Le ministre d’État, ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a été auditionné, mardi 10 juin en fin d’après-midi par les commissions des Lois et des Affaires économiques à l’occasion de la présentation à l’Assemblée nationale des projets de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, ce mercredi. C’est-à-dire le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Département-Région de Mayotte. Le projet a été adopté en première lecture au Sénat le 21 mai dernier, et doit désormais poursuivre la navette devant les parlementaires.

Le but pour ces deux commissions est de mieux connaître les enjeux de ces projets de loi et contrôler l’action du Gouvernement afin de donner leurs avis sur les projets. Les commissions ont reçu la délégation au fond sur les articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24, elles ont donc la responsabilité de l’analyse de ces textes. L’article 19 relatif à « la prise de possession anticipée des terrains pour accélérer la réalisation des infrastructures essentielles », ou, autrement dit, relatif à l’expropriation, est par ailleurs très attendue. Pour Manuel Valls il s’agit de défendre son projet de loi, mais il a aussi dressé un bilan de la situation à Mayotte ces derniers mois.
« Une stabilisation, voire une amélioration de la situation »
« Avec la présentation de ces deux projets de loi, nous entamons aujourd’hui la troisième phase de réponse à Chido, celle de la refondation », a déclaré Manuel Valls après avoir fait un bilan sur les différentes actions menées à Mayotte depuis le passage du cyclone, comme le rétablissement des capacités en eau, en électricité et en télécommunications, ou encore l’avancée sur la résorption des déchets et la gestion des rentrées scolaires. « Il est possible d’affirmer que l’impression générale renvoyée par le territoire est celle d’une stabilisation, voire, sur certains plans, d’une amélioration de la situation », a-t-il souligné, près de 6 mois après Chido, notant tout de même que « tout n’est pas parfait, loin de là, même dans les domaines évoqués ».

Le ministre des Outre-mer a souhaité s’attarder davantage sur la question de l’eau. « Notre capacité de production habituelle a été récupérée, à hauteur de 38.000 m3 par jour. Nous ne pouvons nous en satisfaire puisqu’il s’agit de notre capacité pré-Chido, avec donc la persistance d’un écart entre l’offre et la demande. Nous commençons à voir plus loin ». Manuel Valls a relevé la nécessité de définir un mode opératoire pour résorber les fuites dans les foyers, il a noté le lancement des travaux de la station d’épuration de Mamoudzou sud, et l’arrêté d’autorisation des travaux pour l’usine de dessalement d’Ironi Bé, il envisage aussi de mettre en place des solutions nouvelles comme les « fontaines atmosphériques ».
« Je l’ai dit dès le départ : il est hors de question de se contenter d’un travail de reconstruction qui ferait revenir, au mieux, à la situation très insatisfaisante de l’avant Chido », insiste-t-il, en faisant notamment référence au plan « Mayotte debout » annoncé le 30 décembre dernier, qui se veut être un projet de loi plus structurel, pour « redéfinir l’avenir de l’archipel”, « le Gouvernement tient parole ».

Avant de s’étendre sur les différents articles de loi, Manuel Valls a évoqué la « deuxième phase de réponse à la crise, la reconstruction ». Il a rappelé la mise en place du bataillon reconstruction qui a opéré de nombreux chantiers à travers l’île, et surtout l’engagement financier apporté par l’Etat. 500 millions d’euros de dépenses d’urgence engagées en décembre et janvier, fonds d’amorçage de 100 millions d’euros pour les collectivités territoriales, 15 millions d’euros de fonds de secours outre-mer à destination de la filière agricole et encore 22,8 millions d’euros d’aides pour les entreprises, a listé le ministre d’État, en indiquant également le traitement des demandes d’indemnisation des activités partielles, des prêts à taux zéro. « La France a reçu une avance de 23,7 millions d’euros au titre du fonds de solidarité de l’Union européenne », a-t-il ajouté, une aide précieuse, attendue notamment par les entreprises de gestion des déchets.
Aéroport, volet migratoire, convergence sociale
Le ministre a d’entrée de jeu évoqué la construction de l’aéroport en Grande-Terre et les articles 19 bis et 19 ter, « qui ont pour vocation d’accélérer et de commencer les travaux deux ans plus tôt qu’une procédure classique ». Des articles controversés notamment car ils facilitent l’expropriation des agriculteurs du nord. « Sans l’adoption de ces dispositifs adaptés à l’urgence de l’aéroport, les travaux ne pourront pas débuter avant fin 2028 et tous les aléas entraînés par l’état de la piste actuelle seront aussi prolongés. Ce sont les Mahorais qui subiront de plein fouet des débats parisiens au mieux, politiciens au pire », a-t-il averti, mettant en garde les parlementaires contre une suppression sèche de ces articles. « On ne peut pas à la fois réclamer plus d’investissements et d’infrastructures à Mayotte, crier à l’injustice et au retard et ne pas aider l’Etat à accélérer dans le cadre d’un respect total des libertés fondamentales et du droit de la propriété ».

Manuel Valls a ensuite parlé du « volet migratoire » qui concerne les articles 2 à 9. Durcissement des conditions d’accès au séjour pour l’immigration familiale, amélioration des dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, aide au retour volontaire, ou bien encore retrait des titres des parents lorsque leurs enfants constituent une menace pour l’ordre public, le ministre a rappelé aux commissions les différentes mesures souhaitées. L’enjeu est de savoir si elles sont conformes à la Constitution mais aussi aux engagements internationaux, comme la Convention Européenne des Droits de l’Homme. « Les articles 2, 7 et 8 ont été considérés comme conformes à la Constitution, (…) le Conseil constitutionnel a déclaré conforme la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte, qui exigent que les deux parents de l’enfant résident en France depuis au moins 1 an de manière régulière », s’est défendu Manuel Valls, qui a dit ne pas accepter les procès d’intention.

Le ministre a rappelé l’importance de l’article 15 « qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour accélérer la convergence sociale en vue d’une effectivité au plus tard en 2031. Il s’agit d’une mesure légitimement attendue par les Mahorais depuis des années et qui permettra enfin d’avancer vers l’égalité réelle », précisant avoir missionné le préfet et le Général Facon pour qu’ils avancent sur le calendrier.
L’audience s’est conclue avec un mot du ministre sur la révision du mode de scrutin des conseillers à l’assemblée de Mayotte à la représentation proportionnelle, dans le cadre d’une circonscription électorale unique. « Compte tenu du risque constitutionnel que représente le passage de 5 à 13 sections électorales, je soutiendrai les amendements visant à revenir à l’écriture initiale ».
« La présentation de ce projet de loi si longtemps attendu, constitue une étape déterminante pour engager la reconstruction de Mayotte. Nous le devons aux Mahorais qui ont, tant de fois, rappelé leur attachement à la France ».
Victor Diwisch