En intégrant le groupe socialiste, le sénateur Omar Oili, s’est donné une voix dans l’opposition pour avoir toute marge de manœuvre. Il l’a fait ces dernières semaines en déplorant le déficit de communication du Gouvernement, et en le redisant ce lundi soir au Sénat : « C’est tout à fait anormal que les parlementaires reçoivent une partie du rapport de la mission inter-inspections sur les dégâts après Chido, une semaine avant la discussion de la loi ». Depuis fin février, il demande également la transmission du bilan des contrats de convergence.
Car c’est le premier lièvre soulevé dans ce projet de loi et qui a incité la rédaction à ne jamais laisser tomber les parenthèses de la (re)construction : Quels investissements relèvent de la réparation post-Chido et lesquels doivent doter Mayotte d’infrastructures toujours promises mais jamais réalisées ? Saïd Omar Oili en exigeant le rapport de la mission inter-inspection d’évaluation des réparations des dégâts, a obtenu ce qu’il cherchait : la nécessité d’additionner les deux montants, soit 6,7 milliards d’euros.
Ces flous alimentent la méfiance de la population envers les politiques, que le ministre Manuel Valls dit avoir compris, mais pour laquelle des preuves d’amour devront être données. C’est l’objectif du comité de programmation et de suivi des dispositifs adopté par la Commission des lois du Sénat à la demande du sénateur mahorais. « Ce rapport ‘pavé de bonnes intentions’ ne doit pas rester ‘lettre morte’ », souligne-t-il.
Les véritables mesures attendues

En demandant que soient respectées trois priorités : la fin des cartes de séjour territorialisées pour les étrangers en situation régulière, qui n’impliquerait finalement le déplacement que d’une partie des 100.000 personnes en situation régulière hors de Mayotte, la suppression de l’article 19 sur l’allégement des procédures d’expropriations pour lequel les parlementaires reçoivent une grande pression d’une partie des propriétaires terriens de l’île, alors que le dispositif a pourtant été positionné à la demande des élus de l’île sur une liste d’infrastructures vitales, et enfin, le rejet du système électoral proposé en 5 sections pour l’élection du Conseil départemental alors que le nombre d’électeurs ne reflète pas le volume de population globale, « en favorisant les communes qui accueillent le plus d’étrangers ». « Encore un argument supplémentaire pour mettre fin aux cartes de séjour territorialisées », soulignait le sénateur.
La sénatrice RDPI, Salama Ramia, lui emboitait le pas. Bien que dans la majorité, et ayant la charge de suivre le travail mené par le général Facon, « un travail collaboratif et constructif », elle n’a jamais mâché ses mots, et remerciait les rapporteurs du projet de loi, « qui ont renforcé le texte avec des garde-fous, des dispositifs de suivi et de contrôle qui garantissent que les engagements de l’État ne restent pas lettre morte, et que ceux-ci ne soient pas dilués lors de leur réalisation dans le temps ». Un des risques, noté dans l’avis du Haut conseil de la finance publique. Ce qui l’incitait de même à demander un échéancier pour le chantier de la convergence sociale, « pour en garantir la progressivité, la lisibilité, et la crédibilité ».
Un système « perdant-perdant »

Sur le plan économique, si elle appuie la Zone Franche Globale (ZFG) qui procure un allègement fiscal aux entreprises qui y résident, elle s’interroge sur leur capacité à surmonter la crise post-Chido, alors que son collègue mahorais avait fustigé quelques minutes auparavant, « 5 mois après CHIDO, les prêts à la reconstruction ne sont pas délivrés par les banques ».
Salama Ramia défendait également ce lundi soir l’abrogation du titre de séjour territorialisé, qui « enferme les étrangers en situation régulière dans l’île, contrevient au principe d’égalité devant la loi, et transforme Mayotte en enclave migratoire. Ce n’est plus viable ». Un système « perdant-perdant », qui voit le départ des Mahorais vers La Réunion ou l’Hexagone, « pendant qu’une population assignée à résidence » reste sur place « sans perspectives dans un territoire déjà saturé ». On pourrait rajouter, grâce à des titres de séjour délivrés par l’Etat lui-même. Une incongruité dont on espère qu’elle ne perdurera pas.
Un « tournant » peut être pris, et les sénateurs RDPI soutiendront le texte « à condition qu’il continue à s’enrichir à travers les débats que nous tiendrons ensemble », concluait la sénatrice.
A.P-L.