C’est le premier rapport thématique que la CRC publie sur Mayotte dans une enquête allant de 2019 à 2024 et portant sur un échantillon de 13 communes de l’île, un syndicat mixte et deux caisses des écoles, représentant ainsi près de 85% des élèves. « Cette enquête est une photographie, un échantillonnage avant le passage de Chido », a précisé Nicolas Péhau, Président des chambres régionales des comptes La Réunion – Mayotte, à l’occasion d’une conférence de presse pour présenter ce rapport. Ainsi, d’après la CRC, les effectifs scolaires à Mayotte ont augmenté de 22 % entre 2019 et 2024, « à rebours de la tendance observée dans l’Hexagone ».
La plupart des communes sont dans l’incapacité de satisfaire correctement la scolarisation des élèves

Malgré une mobilisation financière sans précédent de l’État (207 M€ depuis 2016), les communes peinent à engager les travaux, alors qu’elles sont chargées de la rénovation, du bâti ou encore de l’entretien. « Les communes mahoraises consacrent 38% de moyen de fonctionnement en moins (alimentation, entretien des bâtiments, fluides, télécommunication, fournitures scolaires et entretien) que leurs homologues hexagonales, alors même que les besoins y sont incomparablement plus importants », indique le rapport.
La chambre estime également qu’il y a un manque de près de 1.200 salles de classe conduisant encore et toujours à la solution alternative qu’est le système de rotation… « 57 % des élèves sont accueillis dans des établissements ou une même salle sert successivement à deux groupes (matin et après-midi) », ce qui engendre de la désorganisation. Certaines communes devront doubler leur capacité d’accueil en dix ans. De plus, il y a aussi les classes itinérantes, en petites sections notamment, qui concernent 6 des 13 communes qui ont été inspectées. « Cette autre solution alternative pour palier le manque de classes entraine une réduction des horaires et heures de cours », fait remarquer Nicolas Péhau. Enfin, Mayotte étant entièrement en ZEP (Zone d’Education Prioritaire) et du fait du manque de salles, le dédoublement est mis en place, entrainant de facto une hausse du coût de l’enseignement.
Le problème du foncier et de la construction

D’après le Président des chambres régionales des comptes La Réunion – Mayotte, la construction d’une école maternelle à Mayotte correspond, en superficie, à un collège parisien. Quand on connait la difficulté d’avoir du foncier dans l’île on ne peut que constater que le problème est de taille. « Les obstacles sont multiples : foncier rare, déficit d’ingénierie, faibles capacités de gestion et risques naturels majeurs (96 % des écoles sont exposées à un risque naturel en plus du risque sismique et dans deux tiers des cas ce risque est de niveau moyen à fort) », note le rapport. Seulement 0,9 % du foncier à Mayotte appartiendrait aux communes.
Pour construire un établissement cela nécessite donc de négocier avec plusieurs acteurs : État, propriétaires, Epfam, Département. Le problème se pose alors de savoir comment répondre aux besoins démographiques, et ce d’autant plus que la CRC explique qu’il y a un manque cruel d’ingénierie dans les collectivités locales. « Avant Chido nous avons estimé à 1.200 classes qu’il faudrait construire, mais le passage du cyclone n’a fait qu’accroître les besoins », concède Nicolas Péhau. « Le problème c’est qu’on ne bâtit pas assez vite par rapport à l’évolution de la démographie », poursuit-il. Il a bien été question de l’utilisation de modulaires maçonés, en partie utilisés dans certains établissements de l’île, mais cela reste a priori une solution provisoire, « un palliatif » pour la CRC, à cause notamment des contraintes de chaleur et de ventilation, mais aussi de sécurité.
Une restriction de l’accès à l’école
« L’accès à une école publique de qualité est un droit fondamental. Des maires restreignent l’inscription scolaire par des pratiques discriminatoires, en demandant des pièces justificatives qui ne sont pas prévues par la loi », fustige le rapport. De plus, toujours selon la CRC, entre 3.000 et 5.000 enfants ne seraient pas scolarisés. « Où sont-ils ? », se demande Nicolas Péhau. Concernant la restauration scolaire, là aussi ce n’est guère reluisant. Même si elle n’est pas obligatoire, le constat est que dans le 101e département c’est le système de collations qui domine et non les repas chauds.

En outre, le rapport relève qu’il n’y a « pas de modulation de la participation » concernant la restauration scolaire. Les parents d’élèves paient le même prix quels que soient leurs revenus. « Seuls 8 % des élèves bénéficient d’un repas chaud. La majorité reçoit une collation froide peu nutritive, sans distinction d’âge, alors que des réfectoires ont été construits massivement grâce au financement de l’État. Les communes sont réticentes à les mettre en service en raison des coûts de fonctionnement », révèle le rapport. Les réfectoires sont neufs mais ne sont pas ouverts !
Enfin concernant le périscolaire, autre prérogative à la charge des communes, la CRC écrit que « l’accueil périscolaire reste quasi inexistant à Mayotte, souvent réduit à une simple garderie sans activités éducatives, en dépit des besoins du territoire ».
Ainsi, en conclusion la CRC préconise aux communes d’engager des investissements colossaux pour répondre aux besoins scolaires, alors même que leur capacité d’investissement actuelle est très limitée et que leur situation financière reste fragile. « Ce n’est pas un problème d’argent public, y’a de l’argent, mais il faut savoir l’utiliser à bon escient… La République n’oublie pas Mayotte concernant les écoles ! », insiste Nicolas Péhau. Et de rappeler que « plus de 200 millions d’euros ont été investis par l’État pour les écoles depuis 2016 et qu’à ce jour seulement 50% ont été consommés ».
B.J.