Derrière les barreaux de son box, Zuri glapit, les yeux rivés sur Sandrine Klein Allouard, présidente de l’association l’Arche d’Hélios. À la vue de la laisse qu’elle tient dans la main, la chienne de trois ans remue la queue, impatiente de se dégourdir les pattes.

Récupérée et sauvée dans la rue par la police en juillet dernier, Zuri avait la gueule arrachée à la suite de sévices. Sa reconstruction, tant physique que mentale, se poursuit désormais dans un box mis à disposition par les services de la fourrière à l’association l’Arche d’Hélios. La chienne, un berger créole, souffrait également d’un cancer. Le sarcome lui a été retiré, mais la plaie reste fragile et menace de s’infecter.
La vie dans le box n’est pas idéale, la chaleur y est étouffante et l’accès à l’eau dépend du bon vouloir des gardiens. Au total, l’association s’occupe de trois chiens sur le site, qui en héberge pourtant plus d’une vingtaine. Certains animaux y ont été déposés en pension par leurs propriétaires partis en vacances, d’autres appartiennent aux forces de l’ordre ou aux agences de sécurité.
« Les bénévoles de l’association essayent de venir le plus souvent possible pour sortir les chiens, les soigner et leur donner quelques friandises, pour éviter qu’ils restent toute la journée enfermés », explique Sandrine Klein Allouard, qui observe une augmentation de la violence envers les animaux ces derniers mois.

Créée en 2022, l’association l’Arche d’Hélios, reconnue d’intérêt général, se consacre au sauvetage, à la stérilisation, à la vaccination, à l’hébergement en familles d’accueil et à l’adoption de chiens et de chats errants, blessés ou abandonnés. Un travail exigeant et indispensable, à la fois pour lutter contre la maltraitance et la surpopulation animale, et pour améliorer la sécurité de la population.
En décembre dernier, le cyclone Chido est venu compliquer la tâche. Le matériel a été détruit, certains bénévoles ont quitté le territoire et la catastrophe a entraîné de nombreux abandons et blessures parmi les animaux, majoritairement les chiens. Ces derniers ont été également volés et dressés au combat par des délinquants désireux de se recréer un vivier, signe d’autorité.
Le besoin urgent d’un terrain pour structurer l’association

« Il est temps que les élus, les maires se saisissent du sujet de la gestion des animaux errants », alerte-t-elle, en retirant la laisse de Zuri, la libérant dans un petit parc jonché de bananiers. « Plusieurs de nos bénévoles se retrouvent face à des personnes qui maltraitent leurs chiens et ils ne peuvent rien faire. Certains risquent même d’être blessés. La police n’intervient pas tout le temps, elle ne sait pas comment faire et indique ne pas avoir de places pour les prendre en charge ».
L’absence de lieu de refuge, voilà l’enjeu majeur pour Sandrine Klein Allouard. Cela fait plusieurs années qu’elle demande la mise en place d’une parcelle de terrain, pour installer son association. « Sans local on arrive au bout de nos possibilités et la situation devient intenable », explique-t-elle. Une fois sauvés, il faut pouvoir prendre en charge et suivre les chiens dans de bonnes conditions avant leur adoption, ce que ne permet pas, selon elle, le système de fourrière actuel.

« On est prêt à assumer, comme nous le faisons déjà dans des conditions difficiles, notre rôle d’intérêt général, mais on a besoin de subventions et de foncier pour pouvoir se structurer. Aujourd’hui je pourrais embaucher quelqu’un mais sans lieu fixe, cela n’est pas possible. J’ai également reçu 6 palettes de dons mais je n’ai pas d’endroit pour les stocker », ajoute-t-elle. « Il faut arrêter de fatiguer les partenaires, c’est contre-productif ».
D’autant plus que l’association fait face à une explosion des demandes, avec un nombre de S.O.S – message d’alerte -, passant de moins de 20 en 2022 à près de 300 par an depuis 2023. En 2025, pour les chats, 94 S.O.S ont été recensés, avec 79 prises en charge, 77 stérilisations, 57 adoptions et 5 euthanasies. Du côté des chiens, sur 104 S.O.S, 83 ont été pris en charge, 97 stérilisations ont été réalisées, 86 adoptions ont eu lieu et 2 euthanasies ont été nécessaires, indiquent les chiffres transmis par l’association.
Défendre le choix de la vie plutôt que l’euthanasie

Le jeudi 4 août, plusieurs associations de protection animale se sont réunies avec la préfecture et les services de police de différentes communes pour faire le point sur la situation des animaux errants. L’objectif était aussi d’évoquer le « Plan chiens« , lancé en 2024 par la préfecture pour capturer et réguler les chiens « errants et dangereux », avec des subventions à la clé pour les associations porteuses de projets, pouvant aller jusqu’à 100.000 euros. Une énième occasion pour Sandrine Klein Allouard de sensibiliser les pouvoirs publics, et de défendre son bilan.
« Je tiens d’abord à saluer les efforts de la Cadema, la CCSud et la CCPT, qui ont investi pour la stérilisation de masse, ça va dans la bonne voie et les partenariats avancent », a-t-elle souligné, après la réunion. « Mais on a beaucoup parlé de captures et d’euthanasies des chiens, sans envisager les autres solutions, notamment l’adoption. Il faut éviter de rentrer dans le choix de la radicalité, car les chiens mahorais sont très appréciés, il n’y a pas de cas de violences post-adoption, je n’ai que des retours favorables ». Concernant le local, elle souhaite désormais se rapprocher des mairies, notamment la Ville de Mamoudzou, toujours dans l’optique de convaincre de sa nécessité.
« Je ne demande pas grand-chose : un petit terrain et cinq box pour structurer mon association », poursuit Sandrine Kleini Allouard. « Ensuite elle pourra s’autofinancer, développer des ateliers de sensibilisation, susciter des vocations, et pourquoi pas proposer des programmes de réinsertion avec les chiens pour certaines personnes incarcérées à Majicavo. C’est un projet porteur d’avenir, qui rend service à la population ».
Victor Diwisch