Entre pandémie mondiale, guerre en Ukraine, crise de l’eau, insécurité, conflits sociaux récurrents, l’économie mahoraise a été mise à rude épreuve entre 2020 et 2022. Pourtant, à rebours des prévisions pessimistes, les entreprises locales ont montré une étonnante capacité de rebond. C’est ce que révèle une étude thématique publiée par l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) de Mayotte, qui dresse le portrait d’un tissu entrepreneurial à la fois fragile et remarquablement résilient. Malgré des trésoreries sous tension, les indicateurs d’activité et de rentabilité sont en progression.
Des chiffres d’affaires en hausse dans un contexte troublé
La première surprise de l’étude tient à la trajectoire de croissance des entreprises locales. En dépit d’un enchaînement de crises — crise sanitaire, tensions internationales, instabilité locale — le chiffre d’affaires global a progressé entre 2020 et 2022. La majorité des entreprises sont restées bénéficiaires, avec des marges parfois supérieures à celles enregistrées à La Réunion ou en France hexagonale. Cette dynamique semble traduire une demande locale résiliente, couplée à la souplesse d’un tissu économique constitué essentiellement de petites structures, souvent plus réactives et proches du terrain.
Une structure financière solide et peu dépendante du crédit bancaire
L’étude de l’IEOM met également en lumière la solidité financière d’un grand nombre d’acteurs économiques mahorais. En dépit des crises, l’endettement bancaire reste maîtrisé, soutenu par des niveaux de fonds propres relativement élevés. Le coût de l’emprunt, inférieur à la moyenne nationale, contribue à maintenir la solvabilité des entreprises à un niveau rassurant. À horizon de trois ans, la plupart semblent en capacité d’honorer leurs engagements financiers. Cette stabilité, dans un environnement aussi incertain, témoigne d’une prudence de gestion renforcée par les leçons des crises passées.
Une trésorerie fragile, talon d’Achille persistant
Mais la robustesse relative de ces indicateurs ne doit pas masquer des fragilités bien ancrées. Le diagnostic de l’IEOM est sans équivoque : les tensions de trésorerie sont structurelles. Un quart des entreprises présentent une trésorerie négative, et les besoins en fonds de roulement restent élevés. En cause : des délais de paiement supérieurs à ceux pratiqués en métropole, un surstockage souvent contraint, et un encours de dettes sociales particulièrement lourd. Ces vulnérabilités pèsent sur la capacité des entreprises à investir et à se développer durablement. L’étude souligne enfin que les conséquences du cyclone Chido survenu le 14 décembre 2024, bien qu’exclues du périmètre d’analyse, rappellent brutalement la forte exposition de Mayotte aux aléas climatiques.
Si les entreprises mahoraises prouvent leur vitalité, leur avenir reste suspendu à la résolution de fragilités chroniques, dans un territoire à la croisée de multiples vulnérabilités.
Mathilde Hangard