Le 22 mai dernier, à la suite de l’adoption par le Sénat du projet de loi pour la refondation de Mayotte, le sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili s’était montré réservé quant à la version du texte validée. « Le compte n’y est pas », avait-il déclaré, déplorant que ses trois propositions prioritaires — la fin des cartes de séjour territorialisées, la suppression de l’article 19 relatif aux expropriations, et l’instauration d’une circonscription électorale unique pour les élections départementales — n’aient pas été retenues.
Des « avancées réelles obtenues »

Mais après un premier passage du texte à l’Assemblée nationale, puis devant la commission mixte paritaire, avant d’être adopté par les députés mercredi 9 juillet, le sénateur reconnaît que « des avancées réelles ont été obtenues », malgré des débats parlementaires qu’il juge « tendus avec le Gouvernement ».
« Nous avons obtenu la suppression de l’article 19 sur les expropriations, la fin des cartes de séjour territorialisées dans un délai que j’estime trop long en 2030, mais le processus est engagé. Sur la convergence sociale une avancée limitée avec l’augmentation du SMIC dès 2026. Le bilan, pour reprendre une expression célèbre, est globalement positif, notamment sur mes revendications prioritaires », constate Saïd Omar Oili.
« Je voudrais aussi noter que sur mes 30 amendements déposés sur le rapport annexé qui est le document de programmation, 20 ont été retenus », continue le sénateur, « toutefois, je fais des réserves sur les dispositions qui limitent les droits fondamentaux des personnes et qui sont des atteintes à nos principes républicains sur les libertés publiques et les droits de l’homme. Et je comprends les raisons qui amènent les collègues de mon groupe à s’abstenir ».
Le doute sur les dispositions de lutte contre « l’immigration clandestine »

Dans un rapport présenté le 19 juin dernier, le sénateur de Mayotte avait dressé un constat sévère sur l’inefficacité des politiques migratoires, appelant à une refonte urgente et globale de l’approche régionale et sociale. Après l’adoption du projet de loi, Saïd Omar Oili continue de douter de l’efficacité des dispositions « censées lutter contre l’immigration clandestine”.
« J’ai pu mesurer leur échec dans un bilan que j’ai publié sur les politiques de lutte contre l’immigration clandestine depuis 25 ans à Mayotte. Vous avez été destinataire de ce bilan et je vous invite à le lire très attentivement, car il s’appuie sur des données publiques non contestables”, remarque le sénateur, « faire des lois c’est très bien, les évaluer c’est encore mieux. Il est indispensable de faire cette évaluation à Mayotte : un territoire atypique de la République et dont les réalités sociales, culturelles, économiques et religieuses spécifiques sont très souvent incomprises dans les administrations centrales« .
« Mayotte n’est pas lisible pour les fonctionnaires d’Etat et de bonne foi, ils reproduisent des politiques publiques applicables dans l’Hexagone. Il nous appartient, nous les parlementaires de ces territoires de faire remonter nos spécificités et d’ajuster les lois à ces réalités », a appuyé Saïd Omar Oili.
« La dernière chance pour redonner confiance envers l’action publique »

Il a conclu son allocution en alertant sur la mise en œuvre de la programmation du projet de loi. « Nous serons très mobilisés sur le suivi des mesures et des moyens déployés. Ce suivi doit se faire en toute transparence et l’administration se doit d’être exemplaire dans la transmission des rapports et des données. Je déplore que dans la préparation de cette loi, il faut écrire trois courriers pour avoir des données, il faut réclamer plusieurs fois la transmission de rapports ».
« Monsieur le Ministre d’Etat, vous savez que dans la population mahoraise la défiance envers les autorités publiques est très importante. Alors, ces pratiques de la non transmission des documents ne fait qu’alimenter cette défiance. Le suivi de l’application de cette loi doit être exemplaire », a lancé Saïd Omar Oili.
« Cette loi est sans doute la dernière chance pour redonner confiance à la population mahoraise envers l’action publique, après cette catastrophe Chido. Monsieur le Ministre d’Etat et votre gouvernement soyez à la hauteur des enjeux de ce territoire. Faites tout pour ne pas décevoir la population mahoraise très meurtrie après ce cyclone », a insisté le sénateur. « Quant à nous, nous resterons très vigilants, voire très exigeants pour l’application de cette loi ».
Victor Diwisch