Résiliation de la DSP du port : l’appel d’Ida Nel ne suspend pas la décision, selon l’Union maritime

Douze ans que les membres de l’Union Maritime de Mayotte dénoncent les abus dans la gestion du port. Ils reviennent dans un communiqué sur les points majeurs, en espérant une réactivité des élus départementaux dans le sens de l’intérêt général.

C’est une réplique du séisme provoqué par la décision du tribunal administratif de mettre fin le 1er septembre 2026 à la Délégation de Service Public (DSP) exercée au port de Longoni depuis 2013 par Ida Nel, présidente de Mayotte Channel Gateway (MCG) : l’Union Maritime de Mayotte (UMM) à l’origine de la demande, adresse un communiqué aux médias.

Il s’agit pour l’association présidée par Norbert Martinez d’acter les points du jugement en rappelant les nombreux écarts aux droits qui y sont mentionnés, mais aussi de s’adresser au Conseil départemental.

En effet, comme le rappelle le communiqué, les abus dans la gestion du port ne datent pas d’hier, mais ont rarement fait l’objet de rappels à l’ordre du délégant. Comme un pacte flou entre la femme d’affaires et certains élus.

Si la résiliation de la DSP s’apparente à un séisme, c’est parce qu’en France, la mesure est « exceptionnelle » comme le rappelle l’UMM, et qu’il faut mettre la dose pour aboutir à cette décision judiciaire ! La gravité des fautes reprochées, que nous avions déjà dénoncées, obstruction à l’Autorité de la concurrence, conflit d’intérêt avec une société de manutention dirigée alors par un membre de la famille de la gestionnaire du port, elle avait d’ailleurs été placée en garde à vue sur une accusation de fraude fiscale, mais sans jamais de sanctions de la part du Conseil départemental qui a laissé les tarifs s’envoler sous la plume d’on ne sait encore qui, aboutissant à un faux, et à son usage qui pourrait amener son auteur en prison. L’UMM souligne que le jugement relève que « le doyen des juges d’instruction est actuellement saisi d’une plainte avec constitution de partie civile ».

La position ambiguë des élus

Norbert Martinez, à gauche, avec une partie des membres de l’Union Maritime de Mayotte

La justice a confirmé les dénonciations de l’UMM, en condamnant MCG à rembourser la surfacturation à deux sociétés plaignantes, MIM et TILT, pour un montant total de 1,3 million d’euros. Nous avions révélé que d’autres sociétés pourraient prétendre à ces remboursements, mais la duplicité de leurs dirigeants expliquée par leur proximité avec la gestionnaire du port, et/ou la crainte de se brouiller avec elle, les éloignent actuellement de toute démarche judiciaire. Pourtant, la répercussion à la baisse des tarifs pourrait redonner de l’oxygène à la fixation des prix à la consommation.

Face à cet exposé des dérives mentionnées dans le jugement, on voit mal comment les élus départementaux pourraient ne pas souscrire. On sait que le président Ben Issa était favorable à la résiliation, mais avec une date butoir à quelques semaines de l’échéance. Si on peut comprendre la démarche puisqu’une résiliation permet de récupérer la gestion sans verser de compensation à la délégataire sortante, on ne peut imaginer laisser Ida Nel poursuivre les faits reprochés éternellement. A moins de se tirer une balle dans le pied, alors que le Département est en manque de trésorerie. Soit la gestionnaire poursuit sur les tarifs falsifiés de 2016, et il y a usage de faux voire délit de concussion, qui aggraverait la peine, soit elle revient aux tarifs de 2012 en reconnaissant que ce sont les seuls valables comme le dit depuis toujours l’UMM.

14 mois pour s’organiser

Des tarifs d’outillage portuaire juridiquement non fondés et « plus élevés que les tarifs issus du ‘barème des tarifs d’outillages 2012′ » de la CCI

Selon les acteurs portuaires de cette association, le protocole transactionnel validé par le Conseil départemental le 12 juin 2024 avec l’action d’un Ali Omar (3ème VP) lui-même en difficulté« porte seulement sur le paiement de la part fixe de la redevance domaniale reversé au délégant et non sur les manquements précédemment constatés ».

Ils rappellent que le jugement fait état de l’exécution d’une DSP « contraire à l’intérêt général », et ne peut donc être poursuivie au-delà de la date évoquée par le tribunal administratif (TA), le 1er septembre 2026, dans 14 mois. Rajoutons que toute mention contraire du Département pourrait paraitre suspect, étant donné qu’aucune répercussion financière ne sera à supporter. Et que le jugement mentionne que la transformation éventuelle en un Grand port maritime de la région par le Gouvernement peut prendre le temps qu’il faudra, avec possibilité pour le Conseil départemental de signer une nouvelle DSP d’ici l’échéance d’octobre 2028. Cela permet aux élus de réfléchir à la proposition de l’Etat.

A l’issue du jugement, Ida Nel a fait appel, mais le jugement du TA est « exécutoire » selon l’UMM, la procédure d’appel n’a donc pas d’effet suspensif. Les dérogations à cette règle sont peu fréquentes selon nos informations, surtout dans le cas d’une telle accumulation de manquements.

La balle est donc désormais dans les mains des conseillers départementaux, la justice vient de leur servir les arguments sur un plateau.

Anne Perzo-Lafond

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