Lors de sa mission de surveillance dimanche 6 juillet, un agent de la police aux frontières repère une baleine au-delà de la barrière de corail, au nord de Mayotte. Il décide alors de prévenir les prestataires d’excursions maritimes en leur indiquant le point GPS de l’observation pour qu’ils puissent s’approcher du cétacé et en faire profiter leurs clients.
En ce début juillet, toute mention de ces mammifères fait bondir professionnels et curieux qui attendent avec impatience le début de la saison des baleines et leurs spectaculaires déambulations dans le lagon. Aux commandes de son bateau, Maxime Demoulin, qui travaille pour Mayotte Découverte, se dirige aussitôt vers le site afin d’observer la baleine.
Seulement deux observations depuis 1998 à La Réunion

Très vite, il se rend compte que ce n’est pas une espèce qu’il a l’habitude de voir dans le lagon. La petite taille du cétacé, entre quatre et cinq mètres, et ses nageoires blanches, lui laisse penser qu’il s’agit d’un Petit rorqual d’Antarctique (Balaenoptera bonaerensis), une espèce rare qui a été observée une dizaine de fois à Mayotte. Il prend plusieurs photos pour les transmettre à l’association Ceta’Maore, qui œuvre pour la protection des mammifères de Mayotte, mais aussi à Globice, son équivalente basée à La Réunion. Pendant plus d’une heure et demi, lui et les personnes à bord du bateau suivent la baleine, qui reste à côté de l’embarcation.
A La Réunion les photos sont expertisées par les membres de Globice et la nouvelle tombe, il s’agit d’une baleine de Minke naine (Balaenoptera acutorostrata subsp), une espèce encore jamais observée à Mayotte. « Cette observation est géniale, nous sommes très enthousiastes ! », confie David Lorieux, chargé de mission « actions pédagogiques » de l’association Ceta’Maore, « c’est historique, c’est une espèce très peu connue. Il y a plusieurs individus recensés dans l’hémisphère nord, dans l’océan Atlantique et Pacifique, mais ici dans les eaux tropicales elle est très rare, seulement deux d’entre elles ont été observées à La Réunion depuis 1998″.
« Sur les photos on peut voir qu’elle est fine, qu’elle n’a pas encore atteint sa taille adulte, on reconnaît l’espèce grâce à la tache blanche bien visible sur les nageoires pectorales », poursuit David Lorieux. C’est cette tache blanche qui la différencie du Petit rorqual de l’Antarctique, observé plus fréquemment dans la région.
Une rencontre qui porte à 26 le nombre d’espèces de mammifères marins recensées à Mayotte

Un petit détail qui compte puisque désormais ce sont 26 mammifères marins qui sont recensés à Mayotte : 20 espèces de dauphins, le dugong, et donc 5 espèces de baleines. « L’océan Indien abrite 33 espèces de mammifères marins. Une partie vit probablement dans nos eaux, mais tant qu’aucune observation ne les confirme, il reste impossible de les comptabiliser, même si on se doute de leur présence », remarque David Lorieux.
La dernière fois qu’une nouvelle espèce a été recensée à Mayotte c’était en 2023 grâce à des sons captés par des hydrophones déployés autour du volcan sous-marin Fani Maore, qui ont permis d’affirmer la présence de la baleine d’Omura au large de l’archipel.
Pour l’association Ceta’Maore l’heure est désormais à la mise à jour des plaquettes et des fiches techniques utilisées pour sensibiliser le grand public, afin d’y ajouter le 26ème mammifère marin de Mayotte, et pourquoi pas créer une peluche à son effigie.
Cette rencontre avec la baleine de Minke naine, inédite à Mayotte, rappelle combien les eaux mahoraises réservent encore de nombreuses surprises. Elle souligne aussi l’importance cruciale de la recherche pour mieux connaître ces espèces encore peu documentées, afin de mieux les protéger.
Victor Diwisch