est arrivé ce lundi. “Tout ce qu’on veut, c’est un emploi du temps cohérent pour que nos élèves apprennent dans de bonnes conditions”, résume Monsieur Alain.
*Le nom a été modifié.
Lisa Morisseau