À Koungou, un infirmier libéral, père de six enfants, eus avec plusieurs compagnes, et de nationalité française, est accusé d’avoir détourné plus de 90.000 euros au détriment de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte et de la Direction régionale des finances publiques. Jugé en comparution immédiate vendredi dernier, il nie toute intention frauduleuse. Les juges, eux, soulignent les dangers d’un tel système pour l’équilibre des finances publiques dans un territoire déjà sous tension.
Des actes fictifs pour obtenir plus de 29.000 euros de remboursements
Né à Mohéli, aux Comores, en 1984, installé à Mayotte depuis 35 ans, l’homme comparaît détenu. Il exerce comme infirmier libéral à Koungou. Selon les premiers éléments de l’enquête, il aurait, entre janvier et décembre 2024, utilisé des manœuvres frauduleuses pour facturer à la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CCSM) des actes médicaux jamais réalisés. Montant estimé du préjudice : 29.239 euros.

Mais ce n’est pas tout. L’enquête fiscale menée en parallèle a mis au jour l’absence de déclaration de revenus entre 2017 et 2019, entraînant une dissimulation de recettes estimée à plus de 61.000 euros auprès de la Direction régionale des finances publiques (DRFIP). Le troisième volet du dossier concerne des opérations de blanchiment, qualifiées de « consécutives à la fraude fiscale », qui se seraient poursuivies jusqu’en 2023.
Face à la présidente du tribunal, l’homme affirme lire, écrire, être parfaitement inséré, et conteste une partie des faits, évoquant des erreurs de gestion. Le tribunal, lui, se focalise sur les intentions et les conséquences.
« Monsieur n’a pas pris conscience des infractions commises »
Pour le parquet, la culpabilité ne fait pas de doute. Le comportement du prévenu, depuis sa garde à vue, est jugé peu coopératif. « Monsieur doit avoir pris conscience des actes commis et du caractère frauduleux de ses agissements », affirme la procureure. « Ce n’est manifestement pas le cas. Il adopte un comportement d’évitement, en affirmant que ce n’est pas de sa faute ».
Aucun signe de régularisation n’a été constaté depuis la mise en demeure des services fiscaux. Et les dépenses mensuelles du prévenu, évaluées à 8.500 euros, interrogent sur ses véritables ressources. « Il dit être la seule personne à subvenir aux besoins de son épouse et de ses six enfants. Cela révèle un risque élevé de récidive », conclut le ministère public, qui requiert le maintien en détention provisoire, invoquant la nécessité de prévenir toute réitération des infractions.
« Les infractions financières sont un danger pour la société »
L’avocat du prévenu plaide une vie familiale stable, l’enracinement de son client sur l’île, et le caractère non-violent des faits : « Il n’est pas dangereux pour la société. Il est ici depuis 35 ans. Sa famille est présente en nombre aujourd’hui. Et il a cessé d’exercer pendant la durée de la procédure ».

Mais les juges ne partagent pas cette vision. Le risque de fuite est évoqué, du fait notamment de la double nationalité franco-comorienne du prévenu et de ses patrimoines détenus à l’étranger. « Même si vous remettez votre passeport, les moyens de contrôle de vos activités seraient inexistants », souligne la présidente. Et d’ajouter : « Cela ne préfigure en rien votre condamnation, Monsieur. Mais il est important de faire savoir à la société que les infractions financières, au même titre que les infractions physiques, sont un danger pour la société ».
Le tribunal insiste sur la gravité de la fraude envers des institutions publiques déjà fragilisées : « Lorsqu’elles touchent à l’atteinte des biens publics, les conséquences sont très concrètes : s’il n’y a plus d’argent pour la Caisse de sécurité sociale, il n’y a plus de remboursements pour les soins. Les gens ne peuvent plus être soignés et meurent. La justice est garante de cela ».
Le délibéré a été renvoyé au 11 août 2025. En attendant, l’infirmier est maintenu en détention provisoire.
Mathilde Hangard